La forêt silencieuse et ses paysages enneigés. Les maisons ploient sous l’amas de neige et la présence de tout ce blanc d’une page à l’autre renforce d’autant plus cette impression (ce petit album est en noir et blanc).
Puis, on s’installe à la table du personnage principal : un petit blondinet qui dévore son bol de céréales avant de partir à l’école. Il traine, il va rater son bus de ramassage scolaire. Jusque-là, rien d’anormal. Il parvient malgré tout à être à l’heure pour le passage du bus mais il opte finalement pour un trajet à pied jusqu’à l’école. Rien d’anormal ? Il semble être coutumier du fait. Envisage-t-il de faire l’école buissonnière ? Non…Pourtant, on découvre rapidement qu’il aurait des raisons pour ne pas se rendre en classe. Déjà parce qu’en chemin, il tombe nez-à-nez avec un orignal. Rien de bien grave. Il est quitte pour une bonne frayeur et un moment qui restera certainement gravé longtemps dans ses souvenirs. Par contre, dès qu’il est dans l’enceinte du collège, chaque instant est une épreuve. Les coups, les injures, les intimidations… Joe est victime de brimades… il est le souffre-douleur d’un de ses camarades de classe.
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La violence, le racket, les humiliations, des ingrédients qui ont de quoi mettre une boule au ventre à celui qui en est victime. Son bourreau est un enfant de son âge, un adolescent si charismatique que tous suivent sagement sa trace par peur de devenir une autre victime persécutée de cet adolescent despotique. Un climat délétère envahit rapidement l’album. Max de Radiguès n’utilise pourtant aucun artifice particulier pour installer cette atmosphère.
La sobriété des dessins marque avant toute chose, les illustrations vont à l’essentiel. Réalisée entièrement en noir et blanc, l’ambiance graphique ne s’appuie ni sur les jeux de contrastes, ni sur des jeux d’ombre et de lumière (ou très peu) ; il n’y a pas d’opposition farouche entre un blanc immaculé et un noir inquiétant. L’atout de l’auteur sera le recourt adéquat à de nombreux passages muets, détaillant graphiquement la scène, décrivant parfaitement la solitude forcée que vit le personnage. Ainsi, l’auteur nous permet de percevoir la souffrance de cet adolescent. Il n’a pas de difficultés apparentes. Tout se joue dans le silence, dans l’énergie qu’il dépense à ne rien laisser paraître. Il a appris l’art de se dérober face aux adultes, de décliner adroitement les mains qu’on lui tend pour lui offrir de l’aide. Mais Joe est habile, il protège son agresseur comme s’ils avaient conclus un pacte tacite dans lequel il s’emmure dans le silence ; sans certitudes, les autres sont impuissants.
Une situation inextricable puis, brusque retour de situation, la seconde partie change de rythme narratif, l’intrigue retourne sa veste et nous prend au dépourvu. Une réalité aussi violente, tout aussi tourmentée… mais c’est une autre histoire et ce n’est pas à moi de vous la révéler. Lisez- l’album pour cela.
Quand le silence s’installe, quand on se replie en soi de façon trop prolongée… Les répercussions sont parfois plus insidieuses qu’il n’y parait.
Sur le même thème, vous pouvez aussi lire Jane, le renard et moi paru aux Editions La Pastèque.
« – Je t’ai dit que tu pouvais me parler.
– C’est gentil mais… je ne peux pas. Vous l’savez non ? »
Une lecture commune partagée avec Lunch and Badelel ! Vous trouverez leur chronique en cliquant sur ce lien.
Les chroniques chez : Jérôme (que je remercie pour le prêt), Noukette et de nombreux autres avis recensés par l’auteur sur cet article.
Du côté des challenges :
Petit Bac 2014 / Animal : orignal
Orignal
One shot
Editeur : Delcourt
Collection : Shampooing
Dessinateur / Scénariste : Max De RADIGUES
Dépôt légal : mai 2013
ISBN : 978-2-7560-4100-1
Bulles bulles bulles…
On est même deux à partager la lecture puisque Badelel s’est invitée sur le fil (j’ai un peu insisté, mais elle ne regrette absolument pas 🙂
On partage sensiblement tous le même avis : ça prend au tripes !
