Blankets (Thompson)

Blankets
Thompson © Casterman – 2004

Craig THOMPSON nous offre ici une autobiographie sincère et émouvante.

Nous arrivons dans une maison dont nous ne visualisons que la chambre à coucher de Craig et de Phil, son frère. Le reste de la maison ne nous est pas accessible et les rares apparitions de son père – pour les sermons du soir – se soldent souvent en punition dans le cagibi, lieu clos et poussiéreux ou l’enfant revêche y passera la nuit… A l’école, Craig est l’objet de brimades. Il est le bouc émissaire des autres écoliers. L’école est un lieu d’échecs et de solitude.

Le jardin et les espaces boisés qui l’entourent sont les seuls lieux d’évasion de Craig, là où son imagination galopante peut s’exprimer. On s’y évade avec lui.

Les thèmes récurrents de cet album sont la foi et les sentiments.

Élevé dans une famille profondément croyante et pratiquante, Craig THOMPSON n’hésitera pas ici à faire part des doutes qui l’ont animés. La foi et ses leurres, la foi et ses aberrations. Par le biais de la foi, nous découvrons un enfant qui tente de se trouver, de se comprendre avec les seuls repères qui lui ont été rendus accessibles jusque-là : les cours de catéchisme et la lecture de la Bible.

Jamais entouré, toujours rejeté, Craig trouve enfin l’occasion, à 17 ans, de se confronter à l’Autre sans que cela ne lui porte préjudice. Avec Raina, il va connaître sa première relation amoureuse. Comme tout un chacun, cette relation est idéalisée.

Je me suis sentie quelque peu « petit poussin tombé du nid » au début de cette lecture.

Les brimades récurrentes dont est l’objet Craig (maison, école, cours de catéchisme, colonie…) et la manière que Thompson utilise pour nous situer en tant que lectures (grands angles sur les paysages, gros plan sur les yeux…) m’ont donné l’impression d’être physiquement présente à plusieurs reprises… J’étais donc sensiblement apeurée comme Craig par ce monde agressif qui l’entoure, par la cruauté des adultes et par l’impossibilité de donner un sens aux choses. Craig est certain d’une chose : il refuse catégoriquement de devenir un jour adulte, tant leurs fonctionnements sont incompréhensibles… le sommeil lui offre la meilleure source de fuite possible vers le monde imaginaire et l’oubli de soi. Dans les moment d’éveils, seul le dessin lui permet ce voyage.

La force des images de cet album est incroyable. Ce sentiment est renforcé certains passages totalement dépourvus de phylactères. Je me rappelle, dans ma chronique du tome 6 du Décalogue, avoir abordé le fait que le graphisme est un outil du scénario… ici, je dirais volontiers l’inverse : quand le dessin a cette force, le scénario ne peut être qu’instrumentalisé et je vous renverrais également bien volontiers à Pinocchio (Winshluss) pour appuyer ce discours.

Dans sa manière d’écrire et de dessiner, Craig THOMPSON parvient tout à fait à nous retranscrire les sentiments, les douleurs qu’il a ressentie tout au long de son enfance, et jusqu’à l’adolescence.

Coup de cœur !!^^ sur le conseil de Paul B (encore !!).

600 pages à dévorer. Une difficulté énorme à parler de cet album tant je le trouve touchant.

Pour en lire plus : la fiche éditeur, la chronique d’ActuaBD, ACBD, interview de Craig THOMPSON par du9, un p’tit bonus visuel… mais somme toutes assez peu de liens à vous proposer car les blogs francophones en ont peu parlé.

Roaarrr Challenge

L’ouvrage a reçu le Will Eisner Award du meilleur album en 2004 et le Grand Prix de la Critique ACBD en 2005.

Extraits :

« Enfant, j’étais convaincu que le vrai monde était horrible et qu’il devait y avoir quelque chose de mieux » (Blankets).

« Comparée à l’éternité, nos vies sur Terre ne sont que des petits rêves dans lesquels nous sommes tombés » (Blankets).

« Si un prisonnier devait être libéré de ses liens, autorisé à se retourner et à observer ce qui l’entoure, il aurait un véritable choc. En fait, il croirait probablement que ce qu’il a connu auparavant était la vérité, et que ceci est une sorte d’hérésie. Progressivement, il réalisera que ce qu’il pensait être un homme était en fait l’ombre de la statue d’un homme. Un plus grand choc encore serait de sortir les prisonniers de la grotte, à la lumière du soleil. Le premier effet serait l’aveuglement. Doucement, ils pourraient s’adapter à ce nouveau monde… commençant par distinguer ce qu’ils connaissent – les ombres – … ensuite, ils pourraient examiner le ciel, mais seulement de nuit. L’étape  finale serait la possibilité d’observer le ciel de jour… de regarder en face la lumière du soleil » (Blankets).

« Je crois toujours en Dieu, à la parole de Jésus aussi, mais le reste du christianisme… cet Bible, ces églises, ce dogme… seulement dressés pour séparer les peuples et les cultures. C’est comme nier la beauté d’être un Humain et ignorer tous ces espaces qui ont besoin d’être remplis par l’individuel » (Blankets).

Blankets

– Manteau de Neige –

One Shot

Éditeur : Casterman

Collection : Écritures

Dessinateur / Scénariste : Craig THOMPSON

Dépôt légal : mars 2004

ISBN : 2203026537

Bulles bulles bulles…

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Blankets -Thompson © Casterman – 2004

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

17 réflexions sur « Blankets (Thompson) »

  1. Oh oui superbe album ! Le dessin n’est pas peut-être pas des plus faciles si on ne lit habituellement que peu de bd mais quelle force ! Et ce qui n’enlève rien, son auteur que j’ai eu la chance de
    rencontrer est simple, facile d’accès et bourré d’humour ! Rien à voir avec tant de connards prétentieux !

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  2. … peu importe si c’est temporaire !
    j’ai bp aimé ces 600 pages bien dévorées ^^
    merci pr le conseil 😉
    la foi et ses aberrations, certes, mais je pense que Craig gardera et garde la foi en traçant une carte de ses pas dans la neige, sur une surface immaculée, en retrouvant les rites des saisons qui
    passent…
    et je trace ma ligne accompagnée de courbes ^^

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  3. alors relis le et tu sauras ce qui est temporaire … !
    l’espion ne peut que bien se tenir ^^

    peu importe si tu reporte 😉 du moment que …. !

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