Mourir (ça n’existe pas) (Rojzman)

Rojzman © La Boîte à bulles – 2015
Rojzman © La Boîte à bulles – 2015

Yann décide un beau jour de tirer le rideau. Sans donner d’explications, il quitte femme et enfant et part se suicider, à l’abri des regards. Depuis l’enfance, il avait l’impression d’être spectateur de sa vie. Ses angoisses le poursuivent depuis trop longtemps, en réponse aux angoisses permanentes de sa propre mère.

A l’âge de 25 ans, ses parents se sont tués dans un accident de voiture. Devenu orphelin, il a tenté de poursuivre son bonhomme de chemin et tenté de donner un sens à son existence. Il devient peintre, rencontre celle qui deviendra sa femme puis la mère de son enfant. Mais il n’a jamais su trouver réellement du plaisir fans ce qu’il entreprenait.

Après avoir rendu son dernier soupir, il découvre une nouvelle vie dans l’au-delà. Il échoue sur une plage où, après avoir erré quelques instants, il retrouve ses compagnons imaginaires de l’enfance, rencontre ses parents et prend place sur l’un des rares sièges d’un cinéma en plein air. Là, sur la toile, il visionne le film de sa vie. Ses échecs, ses hontes, ses peurs…

On va tous crever et toi, tu fais comme si de rien n’était

Théa Rojzman, artiste peintre et auteure, s’exprime par le biais de la peinture et de l’écriture depuis de nombreuses années. Elle fait tout d’abord « des études de philosophie jusqu’en maîtrise puis une formation de Thérapie Sociale », une discipline initiée par son père Charles Rojzman.

« Mourir (ça n’existe pas) » n’est pas son premier coup d’essai en matière de bande dessinée puisque l’auteure publie depuis 2007. Elle livre ici un récit intimiste où le personnage principal est en perpétuelle perte de repères. Incapable de trouver une motivation à vivre, il flirte depuis l’enfance avec un spleen désagréable qui lui colle au corps et à l’âme.

Pinceau, spatule, empreinte, goutte d’eau, petit rouleau… tout est bon pour travailler la peinture. Donner à la matière des reliefs, modeler ses formes graphiques, jouer avec ses aspérités. Théa Rojzman crée une ambiance graphique qui impose au lecteur la mélancolie du personnage. Malgré le décor dépouillé qu’offre le paysage de bord de mer (une plage de sable fin sans dunes, sans creux ni châteaux de sable), les variations de luminosité sont fonction du ciel plus ou moins chargé de nuages.

Le personnage pense régulièrement à des souvenirs qui s’ancrent majoritairement dans son enfance. Il revit en pensées des scènes qu’il a vécues et observe son attitude, commente son comportement, donnant l’impression d‘un huis clos mental assez oppressant voire pathétique à certains moments.

L’ouvrage est rythmé par les angoisses passées, présentes et à venir du narrateur. Sa peur de l’Autre fait écho à celle de sa propre mère. Sa peur de lui le torture à chaque respiration lui qui hésite à vivre. Epaulé par ses amis imaginaires qui l’ont accompagné durant son enfance et la majeure partie de son adolescence, le personnage regarde le film de sa vie sans jamais détourner le regard. Petit à petit, il associe les événements et chemine à sa manière. Il cherche désespérément à donner un sens à sa vie.

Tu vois, je ne me suis même pas rendu compte que tu ne m’entendais pas. Je ne vois que moi, comme toujours

La métaphore est utilisée de façon permanente dans l’ouvrage. Qu’elle soit langagière ou visuelle, la place de la symbolique dans le récit est l’élément central ; libre au lecteur de le saisir ou de le laisser s’échapper.

PictomouiUne lecture oppressante dans laquelle on n’a pas tellement envie de s’immiscer. L’auteur laisse pourtant cette possibilité au lecteur de rester simple spectateur… et de profiter pleinement des somptueuses illustrations qui composent l’ouvrage.

Extrait :

« Tu fais de la peinture parce que tu crois que c’est magique. Mais tu en fais parce que tu es meurtri. Aussi parce que ta vie n’est pas vraie. C’est aussi pour ça que tu as des amis imaginaires. Pour tricher avec la réalité. Changer la vie qui ment. Recommence tout à l’envers, à partir de la fin. En gardant ce que tu as réussi : les vrais amours et tout ce qui fait rire. Et fais comme si l’existence devait t’être fidèle, conforme à ce que tu es (étais) au commencement, avant la peur et les accidents » (Mourir ça n’existe pas).

Mourir (ça n’existe pas)

One shot

Editeur : La Boîte à Bulles

Collection : Hors champ

Dessinateur / Scénariste : Théa ROJZMAN

Dépôt légal : mai 2015

ISBN : 978-2-84953-218-8

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Mourir (ça n’existe pas) – Rojzman © La Boîte à bulles – 2015