Le silence s’installe.
Le lecteur sait qu’il s’apprête à entrer dans un album muet. Pour se faire, un corbeau l’accompagne quelques pages, volant au milieu des immeubles parisiens. Il nous conduit vers la jeune fille qui nous tiendra compagnie durant 300 pages.
La voilà !
Elle rentre de l’école. Elle consulte son téléphone en marchant. Ne prête pas attention à ce qui l’entoure. Soudain, un homme se place sur son chemin. Intimidée et blessée dans sa chair, elle cède et lui donne son téléphone. Elle trouvera le réconfort dans les bras de son père qui l’attend à la maison.
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Ce qui frappe en premier lieu dans cette lecture, c’est le travail proposé par Stéphane Levallois visant à observer au plus près ce qui fait l’essence d’une émotion, le déclencheur d’une réaction. La première scène fait évoluer un oiseau. On perçoit très vite que son instinct le met en alerte, que de la vitesse de son vol dépend une question de survie. Qui est en danger ? La question reste entière à ce moment de la lecture mais déjà, les sens du lecteur s’éveillent, prêts à attraper le moindre mouvement pour suivre un fil narratif qui s’affranchit des mots et s’insinue dans tous les interstices graphiques possibles.
Quant à cette fillette trop voutée pour son âge, on mesure l’importance du traumatisme qu’elle a subit et de la peur avec laquelle elle doit désormais apprendre à vivre. Bien à l’abri dans sa chambre douillette, bien au chaud sous son duvet, les grands sourires de ses peluches jusque-là réconfortantes deviennent aussi sournois que la réalité à laquelle elle se confronte chaque jour dans la rue. Et face à cette tristesse sans limite, face à cette incompréhension vertigineuse, la fillette est si désemparée que même son père est incapable de trouver les mots qui pansent, qui réchauffent, qui apaisent. D’autant que la blessure n’est pas que psychique.
Tout va se jouer ailleurs maintenant ; dans ces nuits de cauchemars où l’inconscient tente de reprendre le dessus pour estomper le traumatisme ; dans ces instants complices entre un père et sa fille ; dans une chambre d’hôpital où la fillette séjournera plusieurs jours alors qu’elle est dans le coma.
Pourtant, la présence du corbeau aurait dû nous mettre en garde. Le simple fait que cet oiseau de mauvais augure rôde toujours non loin de l’enfant présageait de quelque chose. Fantasme ou réalité ? Manifestation de l’angoisse ou simple coup du hasard ?…
Stéphane Levallois n’évite aucune métaphore pour illustrer mots et maux à l’aide d’illustrations tantôt léchées, tantôt incisives. Le trait s’affine ou s’épaissit d’un passage à l’autre, modulant ainsi l’ambiance à chaque instant.
La mort plane en substance. Omniprésente, elle prend différents visages et différentes formes.
Feutres, pinceaux, crayons de papier, stylo, empreintes digitales trempées dans l’encre, taches de peinture, … il n’y a pas d’outil de prédilection pour dessiner mais on saisit la volonté de l’auteur de retranscrire une émotion juste et de permettre au lecteur de vivre chaque instant de l’intérieur même si toute cette expérience ne semble tenir qu’à un fil… à une ultime respiration de la fillette.
Le coma et la manière dont l’individu fond dans une seule et même scène les sensations physiques et psychiques. A l’instar du récent ouvrage de Matthieu Blanchin (Quand vous pensiez que j’étais mort), on voit ici comment son environnement physique (présence de proches, sons perçus, baisers, odeurs…) interfèrent sur l’inconscient pour lutter… contre la mort.
Un voyage intérieur.
BD de la semaine chez Noukette.
Du côté des challenges :
Petit Bac 2015 / Titre en un seul mot
Racket
One shot
Editeur : Futuropolis
Dessinateur / Scénariste : Stéphane LEVALLOIS
Dépôt légal : janvier 2015
ISBN : 978-2-7548-1153-8
Bulles bulles bulles…
Tu n’en dis pas beaucoup pour un bouquin de 300 pages mais c’est juste assez pour nous intriguer !
