Mourir, partir, revenir, le jeu des hirondelles (Abirached)

Mourir partir revenir, Le jeu des hirondelles
Abirached © Cambourakis – 2007

Mourir partir revenir, Le jeu des hirondelles est un témoignage sur ce qu’était la vie à Beyrouth en 1984. L’auteure replonge dans ses souvenirs et décrit le quotidien en temps de guerre : inquiétude, couvre-feu, solidarité de voisinage… Quand les uns se raccrochent à l’idée de pouvoir quitter le pays, d’autres sont dans l’illusion que le confit n’est que passager, les derniers se font une raison.

Dans un contexte social atypique, onze personnages d’âges et d’horizons différents recréent une petite sphère familiale de fortune pour se soutenir les uns les autres et attendre la fin des bombardements. L’histoire dure le temps d’une nuit et se déroule dans l’entrée d’un appartement du premier étage, lieu de la maison qui offre le plus de protection, une sorte d’auberge espagnole.

Voilà un album que j’avais repéré sur un blog et le contenu de la chronique m’avait incité à prendre notes des références de l’ouvrage. J’avais beaucoup d’attentes à l’égard de cette lecture. Quasi certaine d’adhérer, c’est aussi la raison pour laquelle j’ai mentionné cet auteur au moment de mon inscription au Challenge ABC Critiques proposé par Babelio en septembre dernier.

Ce récit d’environ 180 pages nous fait évoluer dans un huis-clos chaleureux où évoluent 11 personnages (dont deux enfants et une vieille dame). Quelques allers-retours dans le passé nous aident à nous familiariser avec eux et à découvrir leurs parcours. Exceptés les flash-back qui rythment le récit, l’intrigue est assez « plate ». Les allées-venues des voisins dans l’appartement, les petites manies de chacun, l’inquiétude de ces heures qui s’étirent, la multiplication de gestes d’attention destinés avant tout à rassurer les deux enfants… ces éléments sont redondants et globalement, ne nous apprennent pas grand chose sur ce que nous aurions déjà pu lire ailleurs. Ailleurs ? Disons-le franchement, le graphisme et le sujet font penser à Persépolis dont je garde en tête de nombreux souvenirs de lecture. Cette excellente série de Marjane Satrapi nous retraçait son parcours depuis son enfance passée à Téhéran et les conséquences du conflit Iran-Irak sur la société iranienne et sur sa vie plus particulièrement. Le fond de l’ouvrage de Zeina Abirached en est pratiquement la copie conforme, transposé à la guerre civile libanaise qui a mit le pays à feu et à sang de 1975 à 1990. Des éléments de compréhension du conflit sont injectés ça et là dans le récit d’Abirached, les conséquences de ce conflit sur la vie quotidienne des habitants de Beyrouth sont au cœur de l’album mais ensuite… l’humour de Persépolis, l’accroche aux personnages, l’immersion dans le récit, l’envie de s’investir auprès des personnages… rien de tout cela ne se produit ici.

Au niveau graphique, idem. Les ambiances graphiques, le trait de Zeina Abirached ne manque pas de nous rappeler Persépolis et je trouve cela dommage. Même si l’ensemble est maîtrisé je dirais qu’au niveau visuel, le voyage a un air de déjà-vu. On se convainc du contraire sur le premier tiers de l’album, moment où l’auteure place les différents éléments du récit. On oscille d’ailleurs un moment entre BD et récit illustré, certaines illustrations en pleine page m’ont malheureusement donné une étrange impression de remplissage plus que de réelle utilité pour le récit. Dans l’ensemble, la mise en page est assez classique et les dessins sont très figés (exceptés bouclettes de cheveux, tentures et quelques motifs éparses qui apportent une impression de mouvement, d’ondulation… moments trop rares dans l’album).

pictobofUn album assez décevant dans l’ensemble, surtout si vous connaissez déjà Persépolis. J’ai parcouru ce livre de manière détachée sans avoir une once d’intérêt pour les différents personnages. On reste spectateur, on découvre ce témoignage de manière disciplinée mais il glisse, il est lisse. On ne se détache pas des faits, on y est extérieur et on y apprend peu de choses.

Sélectionné à Angoulême en 2008.

