« En 2008, je reçois un message inattendu dans ma boîte mail : le Centre culturel d’Achgabat recherche un auteur de bandes dessinées pour animer un stage dans le cadre de l’opération Fureur de Lire, qui promeut la lecture, en France comme à l’étranger. Après avoir cherché sur la carte où se trouve le Turkménistan, je réponds aussitôt oui. Je ne savais alors presque rien de cet endroit du monde. Mon premier séjour dure 2 semaines et je découvre un pays hors-norme. Une seule envie à mon retour : y revenir ! Un an plus tard, le projet Prévert est réactivé et je repars en février, remplissant des carnets de notes et de croquis pour raconter cette histoire aujourd’hui » (propos de l’auteur en début d’album).
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« Sables noirs – 20 semaines au Turkménistan » relate donc un séjour en deux temps avec un premier voyage assez bref (deux semaines) suivi, un an plus tard, d’un voyage plus conséquent et qui a notamment permis à l’auteur de s’imprégner du rythme de vie de ce pays coincé entre l’Iran, l’Afghanistan, l’Ouzbékistan et le Kazakhstan.
Le trait changeant de l’auteur nous propose tour à tour des croquis détaillants des scènes du quotidien (l’animation d’un marché, la description d’un intérieur turkmène, une scène familiale se déroulant dans la cour d’une maison…) et des passages où Troub’s a raconté de manière plus détaillées – et en bande dessinée – diverses rencontres, qu’elles soient amicales, professionnelles ou impromptues (cas de figure assez rare au demeurant). Malheureusement, les dessins sont moins vivants que les illustrations qu’il avait réalisées sur Viva la Vida (en collaboration avec Edmond Baudoin) même si ce carnet de voyage foisonne de rencontres et d’échanges.
Ainsi, le voyage graphique nous fait aller du croquis esquissé sur le moment à l’illustration retravaillée à l’occasion de ce projet éditorial. La présence de l’auteur dans la quasi-totalité des scènes n’apporte pas grand-chose au propos, décrivant des rencontres somme toute assez banales et convenues. D’ailleurs, je regrette le fait que les conversations que l’auteur a eu l’occasion de mener avec des turkmènes – qui lui étaient parfaitement étranger – amènent le lecteur à une conclusion unique : la délation est une pratique courante dans la société turkmène. De fait, la population est constamment sur ses gardes et nourrit par une appréhension certaine de l’étranger (qu’il est d’ailleurs interdit d’héberger chez soi). Tout est fait d’apparats, de clinquant et de faux-semblants. Les statues à l’effigie de l’ancien Président (Saparmourat Niazov) pullulent à travers le pays. La littérature est orientée et fortement censurée. Les étrangers n’obtiennent pas facilement des visas de séjour et ces derniers sont limités à une zone géographique déterminée à l’avance. Pour se déplacer dans le pays et pouvoir franchir les zones de contrôles policiers, il faut disposer des autorisations nécessaires. Nombreux sont les turkmènes qui vivent chichement mais il n’est pas de bon ton de se plaindre quant à ses conditions de vie.
« Au Turkménistan, c’est les silences qu’il faut entendre ».
Difficile donc de sympathiser ou d’engager une discussion autour d’un verre. Cependant, on perçoit que l’auteur a été sensible aux questions d’identité et d’histoire culturelle de ce pays. Sans jugement, il témoigne du fait que les turkmènes ressentent une certaine nostalgie à l’égard d’une ère aujourd’hui révolue et où la société turkmène n’était pas sous le joug de la censure. Il explique le décalage entre passé et présent, d’hommes d’état qui ont cherché à reconstruire le pays tout en mettant en avant la culture turkmène tout en incitant fortement la population à leur vouer un réel culte de la personnalité. Mais l’hypocrisie du système quant à la présence des étrangers sur leur territoire ne fait aucun doute. Une sorte de cordiale tolérance est de mise mais l’étranger est généralement mis à l’écart de toute vie sociale.
« Il est interdit de photographier les monuments, les bâtiments officiels… mais pas vraiment de les dessiner »
Pourtant, à chaque occasion d’échanger, il est amusant de voir les turkmènes focaliser sur des clichés de la France pour nouer le dialogue. Une fois passée cette sorte de fierté à montrer qu’ils ont un attachement particulier à la France (culture, architecture, commerce…), les conversations s’appauvrissent et deviennent creuses. Les gens s’enferment dans une forme de mutisme afin d’éviter d’avoir à se positionner sur des questions directes qui leur seraient posées et notamment sur ce qu’ils pensent du régime en place. La rigueur du régime, contraignant et étouffant les libertés individuelles dans une censure à grande échelle.
