Le Conte du Charbonnier (Takeno)

Le Conte du Charbonnier
Takeno © Picquier – 2006

Nous sommes en 1957 dans la province de Wakayama.

Après avoir fait des études secondaires, un jeune homme de 20 ans décide de devenir charbonnier comme son père. Il s’installe donc à son compte, achète des droits d’exploitation de parcelles de forêt  et consacre son temps à l’entretien de son four et la coupe de bois. Un quotidien de solitude propice à la rêverie et à la nostalgie.

Ce manga est l’adaptation du roman éponyme de Ue Toshikatsu, écrivain, charbonnier et fils de charbonnier. Le Conte du charbonnier est son autobiographie.

En choisissant d’adapter cette œuvre, Shigeyasu Takeno signe, à cinquante ans, son premier manga publié. Mangaka depuis déjà plusieurs années, on remarque rapidement la technicité de l’auteur. La lecture est fluide, le lecteur dispose d’une bonne perception des mouvements, le cadrage des visuels est agréable, l’œil est guidé dans sa découverte des planches. Ce manga de 238 pages se découpe en 11 chapitres qui traitent, à différents niveaux, du quotidien d’un charbonnier. L’histoire se clôt sur une postface de Patrick Honnoré, traducteur du Conte du Charbonnier et Directeur de la Collection « Manga » de Picquier. Même si je salue la richesse de ce texte, j’ai trouvé dommageable qu’il soit inséré en fin d’album ; il apporte en effet de nombreux éléments quant aux conditions de réalisation de l’album et offre des éléments de compréhension quant à la construction du récit… des détails qui m’auraient certainement permis d’apprécier cet album. On y apprend notamment que:

Dans Le conte du charbonnier, la sortie du four est présentée avant le chargement et se termine par la fabrication du four, là où peut-être un récit occidental aurait choisit le déroulement encyclopédique inverse. Dans ce choix de placer au centre non pas l’homme maître des éléments, orgueilleux démiurge, mais la nature elle-même, se perçoit la relation spécifiquement asiatique de l’homme à la technologie et à la production.

Patrick Honnoré va jusqu’à mettre en parallèle les travaux de Shigeyasu Takeno et de Jiro Taniguchi quant au réalisme des visuels. Il est vrai que la qualité des dessins de Takeno est agréable pourtant, elle n’égale pas celle de l’auteur du Journal de mon père (ou d’autres récits qui ont d’ores et déjà conquis de nombreux lecteurs). Mais force est de constater que l’ambiance graphique de ce manga diffuse beaucoup de sérénité et permet au lecteur de contempler de magnifiques décors boisés et montagneux. En revanche, pour la partie des visages, le travail de Takeno est inégal. Le personnage principal est affublé d’un visage assez lisse qui transmet mal l’état d’esprit du personnage. En général, il semble naïvement content de sa condition, affublé en permanence d’un sourire satisfait d’un regard ébahi. Quant aux personnages secondaires, même constat : quelques faciès très expressifs se démarquent comme ceux des vieilles femmes ridées à souhait et conférant à ces héroïnes une part de mystère et de charisme.

Au niveau du scénario en revanche, j’ai trouvé cette lecture ennuyeuse. On ne sort pas du quotidien de ce jeune homme et de ses tâches répétitives : s’occuper du four, couper du bois, contempler la faune et la flore, plonger dans ses souvenirs d’enfance, s’ébahir d’un battement d’ailes, d’un bruissement de broussaille ou d’un flocon de neige. On apprend beaucoup sur le métier de charbonnier mais, à la différence de Taniguchi qui sait passionner son lecteur, j’ai trouvé que Takeno avait tendance à l’ennuyer. Le personnage transmet son savoir mais en tire-t-il une quelconque expérience ?? Des digressions narratives nous emmènent régulièrement explorer les habitudes (alimentaires, défensives…) du chamois ou du pic-vert… même constat : c’est intéressant, un peu pompeux et, en revanche, ces passages diluent l’intrigue principale, si tant est que l’on puisse dire qu’il y a intrigue. Seul point positif : les us et coutumes nippones sont très présentes. A mesure qu’on avance dans la lecture, l’auteur consacre une belle place au folklore japonais en faisant exister les yokais, ces petits êtres mi-anges mi-démons. Ne vous attendez cependant pas à revivre la magie que Shigeru Mizuki avait su créer dans des œuvres comme NonNonBâ ou Kitaro le Repoussant.

