Arelate, cycle 1 (Sieurac & Genot)

Génot – Sieurac © Cleopas – 2012
Génot – Sieurac © Cleopas – 2012

Arelate (Arles), 1er siècle après Jésus-Christ.

Génot – Sieurac © Cleopas – 2012
Génot – Sieurac © Cleopas – 2012
Génot – Sieurac © Cleopas – 2013
Génot – Sieurac © Cleopas – 2013

Vitalis est tailleur de pierre. Malgré la grossesse de sa femme, il continue de dépenser son argent dans les jeux de hasard et l’alcool. A force de parier, il a déjà perdu sa solde avant même de l’encaisser, ce qui le contraint à emprunter toujours plus. Mais le prêteur entend bien rentrer dans ses frais et décide de lâcher ses sbires dans la Cité pour mettre la pression sur Vitalis.

Ce dernier se retrouve acculé. Il décide de renoncer à sa liberté et signe un contrat auprès d’un laniste, devant ainsi gladiateur.

En parallèle, nous suivons Neiko, jeune adolescent qui s’apprête à devenir un homme. Son rêve est de pouvoir naviguer mais il se heurte aux réticences de sa mère encore affectée par le décès de son frère.

Il est désormais assez rare que je me plonge dans de telles fresques historiques. La dernière en date est Murena et je n’ai pas ressenti l’envie d’en parler sur ce blog. Comme il y a des exceptions à la règle, j’ai accepté une proposition que m’a faite Jérôme de découvrir Arelate. La maison d’édition Cleopas m’a envoyé l’intégralité du premier cycle de la série (trois tomes). Mais aussi sceptique ai-je été avant de m’engager dans la lecture, j’ai découvert cet univers avec avidité, d’où mon envie d’en parler.

L’aisance avec laquelle les auteurs installent les personnages et les font évoluer dans cette société est assez déconcertante. L’ensemble est fluide, didactique et divertissant. Quelques pages m’ont suffit pour être totalement captivée par ce scénario.

Si deux personnages principaux [Vitalis et Neiko] se démarquent aisément, c’est pourtant le tailleur de pierre qui retiendra notre attention ; c’est aussi ce personnage que les auteurs développent le plus. Cependant, l’assurance dont témoigne Neiko dès lors qu’il atteint la majorité laisse présager que nous sommes en présence d’un protagoniste à fort potentiel, il n’est pas impossible qu’il nous surprenne dans les tomes à venir.

Concernant Vitalis, l’histoire s’amorce à un moment crucial de la vie et son addiction aux jeux d’argent ne servira finalement que deux choses : c’est un prétexte pour aborder la question des jeux durant la Rome Antique (sujet qui sera d’ailleurs repris de manière plus détaillée dans l’intéressante Annexe du premier tome) et d’acculer tant et tant le personnage au point qu’il contractualise avec le laniste… cela met l’intrigue sur les rails de manière tout à fait intéressante.

Laurent Sieurac et Alain Genot sont parvenus à construire une œuvre intelligente et à rendre la science ludique. Chaque tome développe cette fiction historique sur une cinquantaine de pages et en annexe, le lecteur peut profiter de dossiers d’une quinzaine de pages où sont repris point par point les sujets importants croisés dans le péplum. La partie documentée ne fait qu’accroître l’intérêt de la série. Des questions aussi variées que les codes vestimentaires, les corporations professionnelles, la gladiature, la grossesse, les croyances et les rituels sont abordées, mais je ne dresse-là qu’une liste non exhaustive de l’éclairage apporté au lecteur. A noter que Alain Genot est archéologue au Musée départemental Arles antique (si vous êtes intéressés, cliquez sur ce lien pour lire une interview d’Alain Genot). On aura également le plaisir et la surprise de découvrir en quoi les auteurs se sont permis quelques libertés avec la réalité historique ; ils abordent ces points très naturellement et assument totalement la part interprétative qu’ils ont sciemment intégré dans le scénario. Un peu de fantaisie historique ne fait de mal à personne lorsque les propos sont aussi bien étayés (écoutez également cette émission sur France Culture dans laquelle Alain Genot revient sur les méthodes d’expérimentation archéologique employées par son équipe ; ils organisent des combats pour retrouver les gestes des gladiateurs).

