Joseph rentre. Il revient après avoir été mobilisé. Il a fait la guerre. Il a vu ses horreurs. Il retrouve sa terre natale, les siens. Les retrouvailles devraient être liesse, les accolades devraient être joyeuses pour l’enfant qui revient au pays.
Après des mois passés en Algérie, la réalité est autre. Le retour est glacial. Tous gardent leurs distances, s’arment de regards accusateurs et de mots cinglants.
« Planqué » , « Tire-au-flanc » , « Lâche » … les sobriquets ne manquent pas. Affecté aux bureaux de l’état-major, ce n’est pas trop la représentation qu’on se fait, ici, du soldat… Joseph est critiqué, rejeté, dénigré.
Le retour au pays est amer… mais il caresse l’espoir qu’en retrouvant Mathilde, ces retrouvailles corrosives avec son village natal seront moins blessantes.
« L’homme est un loup pour l’homme » … cette phrase se révèle une nouvelle fois d’une incroyable justesse. Philippe Pelaez déplie un scénario implacable et projette séance tenante son héros dans un univers familier qui devrait lui être, logiquement, ressourçant, apaisant, protecteur. Etrangement, c’est à une toute autre ambiance que nous nous frottons dans ce récit graphique. On bute sur des personnages secondaires majoritairement mesquins, amers, hypocrites. Il jaillit d’eux une aversion presque viscérale. Ils agissent en aveugles, comme mus par un mouvement collectif duquel ils sont incapables de se désolidariser. Çà et là pointent fièrement mais en trop faible nombre, des individus qui prennent la direction opposée. Ils incarneront nos quelques bouffées d’air dans ce tableau peu reluisant de l’espèce humaine. Je m’attendais pourtant à des interactions plus sournoises entre les personnages… quelque chose de plus insidieux, provoquant presque la nausée chez le lecteur tant le drame qui se joue sous nos yeux est révoltant. Et puis quelle est la finalité de ce jeu de dupes ? Pour gagner quelle reconnaissance si ce n’est d’avoir suivi fidèlement le troupeau des mauvaises langues et des frustrés ? Au finalement, je regrette que le scénario n’incise pas davantage les rapports humains. Il me semble que les choses sont restées en surface alors qu’il y avait tant à utiliser pour remuer le couteau dans la plaie et travailler l’ambiance au corps plus encore… ancrant définitivement le récit dans le registre de la pure fiction.
Au dessin, je retrouve la douceur du trait de Victor L. Pinel. Avec un tel coup de crayon, il parvient à faire ressentir la haine malgré la rondeur de son dessin. Il parvient à faire entendre le ton venimeux d’un mot malgré la chaleur de la palette de couleurs qu’il a choisie. Il impose aussi bien le silence qu’il permet aux cris de retentir et de sortir de la simple page de papier sur laquelle il est illustré. Il montre le regard qui se perd dans d’indicibles pensées, le cœur qui se contracte sous le poids de la tristesse ou celle de la peine. Après « La Maison de la Plage » qu’il avait réalisé avec Séverine Vidal, il nous offre une nouvelle fois le fruit d’une collaboration réussie.
Beau… mais ça manque de profondeur.
J’ai eu envie de lire cet ouvrage après avoir lu la chronique d’Amandine.
Puisqu’il faut des hommes (récit complet)
Editeur : Bamboo / Collection : Grand Angle
Dessinateur : Victor L. PINEL / Scénariste : Philippe PELAEZ
Dépôt légal : janvier 2020 / 64 pages / 15,90 euros
ISBN : 978-2-81896-907-6
J’en ai entendu parler à la radio ce matin et le chroniqueur était dithyrambique! Je la garde en mémoire pour une virée à la bibliothèque.
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J’espère que tu apprécieras cet album et que tu lui réserveras meilleur accueil que celui que je lui ai fait 😉
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J’ai l’impression qu’il ne t’a pas totalement conquise…
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Pas totalement effectivement… il me manque des choses… un peu de profondeur aux personnages déjà…
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Dommage ce manque de profondeur. Mais rien que pour retrouver le trait de Victor L. Pinel, je suis partant.
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Comme je te comprends ! 😉 Je l’ai vu à Angoulême. Il dédicaçait ses albums sur un stand autre que celui d’une maison d’édition. Quel coup de crayon !
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A voir si je la croise à la médiathèque 😉
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Je suis encore sur ma déception d’être passée loin du coup de cœur…
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