L’Encyclopédie des débuts de la Terre (Greenberg)

Greenberg © Casterman – 2015
Greenberg © Casterman – 2015

« Au-delà de l’Aurore, dans la Quatrième dimension, se trouve le Château Nuage. C’est là qu’habite le dieu Oiseau, Homme-Aigle, et ses enfants les Corbeaux, Gamin et Gamine. Pour les Dieux, l’étoffe du monde est mince. Ils la traversent aussi facilement qu’on écarte un rideau. Là-haut, dans le Château Nuage, ils passent leurs journées à observer la vie des humains sur la Terre ».

Isabel Greenberg nous emmène à la rencontre d’un jeune homme au parcours singulier. Lorsqu’il était enfant, il fut installé dans un panier en osier que l’on a laissé dériver, soumis aux caprices d’un courant d’eau. L’enfant fut recueilli par trois sœurs des terres du Nord. Bien qu’inséparables, elles en viennent rapidement à se chamailler. Chacune revendique la maternité de l’enfant. Elles décident alors de consulter le vieux sage de leur Île et insistent pour qu’il partage l’enfant en trois à l’aide d’une incantation. Face à tant d’insistances, le vieil homme cède à leur demande mais à une condition : les trois garçons ne doivent jamais de rencontrer sans quoi, nul ne peut prévoir ce qui se passera.

Les années passent. Les sœurs apprennent à vivre seules et élèvent chacune l’un des garçons. Mais la satisfaction s’efface rapidement derrière l’amertume. Aux treize ans des garçons, elles sollicitent de nouveau l’aide de l’Homme médecine pour que les garçons soient rassemblés. Ces derniers, représentant trois partie d’un tout, fusionnent pour ne faire qu’un. Mais une quatrième partie du garçon, un tout petit bout d’âme, manque à l’appel. Elle semble être partie à l’autre bout du monde, sur les lointaines terres du Sud. Le jeune homme décide de partir en quête de cette parcelle de lui, prêt à braver tous les dangers pour retrouver une harmonie intérieure. Ses talents de conteur seront une aide précieuse dans ce périple.

Tandis que la Mer Gelée s’ouvrait sur le vaste océan et qu’on n’apercevait plus le pays du Nord, le Conteur sentit son cœur battre la chamade. Derrière lui se trouvaient les histoires anciennes et sacrées de son peuple. Et devant lui, de nouvelles histoires, prêtes à être vécues et apprises.

En feuilletant rapidement l’album, on pourrait croire que l’on est face à un recueil de plusieurs petites nouvelles. Quatre grandes parties semblent elles-mêmes se diviser en plusieurs sous-parties. Cela corrobore – me semble-t-il – avec l’idée que l’on se fait d’un ouvrage ainsi titré : « Encyclopédie des débuts de la Terre ».

Pourtant, il n’en est rien et l’abondance de sous-parties n’est autre qu’un moyen utilisé par l’auteure pour offrir des respirations à son récit. Le lecteur est invité à suivre le voyage d’un jeune conteur dont l’objectif n’est autre que de répondre à la sempiternelle question : qui suis-je ?

L’épaisseur du trait doublée à la rondeur qui le caractérise permet de profiter d’une atmosphère chaleureuse où la convivialité et la simplicité sont de mise. Isabel Greenberg, artiste anglaise que je ne suis absolument pas en mesure de vous présenter puisque je découvre, avec cet ouvrage, la qualité de son travail ainsi que son aisance à installer confortablement son lecteur dans un univers dont il ne connaît ni les codes, ni les us, ni les coutumes. L’auteure s’attarde régulièrement à délivrer quelques clés de compréhension et à jalonner son récit de quelques repères. Contre toutes attentes, ces derniers vont nous être familiers à tel point que c’en est surprenant. En effet, sitôt que l’on est en possession de certaines informations (la géographie des lieux ou le mode de vie de cette petite communauté par exemples), on se rend compte que nous ne sommes pas en terrain inconnu.

Le fait que le personnage principal soit conteur permet à la scénariste de développer avec naturel de courtes anecdotes qui enrichissent l’univers tout au long de l’album. Le ton amusé et enjoué, bien que parfois un peu trop optimiste sur certains dénouements, offre au lecteur la possibilité de profiter d’un moment de détente rare. On plonge sans aucune difficulté dans cet instant de lecture, respirant à pleins poumons cet air frais de la banquise et des étendues marines.

On s’amuse de voir de-ci de-là surgir des références détournées à des symboles qui appartiennent à notre culture occidentale : la tour de Babel, le mythe d’Ulysse, un dieu et des demi-dieux, un roi despote, Caïn et Abel, les contes des Mille et une nuits… Seule « L’Arche de Noé » sera nommée à l’identique et retrace, de façon presque similaire, l’histoire de cette embarcation. Bien évidemment, le courroux divin trouve dans cet ouvrage une autre origine.

Les gens du Nord pensent que l’Univers a été créé dans l’œil du Dieu Oiseau, Homme-Aigle. Quand il cligne des yeux, la nuit vient. Et quand il s’endort commence le long hiver nordique.

PictoOKL’occasion est belle de se laisser aller à profiter de ce voyage onirique qui pose, sans aucune prétention, un regard amusé sur des questions de société et d’actualité : croyances religieuses, structures sociétales, rapports humains… Un récit sensible et tout en finesse.

C’est avec plaisir que je partage cette lecture avec Marilyne. Je vous invite à lire sa chronique en cliquant sur ce lien. Bonne lecture à vous !

La chronique de Laurent Truc et celle de Jérôme Briot.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Lieu : Terre

PetitBac2015

L’encyclopédie des débuts de la Terre

Editeur : Casterman

Collection : Univers d’Auteurs

Dessinateur / Scénariste : Isabel GREENBERG

Dépôt légal : janvier 2015

ISBN : 978-2-203-08852-8

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

L’Encyclopédie des débuts de la Terre – Greenberg © Casterman – 2015

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

8 réflexions sur « L’Encyclopédie des débuts de la Terre (Greenberg) »

    1. Ne bloque pas sur « onirique ». Mets-y plutôt « ancestral » parce que c’est bien de ça dont il s’agit, dans la transmission de coutumes, de savoirs… Car on est bien là sur une société dans laquelle l’oralité est le pilier de la transmission des savoirs entre générations. Ensuite, Isabel Greenberg a une telle manière d’écrire qu’on a l’impression qu’on a quitté la Terre et que l’on découvre les us et coutumes d’un peuple d’une autre planète mais ce n’est pas réellement le cas.

      J’aime

  1. C’est vrai qu’il est convivial cet album, tout à fait dans l’esprit d’une heure du conte, nous avons toutes deux profiter de sa fraîcheur 🙂
    Ravie de ce plaisir de lecture ensemble. En route pour de prochaines aventures ^-^

    J’aime

    1. Le genre de lecture qui redonne de l’entrain. J’étais légèrement en panne suite au événements de débuts janvier et cet ouvrage m’a rappelé à quel point certains ouvrages peuvent permettre de se déconnecter du quotidien. Merci de m’avoir aiguillée vers ce titre 😉

      J’aime

    1. Je pense. En tout cas, je me suis posée la question parce que j’ai bien envie de le faire découvrir à mon grand (presque 9 ans). Je pense que c’est une question de jours avant que je ne lui propose de le lire avec moi 😉

      J’aime

Répondre à Marilyne Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.