Sharaz-De (Toppi)

Sharaz-De, tome 1
Toppi © Mosquito – 2000
Sharaz-De, tome 2
Toppi © Mosquito – 2005

« Il était une fois un grand Roi sage et puissant. Mais seul est sage le Très Haut, béni soit-il. Il régnait sur de vastes étendues depuis le Gowandab qui serpente dans la chaleur étouffante des basses plaines jusqu’aux pics enneigés de Bashra où les tigres d’Hyrcanie perdent leur couleur en hiver. Ce roi avait deux fils, rois eux aussi, leurs royaumes quoiqu’éloignés l’un de l’autre s’étendaient sur des territoires immenses et peuplés de grandes multitudes ».

Shahzam’an, l’un des fils du Roi, découvre par hasard que la Reine, sa femme, le trompe avec un de ses serviteurs. La sanction ne se fait pas attendre : «Au matin sur les murailles, il y avait deux têtes. Celle de la reine était la plus haute». Shahzam’an se rendit alors chez son frère, le Roi Shahriyar. Ce dernier tenta de réconforter son frère sans succès, jusqu’au jour où Shahzam’an surprit la Reine (sa belle-sœur) en train de tromper son frère. Il finit par relater l’adultère à Shahriyar. La sanction ne se fit pas attendre : «Au matin sur les murailles, il y avait deux têtes. Celle de la reine était la plus haute». Shahriyar décida ensuite que chaque nuit, il accueillerait dans son lit une jeune et belle vierge, et que son bourreau la décapiterait au matin. Il en va ainsi pendant une longue période, jusqu’à ce que Sharaz-De soit introduite dans les appartements du Roi et que débute alors ses récits nocturnes, repoussant temporairement sa mort jusqu’à l’aube suivante.

Ce diptyque est une adaptation des contes des Mille et Une Nuits, ou peut-être serait-il plus juste de dire que l’auteur les revisite. Ce qui est certain, c’est que je connaissais ces dessins. Ce qui est certain aussi, c’est que je n’avais jamais lu TOPPI avant. Me reste à retrouver où et quand j’ai eu l’occasion de voir des illustrations de TOPPI.

Des adaptations de contes que j’ai lues ces derniers temps, je crois que celle-ci est la plus fascinante. TOPPI nous embarque dans un récit envoûtant dès les premières pages, son style de narration capte l’attention. Mais le plus dépaysant, ce sont sans aucun doute les ambiances graphiques très « charismatiques ». Quand j’avais feuilleté ces deux albums avant de les prendre, j’avais eu une impression de lourdeur, de contenu imposant. Une fois prise dans le récit, les dessins sont en fait très dynamiques et ont beaucoup de relief. Le regard se perd sur un détail et est aussitôt embarqué dans l’exploration du visuel général. Tous les éléments de l’illustration sont liés, tout est mystérieux et l’atmosphère orientalisante qui plane accentue le dépaysement. J’ai eu l’impression de partir dans une autre contrée où se mélangent magie, légendes (dragons, gazelles à cornes d’or…) et Histoire. C’est très particulier à décrire.

Dans chacun des albums, un chapitre est colorisé. Des teintes marron, pourpre, bleu, rose renforcent le côté atypique de cet univers.

Le travail de TOPPI sur ce thème des Mille et Une Nuits a été motivé par une commande qui lui a été faite par le rédacteur en chef de la revue italienne Linus qui décida abruptement de cesser la publication au bout d’une dizaine de chapitres…. on en aura bien lu plus. Idem, les deux histoires ont été colorisée sur demande de ce commanditaire. Personnellement, je trouve que le noir et blanc nous « fige » moins dans la lecture, notre imaginaire n’étant pas bridé par les limites imposées par la couleur (luminosité, profondeur des décors…). D’un point de vue tout à fait interprétatif, j’ai ressenti bien plus de choses (odeurs, sons) quand la couleur ne m’était pas imposée.

En bonus, une postface rédigée par Thierry GROENSTEEN (historien et théoricien belge de la bande dessinée), que je connais pour avoir fait une recherche Google après la lecture de Sharaz-De (voici le lien vers son site). Il nous aide à y voir plus clair dans les codes utilisés par TOPPI, les références de l’artiste et ses objectifs de travail. Ce serait difficile de me priver de recopier ici une partie de ses propos, même si l’envie me brûle d’en reprendre l’intégralité et l’avoir ainsi à disposition dès que je me connecte sur Internet.