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Je n’en dis pas beaucoup… je vous ménage oui !! ^^ C’est un album muet, donc je trouvais qu’il y avait aussi beaucoup de choses qui étaient passées à « ma » moulinette interprétative. J’ai donc souhaité taire un maximum ces réflexions que je pense personnelles (à tort ou à raison, ça je ne sais pas 😉 )
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Je te lis en diagonale car elle est sur ma PAL BD 😉
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Bien. On va faire des lectures croisées car, de mon côté, je vais attaquer le tome 2 d' »Ordures » cette semaine 😉
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Les dessins sont absolument somptueux. Je la note.Je ne peux pas faire autrement.
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Oui, je crois que tu es obligée de noter ce titre. Je suppose déjà que tu vas apprécier cet album ^^
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Sans aucun doute.
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Tu me tentes bien avec cette BD.
C’est noté.
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J’espère que tu auras autant de plaisir à lire cet album que j’en ai eu 😉
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Intriguant, intime… Peut-être me laisserais-je tenter ?
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C’est un très bel album… tu devrais te laisser tenter 😀
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Le graphisme est à tomber ! Je regarderai si il est à la bibliothèque !
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Il vient juste de sortir… il faudra que tu t’en rappelles d’ici deux ou trois mois 😉
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Une esthétique qui me fait chavirer!
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🙂
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Impossible de passer à côté, ça a l’air absolument sublime…!
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Oui Madame ! Je confirme. Bien aimé. Et puis du muet, ça n’est pas tout les quatre matins qu’on a l’occasion d’en lire 🙂
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Je pense que le Blanchin me conviendrait mieux. Mais graphiquement, c’est une claque !
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C’est super bien illustré. Explicite malgré l’absence de texte, beaucoup de choses suggérées ce qui laisse le lecteur aller à son rythme (lecture et interprétation), un bel objet aussi. J’ai fondu 🙂
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Un pur plaisir des yeux manifestement. Why not…
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Oui, mais pas seulement. Il y a un bon scénario derrière. Si bon que l’auteur peut s’offrir la possibilité de réaliser un album sans texte.
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c’est le point qui me chiffonne un peu
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L’absence de dialogues ?? Justement, c’est la preuve que le scénario tient la route. Si l’auteur arrive à s’affranchir totalement des mots, c’est que celui file comme du papier à musique 😉
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ça a l’air de qualité mais le thème me freine pour l’instant.
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Je comprends tout à fait ta réticence. Un sujet qui n’est pas facile d’autant qu’il est ici traité par le biais d’un enfant
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300 pages quand même !
Ma chère Mo, ça a intérêt à être bon. Sinon, tu vas m’entendre protester ! 🙂
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Mais 300 pages de muet, une broutille Madame 😀 😀
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Difficile d’accès, un peu hermétique non ? je le note quand meme
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Je n’ai pas trouvé l’album hermétique. Au contraire, l’emploi de la métaphore graphique permet finalement au lecteur d’investir et d’interpréter les choses à sa guise.
Le sujet peut sembler dur en revanche.
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Je l’avais croisé à la médiathèque, j’avais hésité et l’avais finalement laissé. Et puis, et puis, j’ai lu ta chronique et vite je suis retournée à la médiathèque 😉 Ouf, il était toujours là et hop dans mon panier ! Voilà pourquoi j’aime les blogueuses/ blogueurs ! Bises
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Pareil, je ne compte plus le nombre de livres que j’ai découvert grâce à la blogo. Je ne pourrais plus me passer des avis de certains blogueurs.
Maintenant, l’histoire ne dit pas si tu as apprécié « Racket »… 😀
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Lu ce matin : quelle claque ! C’est absolument somptueux et incroyablement riche graphiquement et l’auteur réussit à nous faire passer par les émotions des personnages de manière fine. Merci pour la découverte !
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Avec plaisir Véro.
La lecture happe celui qui passe par là, j’avais déjà fait ce constat quand j’avais lu ce récit 🙂 Et merci pour les retours, je suis toujours curieuse de savoir si… ^^
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