Rébétiko (Prudhomme)

Rébétiko
Prudhomme © Futuropolis – 2009

Nous sommes à Athènes, en 1936. Le régime politique en place soutient Hitler… il ne fait pas bon afficher ses propres convictions, la liberté d’expression est malmenée. Censure, propagande, l’État policier pourchasse ceux qui ne rentrent pas dans le rang. Parmi ces parias du régime, les « Rébets ». Ces hommes, au travers de leur Art, chantent leurs convictions, leurs opinions, leurs souffrances, les difficultés à vivre, leurs codes de vie (honneur, croyances). Leurs chansons, les rébétika, ils les jouent le soir dans des bars devant un public d’hommes venus se détendre après leurs journées de travail. Mais les razzias effectués par les services de l’ordre les poussent sans cesse à trouver de nouveau lieu pour partager le son du Rébétiko.

Cet album est l’histoire de cinq Rébets emblématiques du Rébétiko, cinq hommes amateurs de haschich et de belles femmes pour qui le Rébétiko était plus qu’un Art de vivre : c’était un besoin vital placé au même rang que boire et respirer. Ce matin-là, lorsque Stravos sort de chez lui, c’est pour rejoindre ses amis : Le Chien, Batis et Artémis. En 100 pages, cet album nous faire vivre une journée avec ces hommes. Une journée très spéciale pour eux puisque Markos sort de prison. Ils se préparent donc à l’accueillir. Cachés sous leurs vestes, leurs instruments de musique (les bouzoukis) les accompagnent… Retrouver Markos, c’est aussi partager le plaisir de jouer ensemble.

Pourrait-on comparer le Rébétiko au Blues ou au Fado ? Peut-être existe-t-il quelques passerelles effectivement. Cette musique populaire est née en Grèce dans les années 1920 (merci Wikipédia). Une musique métissée puisqu’elle s’est enrichit de plusieurs de formes musicales : les premières rébétika ont été chantés à Istanbul et se sont ensuite inspiré des musiques indiennes et latino-américaine. Comme le Blues, le Rébétiko parle de la vie quotidienne, des conditions de travail, des joies et des peines… Rien ne semble exister autour d’eux quand ils chantent, l’ambiance que David PRUDHOMME a campée dans Rébétiko nous donne l’impression qu’ils sont comme en transe, emportés par leur propre musique. De même, cette transe semble saisir ceux qui sont présents et qui écoutent : ils se laissent bercer par le rythme des bouzoukis, le coude posé avec nonchalance sur un coin de table. D’autres se lèvent et dansent.

Les ambiances graphiques de PRUDHOMME nous donnent vraiment l’impression d’être en bord de Méditerranée. Les teintes de l’album faites d’ocres, marrons, jaunes restituent à merveille et donne vie à une atmosphère palpable, chaude. Les jeux d’ombres et de lumières sont magnifiques, donnent du relief aux aux décors et une prestance aux personnages. Pourtant, pendue aux lèvres de ces grands enfants aux faciès de gros durs, j’ai attendu un bon moment avant que la musique vienne enrichir cet univers graphique puisqu’il faudra attendre la tombée de la nuit pour que les têtes s’enivrent de mélodies. Impatiente, il m’a donc fallu un temps pour entrer complètement dans l’album, accepter ces « gueules » dont on se demande initialement s’ils ne vont pas nous embarquer dans un sale coup. Entre Artémis qui joue au chat et à la souris avec les policiers, Stravos qui recadre un client mécontent de la qualité du haschich qu’il lui a vendu et « Le Chien » qui éconduit un mari jaloux..; on se demande tout de même si on a pas affaire à des petites frappes plutôt qu’à des musiciens. Mais cette parenté  avec les Tontons flingueurs m’a fascinée. Et puis je n’ai eu de cesse de me demander comment David PRUDHOMME est parvenu à mêler aussi bien fiction et réalité historique, on ne sait d’ailleurs pas ce qui est romancé et ce qui ne l’est pas.

PictoOKPictoOKL’album nous prend aux tripes. On se laisse emporter par le récit, bercer par des voix que j’ai imaginées suaves et graves à la fois. Bref… c’est un album à lire. Le blog des Futuro propose des visuels extraits de l’édition de luxe de l’album (régalez vous en noir et blanc).

Challenge Bu / Lu
Challenge Bu / Lu

Un album qui a obtenu le Prix Regard sur le Monde à Angoulême en 2010.