En conclusion, on évolue dans de belles ambiances graphiques mais la présence de ce personnage qui oscille entre présent et souvenirs, un homme sans ambitions, sans projet d’avenir, crée rapidement de la lassitude dans la lecture. Il se contente de petits moments de bonheur volés, d’une goutte de rosée ou d’avoir su produire un charbon de qualité… je trouve cela un peu léger. L’ouvrage se construit, comme de nombreuses œuvres japonaises, autour de la recherche d’harmonie entre l’homme et la nature et de la fierté du travail bien fait. On est dans un récit contemplatif qui n’a pas su me charmer, un conte qui ne m’a pas émerveillée.

Les chroniques de Chroniques d’un newbie et de Critiques Libres.

Le conte du charbonnier

One Shot

Éditeur : Philippe Picquier

Collection : Picquier Manga

Dessinateur / Scénariste : Shigeyasu TAKENO

Dépôt légal : octobre 2006

ISBN : 978-2-87730-889-2

Bulles bulles bulles…

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Le conte du charbonnier – Takeno © Philippe Picquier – 2006

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

18 réflexions sur « Le Conte du Charbonnier (Takeno) »

  1. J’ai peur de m’ennuyer aussi, surtout qu’en ce moment, il ne m’en faut pas beaucoup pour que ce soit le cas ! S’il est à la biblio, je le feuilletterai pour voir le graphisme et ensuite, eh bien, on verra 😉

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    1. Si tu es sensible aux œuvres contemplatives, je pense qu’il te plaira. Ce n’est pas mon cas, le pari était donc risqué et la magie n’a pas opérée

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  2. Je vais quand même me le noter !
    Tu sais que c’est le Japon qui est invité d’honneur au Salon du livre à Paris en mars 2012 ? (il y a aussi des mangas).

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  3. La collection manga de chez PIcquier m’a souvent attiré, pourtant les quelques titres ne m’ont jamais laissés un souvenir impérissable…

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    1. A vrai dire, c’est ma première expérience du côté de cet éditeur. Les Chavouet me font malgré tout de l’œil, mais j’ai tout de même quelques appréhensions à leur égard (les visuels me semblent bien chargés, les couleurs saturées). A voir.

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        1. Je sais que les Chavouet n’ont rien à voir. Ils me semblent d’ailleurs dénoter totalement avec la ligne éditoriale de Picquet ! ^^ Tes avis sur les Chavouet m’ont vraiment marqués. A tel point que j’ai offret déjà deux fois « Tokyo Sanpo » alors que je ne l’ai pas lu ^^ Le graphisme m’écœure encore quand je feuillète (je n’aime pas les couleurs, je n’aime pas la rondeur des trait et cela me donne le tournis tellement il y a de détails). Un jour peut-être… mais l’heure de cette lecture n’a pas encore sonné pour moins ^^

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            1. Oui, et c’est rare quand cela m’arrive. Je n’ai eu que de bons échos sur les Chavouet et la première fois que je l’ai offert, c’était dans le cadre d’un Swap. Ma coéquipière avait inscrit « Manabé… » sur sur ses envies de lectures (elle était déjà conquise par « Tokyo Sanpo »). Donc je me suis dit que je ne risquais pas grand chose en l’offrant à une convertie. La seconde fois, c’est à cause du graphisme si « spécial » que je l’ai offert à quelqu’un très curieux de varier ses explorations graphiques ^^ Je n’ai pas eu de retours tiens… je vais aller aux nouvelles ^^

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  4. Comme Choco, je constate que les mangas publiés chez Picquier sont très décevants, ce qui est quand même surprenant pour un éditeur spécialisé dans la littérature asiatique.

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  5. Vu comme ça, effectivement ^^ t’as pas pris de gros risques 🙂 Pour ma part, j’essaye d’offrir toujours des trucs que j’ai lu pour pouvoir argumenter dessus au déballage (je fais ma libraire quoi :lol:)

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    1. Oui, alors ça m’arrive aussi de « faire ma libraire » du coup 😉
      Quand j’ai offert « Asterios Polyp » à ma mère par exemple. Elle était séduite par l’idée (forme, fond…) avant même de le lire. Au final, elle a adoré… mais je crois que quelqu’un l’a influencée ^^

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