La Famille Carter (Young & Lasky)

Young – Lasky © La Pastèque – 2014
Young – Lasky © La Pastèque – 2014

Bob et Mollie Carter sont un modeste couple de fermiers américains. En 1891, Mollie donne naissance à Alvin Pleasant – qui se fera connaître sous le nom d’A.P. Carter (membre fondateur de la Carter Family). Alvin est l’aîné d’une fratrie de huit enfants. Très tôt, il développe un don particulier pour la musique. Attiré par les vieilles chansons, il prendra rapidement l’habitude de répertorier ces chants qui appartiennent à la tradition orale.

A.P. s’est fixé comme objectif de les recenser et de les transmettre afin d’éviter qu’elles ne tombent dans l’oubli. Grâce à son initiative, la musique country va connaître une seconde jeunesse.

Extrait de la préface de l’album : « (…) les dix années qu’il a fallu pour mener ce projet à terme. Le mieux est de commencer par la fin. Vous connaissez Johnny Cash ? Sa femme s’appelait June Carter Cash ; elle était l’une des trois filles de Maybelle Carter qui elle, chantait et jouait de la guitare dans la Famille Carter. Vous la connaissez peut-être sous le surnom de « Mother Maybelle », pour son rôle de matriarche de la scène musicale country des années 60 et 70. Elle s’est acquittée de ce rôle avec grâce et modestie, en encourageant de nouvelles générations d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes à fleurir au sein de la Mecque musicale qu’est Nashville. (…) En 1927, la Famille Carter a joué un rôle clé dans ce que les historiens appellent désormais ʽʽ le big bang de la musique country ʼʼ. En une semaine, elle a participé à six sessions d’enregistrement à Bristol, une ville sur la frontière du Tennessee et de la Virginie, pour Ralph Peer, manager indépendant pour les disques Victor. Ces six sessions constituent le début de quinze ans de carrière à l’avant-plan de la scène country en plein essor. Quand le trio s’est séparé en 1943, ses membres étaient des vétérans de la performance en direct, des émissions de radio et des studios d’enregistrement ».

Un travail de documentation conséquent a été réalisé pour cet album. En deux cent pages, Franck M. Young et David Lasky retracent la vie d’A.P. Carter.

C’est en 1926 qu’il crée la Carter Family avec, à ses côtés, sa femme Sara et sa cousine [par alliance] Maybelle. L’ouvrage se découpe en 43 chapitres succincts qui portent les noms des chansons reprises par A.P. Carter. Ce choix narratif vient saccader la lecture. Cependant, le temps requis pour prendre connaissance de chaque chapitre est approximativement le même que celui correspondant à la lecture d’une chanson de la Carter Family. Je m’y suis retrouvée dès lors que j’ai calé le fond musical sur lesdites chansons, passant ainsi d’une ambiance à l’autre plutôt que sautant bon gré mal gré d’une anecdote à l’autre.

La Famille Carter – Young – Lasky © La Pastèque – 2014
La Famille Carter – Young – Lasky © La Pastèque – 2014

On découvre ainsi les principaux temps forts de leur vie : la rencontre entre A.P. et Sara, leur mariage, la naissance de leur premier enfant, la formation progressive du trio musical, le premier concert du groupe… puis plus tard les saisons annuelles enregistrées pour une radio… et le reste, notamment relatif au contexte socio-économique dans lequel survient ce retour de la country dans le paysage musical américain. On voit ainsi comment les Carter ont accueilli le succès, ce qu’ils en ont retiré à différents points de vue (personnel, familial..) et comment ils ont progressivement intégré à leur groupe d’autres membres de leur famille (enfants, parent par alliance…).

De légers sauts dans le temps sont opérés d’un chapitre à l’autre ; pour que cela ne nuise pas à la compréhension, des marqueurs de temps sont régulièrement insérés.

En mettant en avant le parcours d’A.P Carter, le scénario fait la part belle à la démarche artistique qui a motivé son obstination à recenser nombre de chansons traditionnelles américaines. Quelques digressions présentent des anecdotes sur la vie des membres du groupe. Cet album-hommage nous permet donc de découvrir le quotidien de cette famille de musiciens hors pair et de prendre la mesure de la place qu’il accordait à la musique.

La variété des styles graphiques peut surprendre le lecteur ; en effet, bien que les chapitres soient organisés de manière chronologique, on remarque l’intrusion de travaux visiblement réalisés pour d’autres fins éditoriales. Par exemple, la présence d’un passage inséré entre les chapitres 31 et 32 propose une succession de petits strips [en noir et blanc] de quatre cases. Ces fluctuations graphiques ne nuisent pas à la lecture.