Notre lien direct : http://bendis.uldosphere.org/index.php?p=bds&motor=1&titre=orignal
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Badelel dit que c’est moi qui lui ai forcé la main… je dis ça, je dis rien 😛 ^^
Sinon oui, nos avis sont proches. C’est un bel album
Merci Lunch de m’avoir aidée à passer en « mode lecture ». Cela fait un moment que Jérôme m’avait prêté cet ouvrage et sans toi, je crois que j’en aurais encore reporté la lecture 😉
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D’un autre côté ça m’a aussi forcé la main si on va par là. Il était dans ma « pile » depuis un bon moment. Finalement je regrette pas du tout. C’est vraiment une histoire prenante et surprenante.
Tiens, j’y repense, on l’a pas signalé mais on avait cette discussion avec Badelel hier soir : le livre était sous blister pour une case où on voit une bite. Hum… j’ai lu Come Prima en suivant, y’en a aussi mais c’était pas sous blister. La collection Shampoing est pudique chez Delcourt ?
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Alors, si j’n’m’abuse, le directeur de collection est Trondheim. Et Trondheim pudique… j’ai du mal à l’imaginer ^^
Où est-ce que tu as vu une bite dans Come prima toi ?? ^^
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Ben le frère là, quand il rentre voir sa douce. Elle s’habille pendant que monsieur se prélasse sur le lit à poil. C’est au début, avant qu’il se fasse la malle !
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Ah oui ! lol
Je ne m’en rappelais pas. Mais dis donc, si on va par là, il y a beaucoup d’albums qui devrait être censurés. Après, la scène est très soft dans « Come prima ». Les réticences à l’égard de « Orignal » doivent être motivées par la violence de la scène (enfin violence… il y a quand même une agression majeure à l’égard du personnage principal).
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En tout cas ces deux albums ne figureront pas dans le catalogue Izneo c’est sûr, ils sont puritains les américains 😀
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Bah, ils ne savent pas ce qu’ils loupent ces américains !
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Moi aussi, j el’ai lu grâce au prêt de Jérôme et c’est une BD qui m’a beaucoup remuée 😉
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Il m’a manqué un petit-je-ne-sais-quoi pour être totalement remuée. Je suis restée un peu extérieure à la lecture tout de même mais cela ne m’a pas empêché de l’apprécier. Après, sur le même thème, j’avais vraiment accroché avec « Jane, le renard et moi » auquel je fais référence en fin d’article. Je pense que tu aimerais bien 😉
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Je vais tâcher de voir si je la trouve alors 😉
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Tu m’en diras des nouvelles 😉
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yep 😉
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La fin est terrible mais… chut, il faut laisser la surprise. Il me reste maintenant à lire « Jane, le renard et moi » pour découvrir la façon dont le sujet peut être traité différemment.
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Rhoo oui oui oui !! 😀 On en avait déjà parlé, je me rappelle de tes retours après ma chronique. Écoutes, j’ai du mal à imaginer que tu n’aimes pas. C’est pour ça, j’ai un besoin vital de connaître ton avis sur cet autre album ^^ 😉
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Je vais voir si je le trouve à la médiathèque…
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J’en parlais l’autre jour dans un autre échange : je n’ai plus l’occasion d’aller en biblio (manque de temps) du coup, je n’ai aucune visibilité sur les titres qu’ils peuvent proposer au pret. J’ai du mal à imaginer qu’un titre comme celui-ci n’y sois pas. Sur le même principe, il devrait être proposé dans chaque école. Un bon support intermédiaire pour parler de sujets difficiles auxquels les enfants peuvent etre confrontés
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C’est vrai que la fin prend sacrément au dépourvu… Outch…
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Euh oui clairement !! Elle fait froid dans le dos. Après, c’est ce que j’aime bien avec ce genre de fin : on peut se permettre de tout imaginer pour la suite des choses. J’ai eu tendance à revenir me réconforter vers la solution la plus rassurante ^^
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