Coeurs sanglants et autres faits divers (Christin & Bilal)

Coeurs sanglants et autres faits divers
Christin – Bilal © Les Humanoïdes Associés – 1995

« Un homme nu et bleu court sur Lexington Avenue… Un trafiquant manchot fixe ses rendez-vous dans un hôtel glauque du Caire… Un ancien bourreau oustachi se fait coincer dans un cinéma de Belgrade… Une londonienne pulpeuse se rhabille à côté d’un cadavre obèse… Et une série de meurtres rituels semble se développer comme un jeu de piste sanglant aux quatre coins du monde… Qu’est-ce qui relie tous ces événements disparates ?

Absurdité, opacité, horreur ou cocasserie du fait divers »  (extrait du Quatrième de couverture).

Inconditionnelle de Bilal jusqu’à la fin des années 90, je n’ai jamais réellement pris le temps de vous en parler. Seul Animal’z trône sur ce blog comme un vestige d’un engouement qui déjà commençait à se déliter… seul album de Bilal que j’ai su apprécier depuis les années 2000.

L’œuvre de cet auteur est grande et éclectique. Science-fiction, fantastique, historique… Bilal a œuvré sans cesse pour repousser les frontières de l’art séquentiel. Sa contribution et son inventivité sont réelles ; pour preuve, une importante bibliographie dont l’auteur fait état sur son site (clic). Attention, cette liste est non exhaustive.

Cœurs sanglants et autres faits divers a été publié pour la première fois en 1988. Quant à moi, je l’ai découvert au moment de sa réédition en 1995 (Humanoïdes Associés). L’album m’avait marqué et si je l’ai déjà relu plusieurs fois, j’avais envie de le redécouvrir depuis un moment.

Les « faits divers » présentés dans cet album sont réunis en 6 chapitres qui nous emmènent respectivement à New-York, Le Caire, Belgrade, Lisbonne, Londres et Paris. Chaque partie contient plusieurs coupures de presse relatant des altercations, des agressions voire des meurtres d’individus. On navigue ici entre la légende urbaine et le fait de société.

Outre que ces anecdotes soient le pain béni pour les quotidiens de presse, un point commun évident apparaît rapidement, comme un fil rouge qui les relie. Entre racontars, suppositions et faits avérés, cette compilation nous situe entre l’étrange et le paranormal. Dans chaque chapitre, une histoire se démarque parmi les autres ; elle relate les agissements d’un tueur en série qui opère partout dans le monde, ses victimes sont atteintes d’une anomalie génétique (absence d’organes apparents comme les oreilles, le nez ou la bouche). La répétition de ce modus operandi contribue largement à entretenir l’atmosphère particulière de l’album ; elle incite le lecteur à percer lui-même le mystère, à chercher des indices dans les autres coupures de presse et découvrir de nouvelles passerelles dans ce chaos de souffrances humaines.

Chaque « coupure de presse » imaginée par Pierre Christin est accompagnée d’une illustration d’Enki Bilal. Pour se faire, le dessinateur a utilisé des photos qu’il a ensuite retouchées. La photo sert d’arrière-plan pour le décor. Bilal opère sur cette base photo une sorte de chirurgie esthétique. Il intervient au crayon pour cartooniser le visuel, accentue quelques contours (architecture, détails d’étals…) et complète le cliché d’une touche de sang, d’un talus de neige… Ces trompe-l’œil opérés sur différents styles architecturaux influencent fortement l’atmosphère de cet album. En premier plan, Bilal fait intervenir les principaux protagonistes des faits divers relatés ; ces personnages sont entièrement dessinés. En cela, cet ouvrage est (pour moi) assez représentatif de l’orientation artistique qu’avait prise Enki Bilal à cette période.

L’atmosphère est atypique, elle crée un univers ni tout à fait familier ni tout à fait étranger, mais assez réaliste. Il y a un mélange de nostalgie et d’anticipation. On peut facilement s’imaginer les sociétés de demain où les travers actuels n’ont cessé de dériver vers un accroissement de la violence urbaine.

PictoOKJ’espère que les plus curieux d’entre vous auront envie de découvrir cet ouvrage illustré.