Génot – Sieurac © Cleopas – 2012 à 2013
Génot – Sieurac © Cleopas – 2012 à 2013

J’avais déjà eu l’occasion de profiter du travail illustratif de Laurent Sieurac sur L’Assassin royal. Son dessin réaliste se marie parfaitement à ce registre narratif. Le trait des dessins est fin, très descriptif, un peu figé par contre sur certains moments (surtout les visages). Je n’ai pas eu l’occasion de tenir en mains la première édition du tome 1 d’Arelate. Cet ouvrage fut en effet publié une première fois en 2009 avec une couverture que je trouve plus criarde que celle qui habille la réédition de 2012. De plus, les planches étaient initialement d’une extrême sobriété, en noir et blanc et complétées des jeux de lumière plus ternes et très contrastés. Cette nouvelle édition s’inscrit dans la même veine graphique que les deux autres tomes du cycle 1 où dominent des teintes sépia. Ponctuellement, de courts passages sont mis en couleur par de doux lavis de gris ; ils nous signalent un temps narratif légèrement décalé dans le passé et nous aident à mieux appréhender l’histoire principale. On peut ainsi mesurer la teneur de certains liens relationnels entre certains personnages ou l’importance d’un événement antérieur à l’action présente. Il y a une belle harmonie entre les deux atmosphères.

PictoOKJe remercie Jérôme et les Editions Cleopas pour cette lecture. Sans cela, je sais que je ne me serais pas tournée vers cette série qui semble être passée inaperçue dans le flot des publications. C’est un tort car elle n’a absolument pas à rougir de la comparaison avec des épopées telles Murena ou Alix Senator et en profite, au passage, pour préciser certains points volontairement (ou non) mal employés par de nombreux artistes (auteurs de bande dessinée, réalisateurs films américains ou italiens…). Ainsi, les toges d’une blancheur immaculée sont un néologisme, les combats de gladiateurs sont des duels très codifiés et pratiqués sous le regard d’des ou deux arbitres… ce n’est pas la boucherie qu’Hollywood nous montre à chacune de ses productions cinématographiques.

Le premier cycle est complet. Comme je vous l’avais dit : voici une série que je ne pensais pas suivre. Il me tarde pourtant de découvrir ce qui nous attend par la suite…

Lire une interview d’Alain Genot.

La chronique de Jérôme sur les deux premiers tomes et celle de Mickaël Lefebvre.

Du côté des challenges :

Challenge Histoire : le 1er siècle après J-C et la civilisation romaine

Challenge Histoire
Challenge Histoire

Arelate

Cycle 1 : 3 tomes

Tome 1 : Vitalis

Tome 2 : Auctoratus

Tome 3 : Atticus

Série en cours

Editeur : Cleopas

Dessinateur : Laurent SIEURAC

Scénaristes : Alain GENOT et Laurent SIEURAC

Dépôt légal : septembre 2012 (pour la réédition du tome 1),
octobre 2012 (tome 2) et juillet 2013 pour le tome 3

ISBN : 978-2-917283-46-2 (tome 1), 978-2-917283-47-9 (tome 2) et 978-2-917283-73-8 (tome 3)

Bulles bulles bulles…

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Arelate, tomes 1 à 3 – Génot – Sieurac © Cleopas – 2012 à 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

17 réflexions sur « Arelate, cycle 1 (Sieurac & Genot) »

  1. Tu as aimé, tant mieux, je t’avoue que j’avais quelques doutes. C’est vraiment très bien réalisé et j’ai trouvé l’ensemble passionnant (le dossier documentaire en fin d’album est instructif).

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    1. J’avoue que j’ai soufflé quand je les ai reçu. Et je soufflais de plus en plus à mesure que je feuilletais. Et lorsque j’ai vu les annexes, j’ai eu un temps d’arrêt. Et puis en fait, comme tu le dis, c’est passionnant. Je n’ai eu aucun mal à partir dans la lecture. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les différents dossiers thématiques et cela n’a fait qu’accroître mon envie de continuer à découvrir cette histoire.
      J’ai hâte de découvrir aussi ce que l’avenir réserve à Neiko 😉
      Merci pour cette proposition. Une très belle découverte qui me fait sortir de mes sentiers habituels et c’était très agréable !