« Sergio TOPPI appartient à cette lignée de dessinateurs qui conçoivent la page comme une entité plastique. Dans ses commentaires sur son propre travail, il ne manque jamais d’insister sur sa volonté de se «libérer des contraintes de la mise en page traditionnelle» pour «faire avancer le récit autrement». Cette dernière précision est capitale : lors même que l’art de TOPPI semble guidé par un souci décoratif, la vocation narrative de la bande dessinée n’est jamais contredite. L’intelligibilité du récit est toujours préservée, d’autant plus facilement que Toppi, étant son propre scénariste, écrit en fonction de ses procédés de mise en scène et s’appuie sur eux. Parmi ces procédés, celui que le dessinateur milanais a véritablement érigé en système est l’organisation de la planche autour d’une figure prépondérante. Cette figure, cependant, n’est pas toujours un motif circonscrit, aux contours arrêtés : elle se laisse volontiers contaminer, parasiter ou prolonger par des motifs secondaires. Les chevauchements, les agglomérats, les interpénétrations orchestrent alors un jeu de tensions entre la figure et ses contrepoints, en même temps qu’ils structurent l’espace paginal en définissant un équilibre des masses. Noir/blanc, vide/plein, horizontal/vertical, encadré/libre : Toppi joue de ces alternatives en virtuose, pour renouveler les compositions à l’infini ».

PictoOKUne longue lecture que voilà tant j’ai aimé me perdre dans les dessins.

J’avais demandé de la lecture il y a quelques temps, Choco m’a carrément proposé de découvrir un auteur : TOPPI. Je remercie donc Choco (courbette, courbette, courbette ^^) pour cette découverte. Ce qui est certain Madame Choco… c’est que TOPPI reviendra sur ce blog.

La fiche éditeur (comprenant un dossier assez complet sur TOPPI : interview, bibliographie, dessins originaux…). Une interview sur du9, une autre chronique de Sharaz-de sur blogculturel.

CITRIQ

Sharaz-De

Diptyque

Éditeur : Mosquito

Dessinateur / Scénariste : Sergio TOPPI

Dépôt légal : juillet 2000 (tome 1) et janvier 2005 (tome 2)

Bulles bulles bulles…

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Sharaz-De, tome 2 – Toppi © Mosquito – 2005

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

15 réflexions sur « Sharaz-De (Toppi) »

  1. Belle découverte d’un auteur très attirant. J’aime beaucoup les dessins que tu as choisis et les explications de Thierry Groensteen sont particulièrement intéressantes.

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  2. Je suis heureuse :)) J’ai réussi à transmettre mon goût pour cet artiste ! Maintenant, tu sais ! Depuis qu’un ami me l’a fait découvrir, je suis fasciné par ses dessins. C’est le seul qui me demande autant de temps pour lire un simple album… soupir… double soupir… Tu me donnes envie de tout lire/relire….

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  3. Bon, je débarque avec retard comme d’hab :)) Vaste question en fait ! Car je suis loin d’avoir tout lu ! Oui Tanka est très chouette mais moins fort que sharaz-de forcément car il s’agit de 3-4 récits indépendants (comme une grosse partie de ses albums) sur le thème du Japon… et c’est donc pour ça qu’il m’a beaucoup plu ^^ Sinon , je dirais sa série « le collectionneur » qui commence avec le joyau mongol. Après, très honnêtement, difficile d’en sortir un du lot… je les aime tous ! Oui je sais je t’aide pas là lol

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  4. euh, j’ai pas tout compris là… qu’est-ce que vient faire le 1er janvier et un tag dans l’histoire… ? j’ai du rater la connexion lol

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  5. ouh…boudiou… très ténu le lien, très ténu… POur une fois que je ne suis pas entièrement à côté de la plaque ^^ Tu vas loin là !

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    1. C’est bien mon impression ! Ses univers sont fascinants !
      J’en ai encore beaucoup à découvrir mais je le fais sans me presser, je savoure 🙂

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