Le récit se referme doucement au moment de la mort d’Alvin Pleasant Carter en 1960. En conclusion, un prologue offre une courte parenthèse qui se déroule en 1967 : on y voit June Carter Cash (la petite fille d’A.P.) en train de se recueillir sur un lieu symbolique pour la famille Carter. Elle est accompagnée par son mari (Johnny Cash) dont la carrière fut fortement influencée par A.P. Carter.

La traduction de cet ouvrage a été confiée à Audrey Pageau-Marcotte. De fait, cette canadienne propose une version « rafraîchissante » et pour le moins déroutante (du moins sur certains passages) pour les lecteurs de Métropole. En effet, le lecteur découvre propos et dialogues dans leur version québécoise sans que les expressions n’aient été retouchées pour un public franco-français. En somme, attendez-vous à des répliques atypiques assez rétro, donnant l’impression que l’histoire se déroule au Québec et non en plein cœur des Etats-Unis… on a l’impression d’être dans un univers semblable à « La petite maison dans la prairie » (d’ailleurs – et cela ne doit pas tenir de la simple coïncidence – la famille Carter a fait son apparition dans la dernière saison de la célèbre série : cf. Wikipedia).

PictoOKUn album dépaysant et original. A lire de préférence avec, en fond musical, les enregistrements de la famille Carter.

Liens associés : le blog de la série et deux playlist à écouter : Youtube et Oldie Lyrics.

Du côté des challenges :

Roaarrr Challenge : ex-æquo le prix Will Eisner en 2013 (Best Reality-Based Work).

Roaarrr Challenge
Roaarrr Challenge

La Famille Carter

– Don’t forget this song –

One shot

Editeur : La Pastèque

Dessinateur : David LASKY

Scénariste : Franck M. YOUNG

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Audrey Pageau-Marcotte

Dépôt légal : septembre 2014

ISBN : 978-2-923841-29-8

Bulles bulles bulles…

 

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La Famille Carter – Young – Lasky © La Pastèque – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

16 réflexions sur « La Famille Carter (Young & Lasky) »

  1. Bonjour Mo’ ! Je n’ai pas trop envie de la lire (pour le moment), mais si je la vois à la bibli, je la sortirai pour la feuilleter. La couverture est belle, toute en douceur comme celle de « Lydie ». C’est peut-être le cliché sépia qui m’y fait penser !

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    1. Alors pas du tout Monsieur 😉 Pour tout dire, je ne connaissais pas. J’aime bien la country mais sans plus, ça me fait taper du pied quand j’en entends mais je suis incapable de te donner des noms de groupes ou d’artistes. Enfin… maintenant je peux te citer la Famille Carter 😀
      Après, tu sais ma difficulté à apprécier des récits morcelés en une multitude de chapitre. La lecture de cet album n’a pas dérogé à la règle sauf que, à force de voir ces titres de chansons, j’ai fini par fouiller internet et j’ai voulu tenter la lecture de deux chapitres avec un fond musical. Ça a marché. Donc j’ai repris à zéro en faisant défiler ma playlist et j’ai plutôt aimé. Et puis du coup, j’ai fouillé sur la toile pour en apprendre un peu plus sur cette famille mais ce qui est dit dans l’album suffit déjà à bien se la représenter.
      Tu devrais essayer. C’est vraiment un sujet original pour un album (du coup, ça fait du bien… aucune impression de « déjà vu – déjà lu »).

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  2. Je me souviens m’être penchée sur ce titre, puis m’être dit que les dessins risquaient de ne pas me plaire.

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    1. C’est variable et un peu froid mais la surprise, de mon côté, a été au niveau de la traduction. On les « entend » parler avec l’accent québécois… assez surprenant ^^

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  3. Bon, finalement, changement de plan, je n’ai pas eu le temps de faire mon billet comme prévu. Du coup ce sera Melvile, un album que tu avais beaucoup aimé je crois.

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  4. J’ai été un peu déstabilisée par les sauts entre les anecdotes au départ mais, finalement, on prend le pli. Et maintenant j’écoute la Famille Carter (vu que je ne connaissais pas) et je découvre leurs titres avec grand plaisir !

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    1. Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le fait qu’il faut s’adapter aux « sauts de temps » d’un chapitre à l’autre. L’impression de lecture saccadée s’estompe finalement assez rapidement. Et comme toi, j’ai découvert leurs chansons que je réécoute à l’occasion.

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