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  2. Bonjour,

    Je me dois de remercier tout d’abord Jérôme, qui a fait les démarches pour que Cleopas puisse vous envoyer les albums, et d’après ce que je viens de lire, il semble qu’il ai eu entièrement raison.
    Merci Mo’ donc d’avoir su passer outre votre réticence initiale et je ne peux que me féliciter devant le plaisir manifeste que vous avez éprouvé à cette lecture.
    Notre objectif principal, de présenter une antiquité plus réaliste et donc moins fantasmée semble avoir atteint son but en plus d’avoir voulu apporter un regard je dirais complémentaire par rapport à la production BD antique.

    Pour ce qui est de Neiko, il sera au centre du prochain tome où nous le verrons s’affirmer de plus en plus en effet. Vitalis sera quant à lui toujours présent mais en filigrane, tout comme d’ailleurs une partie de notre « casting ».

    Je dois reconnaitre, que malgré l’impression persistante que cette série est réellement passée sous les radars de pas mal de lecteurs (pas tous heureusement!) ce genre de chroniques et le plaisir manifeste que la lecture a pu procurer nous met du baume au cœur et nous conforte dans l’envie de continuer à la faire vivre!

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    1. Bonjour !
      Oui, s’il vous plait, continuez à faire vivre cette série ! Elle est passionnante !! Votre travail démontre encore une fois que le médium Bd est tout à fait à même d’accueillir ce genre de restitution. Je ne me passionne pas pour cette période de l’histoire habituellement. D’ailleurs, avec Alain Genot, vous revenez plusieurs fois sur le fait que le sujet a été mainte et mainte fois traité par les productions hollywoodiennes et oui, j’avais fini par me lasser des scenarii qui reviennent sans cesse sur le même aspect de la gladiature : un monde viril et sans pitié, avec un soupçon de romantisme pour assaisonner le tout mais pas trop non plus. Je ne savais pas que tout cela était une fausse interprétation ou du moins, qu’autant de détails avaient été éludés.
      J’ai appris énormément en vous lisant et après avoir refermé ce premier cycle, j’ai passé beaucoup de temps sur internet, lu quelques fiches techniques, visionné quelques vidéos montrant le travail de votre collègue… Je découvre aussi une autre facette du métier d’archéologue (un métier à risque !! :)).
      Quoiqu’il en soit, j’étais loin d’imaginer que cette lecture me passionnerait autant !
      Une très belle surprise… je manque de mots pour exprimer ma satisfaction 🙂
      Vous m’aviez déjà fait découvrir l’univers de robin Hobb et voilà que maintenant, vous me faites revenir au temps des Romains ! 😀 Merci à vous !

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  3. Heureux que vous ayez également découvert Robin Hobb via notre adaptation. Personnellement j’aurais préféré la faire tout seul mais bon….je ne vais pas trop m’étendre là dessus, ce n’est pas le propos!

    Concernant la gladiature, je dois dire qu’au départ elle était dans le même sac que l’empereur, les légions et les orgies, le sac des choses que nous ne voulions pas voir apparaitre dans notre série car utilisées par tous les autres mais suite à la lecture du livre « Gladiateurs, des sources à l’expérimentation » de Teyssier&Lopez, un nouvel univers c’est simplement ouvert à moi. J’ai été véritablement sidéré par le traitement que nos livres d’histoires en faisaient (je ne parle même pas d’Hollywood&Co!) et je l’ai donc ressorti du sac pour l’intégrer dans notre histoire et j’ai conscience que du coup ce que nous présentons dans cette série puisse être un véritable « choc » pour les lecteurs. Le carnet pédagogique, rédigé par un archéologue de métier, revêt du coup une importance cruciale et nous permet, sur cet aspect là, d’approfondir encore plus le thème.

    Cela me fait également très plaisir de savoir que la lecture vous a donné envie d’aller « gratter » un peu plus loin, c’est exactement ce qu’en temps qu’auteur nous souhaitions!!!