Un récit bourré d’humanité bien qu’on la ressente assez peu durant la lecture. Le choix de réaliser un carnet de voyage en noir et blanc nourrit cette austérité que j’ai ressentie à l’égard de l’ouvrage. Le lecteur ne s’immisce pas mais écoute attentivement ce qui lui est raconté. L’occasion d’apprendre beaucoup de choses sur la société turkmène mais humainement, c’est assez vide.
Une lecture intéressante mais qui suscite un certain ennui.
Partage de la semaine avec Noukette !
Extraits :
« Depuis 1991, la culture turkmène est réduite à sa plus simple expression : folklorique, artisanale ou traditionnelle, mais avant tout dépolitisée. Et les artistes se doivent aussi de l’être » (Sables noirs -20 semaines au Turkménistan).
« Les livres sont des denrées rares, chères, et exclusivement produites et contrôlées par le pouvoir » (Sables noirs -20 semaines au Turkménistan).
« Et puis arrive 23 heures, la musique s’arrête. Parce qu’à 23 heures tout doit être fermé, éteint, rangé. Et à 23 heures, tout est fermé au Turkménistan. Et ce couvre-feu me glace le sang. On ne rigole plus. On remballe les sourires et estimez-vous heureux d’être vivants. Alors on comprend pourquoi la musique est si forte le soir autour des guinguettes » (Sables noirs -20 semaines au Turkménistan).
Du côté des challenges :
Petit Bac 2015 / Couleur : noirs
Sables noirs
– 20 Semaines au Turkménistan –
One shot
Editeur : Futuropolis
Dessinateur / Scénariste : TROUBS
Dépôt légal : mars 2015
ISBN : 978-2-7548-0873-6
Bulles bulles bulles…
Superbe nouvelle mise en page du blog
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Merci 🙂 J’aurais pourtant aimé pouvoir voyager un peu plus avec ce titre 😦
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Mince, il avait pourtant tout pour me plaire cet album. Mais ton argumentation parfaitement détaillée me fait comprendre que j’aurais sans doute le même ressenti que toi. Dommage…
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Je suis assez déçue à vrai dire. J’accroche plutôt bien avec ce genre de témoignages habituellement et j’avais bien apprécié « Viva la Vida » que Troubs avait réalisé avec Baudoin. Bref… vivement le prochain carnet de voyage 🙂
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Ah mince, cette déception que tu laisses entendre me rebute un peu. Moi qui aime tant les voyages, j’irai tout de même la feuilleter.
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Oui. Et si jamais tu optes pour la lecture, je prendrais volontiers ton avis 😉 Besoin de comprendre ce qui n’a pas fonctionné dans cet album-ci 🙂
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Moyen moyen donc… Je passe mon tour…
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Moyen pour moi en tout cas 🙂
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Un billet honnête. Futuropolis… j’avais tant aimé « Un printemps à Tchernobyl » !
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Les deux albums ne jouent absolument pas dans la même cour ! 😀
J’aime beaucoup le noir et blanc mais ici, et c’est un des reproches que je fais à l’album, ça le prive totalement de toute chaleur.
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Le titre et la couverture me plaisent et j’aime assez ce genre de récit de voyage…
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Alors laisse-toi tenter… mais il y a des carnets bien plus beaux 😉
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Je le note car j’aime beaucoup les récits de voyage avec dessins. Je sauterai les passages ennuyeux. En plus je ne connais rien sur ce pays et les extraits me plaisent.
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Je te lirais avec plaisir sur cet album 😉
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Bon, mon enthousiasme a pris du plomb dans l’aile au fur et à mesure que je lisais ton billet… Je passe donc…
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En fait, vu le sujet, le format, l’auteur, l’éditeur (ce qui fait déjà une belle somme d’arguments ^^), je ne m’attendais absolument pas à ne pas apprécier.
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j’allais écrire la même chose que Louise…
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Oui, d’autant qu’il y a des passages intéressants, des conversations futiles mais d’autres plus profondes et quelques belles scènes. J’ai eu du mal avec le côté fourre-tout et discontinu du propos. Je te lirais avec intérêt lorsque tu partageras ton avis. Histoire de mieux comprendre ce que je n’ai pas su saisir 😉
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Quel dommage!
Mais pas envie de m’ennuyer…
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😀
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Ce qui me paraît intéressant, c’est l’attachement paradoxal que l’on devine chez l’auteur pour un pays, le Turkménistan, qui donne peu de raisons de s’y attacher, avec ses déserts arides et son régime politique non moins sec (l’austérité du noir et blanc ne m’a pas dérangé).
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C’est vrai, on sent que l’auteur a des attaches dans ce pays et qu’elles ne sont pas uniquement liées aux relations d’amitié qu’il a nouées lors de son premier voyage. Il faudra que je relise ce titre car j’aime bien les travaux réalisés en noir et blanc habituellement. Je ne sais pas pourquoi ici ça n’a pas fonctionné 🙂
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