L’Ile Louvre (Chavouet)

Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015
Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015

« Après Manabé Shima, Florent Chavouet s’est rendu dans une autre île : l’île Louvre ! Muni de son carnet de voyage et de ses crayons de couleurs il est parti à la rencontre des habitants de cette île-musée pas comme les autres et de ses « paysages » !

Une reconstitution minutieuse et drôle de la vie quotidienne de ce prestigieux musée !

Le musée du Louvre est devenu île, sous les crayons de couleurs de Florent Chavouet. Muni d’un pass délivré par les autorités du musée, il se rend sur ce territoire insulaire à la rencontre de ses habitants (ceux qui travaillent dans cette institution), de ses visiteurs (les touristes du monde entier) et de ses paysages (l’ensemble des salles et des œuvres exposées). Carnet de voyage en main, l’auteur s’attache à nous décrire cette île-musée et ses traditions. Au fur et à mesure de ses déambulations, il nous plonge ainsi dans la vie quotidienne du Louvre, restituant avec un sens du détail digne des plus grands enlumineurs ! (synopsis éditeur).

Le Louvre. Ils sont déjà plusieurs artistes à s’être frottés à l’exercice et à y avoir usé pastel, aquarelles, crayons ou autres techniques de dessins. Parmi tous les travaux déjà réalisés, c’est à ce jour celui de Pascal Prudhomme qui m’a fait la plus forte impression. Mais cette fois, c’est au tour du baroudeur Florent Chavouet de partir explorer les dédales des couloirs du célèbre musée. Pour cet artiste complet qui nous a déjà régalés de deux carnets de voyage très remarqués (« Tokyo Sanpo » et « Manabé Shima ») et d’un polar cocasse (« Petites coupures à Shioguni »), le temps est venu de partir vers une nouvelle destination moins habituelle le concernant. Inhabituelle même car cela lui impose de rester dans l’Hexagone et d’autre part de se limiter aux frontières d’un bâtiment (certes gigantesque) mais tout de même ! Fait rare pour cet homme pour qui, jusqu’à présent, les contours d’une ville permettaient déjà difficilement d’assouvir sa soif d’inventivité graphique et de jeu narratif.

Mais c’est un nouveau voyage qui nous attend, a n’en pas douter… du moins si on en juge l’illustration qui nous accueille en première de couverture. Bateaux, flots, croisements de routes navigables… un ramdam d’embarcations de tous poils et de tous bords. Invitation à découvrir les nouveaux horizons du Louvre…

Le Louvre a d’abord été pour moi un motif de cerveau avant d’être un motif de réflexion

Comte Florent de Chavouet (Carnets d’approche)

Le Louvre est perçu ici comme une escale, qu’elle soit effectuée via un métro, un bus, un parcours en batobus, une balade pédestre, un point que l’on fixe sur une carte…

« L’île Louvre » : halte pour les marins, carrefour de routes fluviales. L’île Louvre la bien-nommée, « Patrimoine des îles de France » invente l’auteur. Mais avant de nous plonger totalement dans le délire, laissons l’artiste nous raconter ses préparatifs, à commencer par le fait de devoir se faire tirer le portrait pour obtenir un laisser-passer dans les bâtiments du musée. Quant au cahier des charges, il est aussi simple qu’ambitieux…

« – Vous allez faire une BD c’est ça ? », – « Oui, enfin un carnet, un truc comme ça. Je vais dessiner ce que je vois. Qui vient ici, pour voir quoi, pour faire quoi. C’est simple en fait, je vais parler du lieu. Par contre, c’est pas sûr que ça fasse une histoire, mais ça peut raconter quelque chose quand même. Y aura pas forcément des cases hein. »

Le pass. Cette habilitation, c’est comme un passeport. Un bout de papier qui permet de façon magique de « passer » du statut de sans-papiers à celui de citoyen du Louvre… seul moyen de ne pas être inquiété par les services de l’immigration (un délire de l’auteur en début d’album, un clin d’œil espiègle à l’un des sujets bouillants de l’actualité médiatique). Passée la paperasse, il accède à l’épicentre de l’île : le hall d’entrée, où la luminosité du lieu rivalise avec la cacophonie ambiante. Brouhaha, bourdonnement constant créé par les dizaines de conversations des visiteurs du musée.

Très vite, les habitués des albums de Florent Chavouet retrouverons leurs repères, à commencer par le fait de devoir tourner et retourner l’ouvrage dans tous les sens pour suivre – s’il le souhaite – la totalité des conversations qui s’emmêlent. La visite commence donc par la partie visible de l’iceberg : les salles accessibles au public. Impossible en ces lieux de ne pas attraper des bribes de conversations au vol… « Le parmesan, ça sent le vomi, tu trouves pas ? Non, c’est le melon trop mûr plutôt », « C’est sûr que c’est pas un chef-d’œuvre son gamin, pas la peine de l’exposer ici », « Mais c’est quoi le Louvre, c’est tout ça ? ou c’est après ? ».

Le lecteur doit scruter chaque page pour y découvrir les nombreux détails contenus dans une case, une bande, une planche, une double page… Le capitaine de bateau, Monsieur Chavouet, ponctue la visite de quelques notes d’humour.