    Pari gagné donc si les romains vous apparaissent de nouveau intéressants, c’est aussi tout simplement parce que, comme l’a si bien dit Gilles Chaillet, nous avons simplement voulu nous préoccupé des 90% de Romain que représentent le petit peuple!

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    1. Oui, concernant les propos de Gilles Chaillet me rappelle la préface de Jean-Claude Golvin qui insiste également sur le fait que votre récit a une dimension humaine. en fait c’est simple : du premier mot du tome 1 au dernier point du tome 3, j’ai prêté attention à tout 🙂
      Deux éléments m’ont chiffonné cependant.
      Le premier tient au fait que je ne savais pas, avant de faire des recherches sur Internet, que j’étais face à une réédition du tome 1. J’ai donc eu du mal à expliquer la présence de la préface rédigée par Gilles Chaillet. J’ai eu l’explication après coup.
      Le second tient à une difficulté passagère à me situer dans un passage du premier tome. Juste après la scène de l’enterrement, vous ramener le lecteur vers un court passages de retrouvailles au comptoir d’un bar avant de nous faire découvrir les thermes. J’avais cru reconnaitre Vitalis parmi les hommes accoudés au comptoir. Ma première réaction a été de rechercher un marqueur de temps, je ne me représentais pas le laps de temps écoulé entre la cérémonie et ce regroupement que j’avais perçu comme convivial (des amis se retrouvent pour aller passer un moment de détente). Je n’ai compris qu’après que ce n’était pas le cas. J’ai du revenir un peu en arrière pour avoir une vision plus nette de la scène.
      Quoiqu’il en soit, j’ai pris le parti de m’armer de patience en attendant le tome 4. Moi qui préfère dorénavant me tourner essentiellement vers les one-short ou les séries courtes, vous me faites faire un joli pied-de-nez à mes habitudes de lectrice ! 😀

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  4. En effet c’est une réédition mais comme souvent, lorsqu’une BD change d’éditeur, elle n’est pas noté seconde édition. De plus, comme la première édition était en N&B, techniquement on peut considérer que celle-ci est une vraie première édition!

    Je dois reconnaitre que j’ai tendance à faire parfois des personnages qui se ressemblent, ça peut du coup prêter à confusion. Sur cette séquence en particulier il y a en effet une petite ellipse!

    …et désolé pour la rechute dans une série, j’en assume l’entière responsabilité mais ne compte pourtant pas me retirer définitivement de la vie BDphile:D
    Plus sérieusement, je suis également un gros lecteur BD et je comprend parfaitement votre point de vu concernant les séries d’autant que j’ai pris pour habitude de lire les premiers tomes de certaines, puis de les acheter en intégralité si j’ai apprécié ce premier tome avant de lire la série complète!!!

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    1. C’est quitte ou double avec les intégrales ! ^^ Parfois, on a des mauvaises surprises avec certaines séries. Les premiers tomes sont bons et puis la suite… Par exemple, je m’étais acheté « Les Maîtres cartographes » en intégrale (je parle d’une autre époque, ce genre de récits me plaît beaucoup moins aujourd’hui) et donc autant j’avais apprécié la mise en route autant j’ai abandonné ma lecture au beau milieu de la seconde intégrale.
      Et puis après, quelques mauvais souvenirs de tendinite avec certaines intégrales… celle des « 7 Vies de l’Epervier » par exemple » 😀

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  5. Bonjour Mo’ 🙂 cette fois je suis encore piquée au vif, ton article m’a donné une furieuse envie de me procurer cette BD 🙂 J’ai lu la saga « Murena » car j’aime beaucoup ce côté historique 🙂 en tout cas merci Mo’ pour ce billet très intéressant et tentateur.

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    1. Merci !! Bonne lecture à toi !! J’espère que tu trouveras ces trois tomes facilement 😉
      Je ne suis pas mécontente de mon article pour le coup puisque j’ai réussi à te donner envie de découvrir cet univers 😉

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  6. Tu piques encore ma curiosité ! Je manque clairement de références en Bd historiques et je dois dire que ça pourrait être sympa de placer celui-là dans les mains de mes clients de Noël !

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