La fiche éditeur, l’avis de Manu Larcenet et une interview de l’auteur sur Bodoï.

L’avis de Mango, Grèce à l’Ouest et sur Krinein.

BD qui ne dénotera pas dans les BD du mercredi de Mango.

Extrait :

Extrait : « Regardes les hommes du port autour de nous. Ils viennent s’étourdir des vérités qu’on leur chante » (Rébétiko).

Roaarrr ChallengeRébétiko

One Shot

Éditeur : Futuropolis

Dessinateur / Scénariste : David PRUDHOMME

Dépôt légal : novembre 2009

ISBN : 9782754801911

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Rébétiko – Prudhomme © Futuropolis – 2009

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

23 réflexions sur « Rébétiko (Prudhomme) »

  1. Quelle superbe BD en effet! Très réussie je trouve aussi! Belle, intéressante et même poétique dans son évocation d’un temps difficile dans cette Grèce d’alors! Je viens d’écouter la musique que tu as mise : comme elle est belle également! Décidément, tout m’enchante!

    J’aime

    1. Je dois dire que j’ai écouté et regardé plusieurs vidéos de ce genre après ma lecture, ce qui m’a donné envie de relire cet album ^^ Une belle découverte d’auteur en tout cas !

      J’aime

  2. je suis toujours un peu réticente quand les dessins ne m’attirent pas ; pourtant ce que tu en dis me fait penser que je devrais prendre le temps d’ouvrir ce genre de BD !

    J’aime

    1. je comprends tout à fait. C’est vrai qu’en apparence, ces ambiances ont l’air lourdes, étouffantes. Je l’ai ressenti sur les premières planches, mais on dépasse vite cette impression

      J’aime

    1. ^^ à vrai dire, j’ai passé un très bon moment au milieu de ces hommes. En début d’album, je ne pensais vraiment pas faire ce constat !

      J’aime

  3. Oh ben t’as changé de crèmerie, mais c’est toujours aussi joli.
    N’étant pas passionnée de bédés, j’avoue que je ne lis pas toujours tout, je suis comme les gosses, je regarde les images. Mais j’aime savoir que c’est toi qui fais tout ce joli travail de spécialiste qui aime communiquer ses passions.
    La bisouille, ma morute, je te mets de suite dans mes favoris. A plusse.

    J’aime

    1. bienvenue morute des z’iles ^^ Je sais bien que tu lis pas tout, mais ça me fait toujours plaisir de voir que tu es passée. Je me bataille un peu avec ma nouvelle crèmerie quand même, parce que c’est pas bien rangé encore… et j’aime pas quand c’est mal rangé… grr ^^ Tu vois, toujours aussi maniaque l’AS ^^ Bisous à toi

      J’aime

    1. héhé… j’essaye de faire coïncider les mercredis BD de Mango avec des « coups de cœur »… mes deux pouces risquent de revenir une fois par semaine… dans la mesure du possible ^^

      J’aime

    1. soyons francs : c’est vraiment très rare quand tes conseils ne font pas mouche à vrai dire ^^ Merci aussi pour le compliment… Môssieur me flatte ^^

      J’aime

    1. ahhh merci, vous me gâter David et toi. Je rougis derrière mon écran ^^ Je vais pas faire la fine bouche sur ces compliments mais, c’est certainement du au fait que je viens de déménager mon blog et que je suis amenée à reprendre mes vieux billets un à un (les images n’ont pas fait le voyage). Je suis donc amenée à me relire et le constat que j’en fait : VOUS ETES TOUS BIEN COURAGEUX DE ME LIRE !!! Et surtout, de revenir me lire encore ! Parce que parfois… même moi je ne suis pas capable de comprendre le sens de certaines de mes phrases ^^

      J’aime

  4. Je ne l’ai pas lue, mais tous les avis positifs que j’en vois partout me laissent à penser qu’il faudra que je m’y frotte un jour ou l’autre. Excellent billet en tout cas Mo’ ^^

    J’aime

  5. Ouais, ouais, ouais, je vois difficilement comment je peux passer à côté. Grâce au challenge et à ta conviction, cela sera un de mes prochains album, assurément.

    J’aime

    1. Il est très bon celui-là. Une écriture physique, presque animale… danser est comme une pulsion de vie pour ces hommes. A faire (de préférence) avec le fond musical adapté. Ça permet de mieux s’imprégner de l’ambiance 😉

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.