L’avis de Champi, Percevoir, A_Girl_from_earth, Joelle, une interview de l’auteure, interview sur Bodoï. A consulter également : la fiche auteur qui reprend le projet de Zeina Abirached tel qu’il était avant qu’elle ne se lance dans la réalisation de l’album (le lien est accessible dans les références de l’album, que vous trouverez ci-dessous).

Mourir partir revenir,

Le jeu des hirondelles

One Shot

Éditeur : Cambourakis

Dessinateur / Scénariste : Zeina ABIRACHED

Dépôt légal : octobre 2007

ISBN : 978-2016589039

Bulles bulles bulles..

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Mourir partir revenir, le jeu des hirondelles – Abirached © Cambourakis – 2007

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

11 réflexions sur « Mourir, partir, revenir, le jeu des hirondelles (Abirached) »

  1. Merci… car tu as mis en mots ce que je n’ai jamais pris le temps d’écrire.
    Cette œuvre souffre de la comparaison avec Persepolis de bout en bout. Graphiquement, c’est moins enlevé. Et le scénario ne bénéficie pas de cette touche de légéreté qui fait tout la différence dans l’écriture de Marjane Satrapi.
    Un ersatz en moins bien quoi !

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    1. je crois effectivement que mes attentes vis-à-vis de cet album étaient trop liés au parallèle que j’ai fait avec Persépolis. En tout cas, je suis déçue.

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    1. oui, et c’est bien dommage car on s’attend de fait à accéder au même plaisir de lecture. Si tu as l’occasion de lire cet album, tu n’auras peut-être pas le même ressenti ? Je ne sais pas quoi dire, j’ai lu des avis très positifs de lecteurs qui connaissaient Persépolis.

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  2. J’avoue qu’au contraire il me semble que cette oeuvre a vraiment souffert de la comparaison… alors qu’il y a à mon avis – mais il est lisible dans ma Tanière ! – moins de points communs que de différences.
    J’ai notamment particulièrement apprécié le traitement graphique, lourd d’un héritage persan très fort je trouve, et riche d’inventivité.

    Je ne pense pas que le destin de Persepolis aurait été différent si Partir… était sorti avant, mais celui de Partir l’aurait sans aucun doute été, lui…

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    1. oui, j’ai d’ailleurs inséré le lien vers ton avis en fin d’article. Je trouve ton regard intéressant sur cet album, notamment ce que tu disais en commentaires (chez toi) sur la temporalité de l’intrigue et la place de l’imaginaire dans son récit. Et je suis d’accord sur le fait que si Persépolis était sorti postérieurement à l’ouvrage d’Abirached, l’accueil du public pour le témoignage de Satrapi aurait certainement été moins enjoué. Pourtant, je pars aussi du principe qu’un auteur se doit aussi de pouvoir innover. Persépolis date tout de même de 2000. Ne me dis pas que Zeina Abirached n’a pas fait le constat qu’elle proposait la même « veine graphique » que Satrapi. Je pense que sans être crédule, elle pouvait logiquement s’attendre à des retours comme celui que j’ai proposé ??!
      De mon côté, je reconnais qu’avant même de me procurer cet album, je faisais déjà le parallèle avec Persépolis et je n’ai pas eu l’impression de découvrir quelque chose de nouveau… juste du « digéré »

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  3. Enfin, graphiquement Marjanne Satrapi est elle-même un « digéré » de la BD européenne et de sa culture propre. N’oublions qu’elle a été directement influencée par David B. Et pourtant, elle existe sans ça… grâce à sa très grande qualité d’écriture. Franchement, sur ce plan, Abirached n’arrive pas au niveau de Satrapi. Chez Satrapi, il n’y a pas ce côté nostalgique « Café des délices » agaçant.
    Après, j’avais lu une des interviews de Zeina Abirached qu’elle avait conscience de dessiner sur le même plan que Satrapi… mais ce sont aussi des codes graphiques persans qu’elle a repris. Normal donc 🙂 C’est un choix courageux… même si je n’aime pas son travail.

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    1. l’avis de Champi (j’ai mis le lien en fin d’article) me fais constater que je n’ai pas suffisamment du me décoller de ce pourquoi j’avais souhaité lire ce livre. C’est vrai que j’adore Satrapi et l’idée de retrouver un univers similaire m’a séduite. A méditer ^^

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