L’Ile Louvre – Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015
L’Ile Louvre – Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015

Le voyage prend forme peu à peu. Les lecteurs glissent lentement dans l’univers de l’auteur, un lieu familier que nous découvrons sous un autre jour. Seuls quelques indices nous font savoir que la réalité a légèrement été modifiée. Nous butinons d’un visiteur à l’autre mais si on prend le temps de regarder par la fenêtre, on devine les silhouettes des poissons qui nagent dans l’eau.  L’auteur nous permet également de rencontrer les personnels du musée (dame d’entretien, guides, gardiens…) ainsi que les lieux non accessibles aux publics (couloirs sous-terrain, salle des guides,etc).

L’Ile Louvre – Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015
L’Ile Louvre – Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015

Le dessin est très agréable et donne un ton enjoué à l’ensemble. Les pages s’affranchissent totalement de cases, les illustrations y trouvent naturellement leur place sans que le lecteur ne soit mis en difficulté pour trouver le sens de lecture adéquat à donner… comme si, à notre tour, nous visitions les salles du musée sans suivre un sens de visite imposé. On est tour à tour spectateur et visiteur, on observe les œuvres et l’effet qu’elles ont sur ceux qui sont venus les contempler. Durant la lecture, on se dit parfois que la raison de notre présence ici est surréaliste d’ailleurs, en jetant un œil par une fenêtre, on se rappelle l’existence de l’île imaginaire. Un lieu à part pourtant ancré dans la réalité mais on évolue ici au milieu d’objets du passé. Une île-musée, une enclave où l’on oublie nos préoccupations habituelles.

PictoOKTrès belle redécouverte du Louvre via le travail de Florent Chavouet. On apprécie les reproductions fidèles réalisées par l’auteur de la « Vénus de Milo », « Bethsabée recevant la lettre de David » (Drost Willem) ou encore de « L’automne » (Giuseppe Arcimboldo).

Lecture interactive, plaisir réel à tourner les pages, voyage amusé sur le territoire insolite de l’île-Louvre. J’aime.

L’Ile Louvre

One shot

Editeurs : Futuropolis & Louvre Editions

Dessinateur / Scénariste : Florent CHAVOUET

Dépôt légal : novembre 2015

ISBN : 978-2-75481-010-4

Bulles bulles bulles…

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L’Ile Louvre – Chavouet © Futuropolis & Louvre Editions – 2015

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

30 réflexions sur « L’Ile Louvre (Chavouet) »

    1. C’est indéniable !! Assez différent des autres cela dit. Deux raisons majeures : 1/ c’est une commande et 2/ il n’est absolument pas question de bouffe !! :mrgreen: (je crois que je me suis habituée à avoir des odeurs de cuisine qui me montent au nez quand je lis un album de Chavouet ^^)

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    1. Loin de valoir « Manabé Shimaé ou « Tokyo Sanpo »… mais j’ai passé un bon moment. Et dire qu’il y a encore quelques années, je ne pouvais pas tenir un ouvrage de Chavouet ouvert plus de 30 secondes (j’avais beaucoup de mal avec son dessin). Depuis, je me suis pris une claque (Manabé Shima) et j’attends avec impatience la sortie de chacun de ses albums 🙂

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  1. Bon, je l’ai lu, tu le sais, et je suis moyennement convaincu (tu le sais aussi 😉 ). N’empêche, à te lire, je vois les choses un peu différemment et je t’avoue que j’apprécie.

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    1. N’empêche, je suis d’accord avec ce que tu en dis aussi. On sent bien que c’est un travail de commande et que Chavouet cherche un peu l’intérêt qu’il peut avoir à réaliser ce travail. C’est très présent en début d’album en tout cas. Après – je ne sais pas si c’est moi qui n’ai plus voulu le voir – j’ai trouvé qu’il s’en accommodait. Cela dit, j’aurai bien aimé qu’il aille plus loin dans le délire « île »

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  2. Je suis fan de Chavouet mais il faut que j’arrête de te lire: mon libraire est ravi, mon budget moins… Je t’ai dis que j’avais craqué pour « Bon baisers d’Iran » samedi ?

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    1. Je l’ai vu ce matin en allant fureter cher toi. J’ai reconnu la tranche de l’album dans la petite pile que tu as prise en photo 😀
      Ceci dit, si tu as déjà lu d’autres titres dans cette collection du Louvre, je trouve que l’album de Chavouet ressemble un peu à celui de Prudhomme. Si tu as peur de la redite, passe par l’emprunt pour celui-ci 😉

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        1. Ma démarche était la même. J’ai lu plusieurs ouvrages de cette collection et il y en a peu que j’ai apprécié. Pourtant, dès que l’occasion se présente, j’aime déambuler dans les salles du Louvre grâce à ces différents travaux. Chavouet m’a surprise avec ce travail, je trouve qu’il s’en tire très bien. On retrouve sa touche d’humour, son regard farceur, sa tendance à inventer des histoires complètement déjantées… J’ai bien aimé même si la collection commence à tourner un peu en rond

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  3. J’ai adoré me plonger dans les détails de cette BD … et entendre parler l’auteur (interview sur Bric à Book) renforce mon envie de découvrir davantage son univers …

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    1. Pour ma part, l’album le plus original de la série reste celui de Prudhomme (mais je crois que je l’ai déjà dit dans les commentaires, voire dans mon article… 😳 )

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