Cœurs sanglants et autres faits divers

Challenge Petit Bac
Catégorie Partie du corps

One shot

Éditeur : Les Humanoïdes Associés

Collection : Hors Texte

Dessinateur : Enki BILAL

Scénariste : Pierre CHRISTIN

Dépôt légal : juin 1995

ISBN : 2-73161-206-1

Bulles bulles bulles…

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Cœurs sanglants et autres faits divers – Christin – Bilal © Les Humanoïdes associés – 1995

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

17 réflexions sur « Coeurs sanglants et autres faits divers (Christin & Bilal) »

  1. J’ai failli l’emprunter à la médiathèque dans mes déambulations à la recherche d’une « partie du corps » mais j’avoue qu’après l’avoir feuilleté, je n’avais pas été attirée par le dessin…

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    1. Je te comprends. Les photos retouchées créent un rendu vraiment particulier. Généralement, je n’aime pas… sauf quand Bilal s’en mêle ^^

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    1. C’est vrai oui. Ces derniers mois, j’ai eu l’impression de me consacrer qu’aux sorties d’albums, j’avais envie de pouvoir alterner de nouveau mes lectures. Ce « Coeurs sanglants… » m’a donné envie de relire les autres, comme « La croisière des oubliés » et « La ville qui n’existait pas ». Ces albums m’ont vraiment marqué et j’ai envie de savoir l’accueil que je pourrais leur réserver aujourd’hui

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  2. Je plussoie David : J’adore les travaux de Bilal/Christin 🙂

    Je suis d’accord avec toi Mo’ même si tu ne le souffles qu’à demi-mots, Bilal sans Christin c’est plus aussi bon. Du moins c’est ce que je pense d’un point de vue narratif… graphiquement Enki Bilal me fait toujours rêver, épurant son style au fil des albums.
    32 décembre est pour moi une merveille graphique (avec l’idée de la All White Partie organisée par Holeraw dont le pseudonyme ne trompera personne), même si le meilleur Bilal (sans Christin) demeure la trilogie Nikopol.

    Bilal et Christin c’est aussi les excellents Phalanges de l’Ordre Noir et Partie de chasse. Moi aussi je suis nostalgique.

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    1. Tout à fait d’accord avec toi sur l’aspect narratif. Ce duo d’auteurs était vraiment excellent. Et encore d’accord sur le fait de mettre dans mon Panthéon la trilogie Nikopol. Mon préféré reste « La femme piège » et malgré toutes les découvertes bd que j’ai faites ces deux dernières décennies, « La femme piège » reste pour moi un album que j’apprécie particulièrement.

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  3. Je n’aime pas trop les ambiances trop sombres de la majorité des Bilal dont j’aime pourtant le graphisme (et je me rappelle d’une magnifique exposition de portraits de femme exposés en extérieur à la Défense à Paris il y a peut-être vingt ans…).

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    1. Il va y avoir une expo de Bilal au Louvre bientôt d’ailleurs (à partir de décembre 2012 et jusqu’en mars 2013). A l’occasion de son livre dans la collection du musée.

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      1. J’ai vu ^^ Et j’aurais aimé pouvoir découvrir l’Expo de Prudhomme… mais bon, Paris est un peu loin. J’hésite encore à me positionner sur le prochain Bilal en fait. Pas fan généralement de la collection du Louvre (seule exception : le Prudhomme) et Bilal ne me fait plus autant « tripper » qu’avant…

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        1. Le projet du Louvre reprend pourtant le principe du dessin sur photo. Ça faisait longtemps qu’il n’avait plus utilisé ce procédé. Retour au sources ^^
          Je pense que cet album sera intéressant.

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          1. Entre mon comm’ de tout à l’heure et le tien, je m’étais fait la même réflexion ^^ Je me suis donc positionnée sur l’album. Vivement décembre pour découvrir tout cela 🙂

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    2. Je crois que cette expo a très bien tourné. Quand tu regardes aujourd’hui tous les Artbook de Bilal, j’ai l’impression de n’y voir que ces femmes, arrangées à toutes les sauces. Au début, j’aimais beaucoup mais aujourd’hui, je trouve qu’il ne se renouvelle plus tellement 😦

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  4. Je suis pas fan de l’univers de Bilal. Même son dessin me laisse de marbre (ok, je sors^^). Par contre, j’aime bien Christin (Valérian, quand même !).

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