Le Cœur de l’Ombre (D’Amico & Iorio)

D’Amico – Iorio – Ricci © Dargaud - 2016
D’Amico – Iorio – Ricci © Dargaud – 2016

A 10 ans, Luc a peur de tout. Des autres enfants, du noir, de traverser la rue, des insectes, des microbes… de tout ! Il est fort possible que les comptines que lui chantaient sa grand-mère italienne aient nourri ses peurs ; il y était notamment question de l’Uomo Nero, un collègue du croquemitaine qui se terrait sous le lit des enfants ou dans leur armoires, prêt à les emporter au Royaume des Ombres s’ils se risquaient à quitter le bouclier protecteur que leur assure leur couette douillette.

La mère de Luc est aussi responsable en grande partie des peurs de son fils. Traumatisée par la disparition de Claire – sa fille –, elle a toujours eu tendance à protéger son fils comme la prunelle de ses yeux.

Le résultat est là : Luc est un enfant solitaire. Et lorsque vient le soir et le moment d’éteindre la lumière de sa chambre, la terreur l’envahit de nouveau. Car l’Uomo Nero attend cet instant pour sortir de l’armoire et se pencher sur l’enfant terrorisé. Si Claire, sa grande sœur, était encore là, elle pourrait le protéger. Luc ne sait pas à qui demander de l’aide. Il sait bien que les adultes le prendraient pour fou s’il leur racontait que l’Uomo Nero venait le voir tous les soirs.

Ces derniers jours pourtant, la peur de Luc est plus grande. Depuis que l’Uomo Nero l’a heurté, Luc a peur de le voir surgir même en plein jour. Il tente d’alerter son père mais c’est peine perdue. Jusqu’au soir où, après avoir plongé dans son lit, Luc est enlevé par l’inquiétante créature. Il se retrouve au royaume des Ombres et ne sait comment rentrer chez lui. Il va devoir trouver seul son chemin au milieu de ce monde étrange, privé de couleurs à l’image de cet « homme noir » mystérieux et peuplés de fantômes.

Nous sommes les Ombres. Nous vivons dans l’obscurité et nous nous délectons de vos peurs. Parce que les deux choses sont profondément liées. L’obscurité, c’est notre maison. Nous nous faisons un devoir de vous inculquer la peur dès notre plus jeune âge afin que vous n’envahissiez pas notre espace.

« Le Cœur de l’Ombre » nous propose un fabuleux voyage imaginaire. La plume de Marco Cosimo D’Amico nous ramène des années en arrière, à l’époque où enfant, nous appréhendions l’heure du coucher et le fait de nous retrouver dans le noir. Un monstre va-t-il surgir de l’armoire ? Une main griffue va-t-elle se glisser sous notre couette et nous attraper le pied ? C’est tout un tas de superstitions et de peurs enfantines que le scénariste emploie pour construire cette histoire. Elle s’appuie sur deux personnages principaux : celui de l’enfant et celui de L’Uomo Nero. Tous deux vont nous emmener à la rencontre des croquemitaines d’autres pays. Un voyage initiatique pour ce jeune enfant qui initie son lecteur aux mythes d’autres pays. Ainsi, l’auteur invente un monde imaginaire où Uomo Nero côtoie ses semblables : Croquemitaine (France), Boogeyman (Etats-Unis), El Cucuy (Mexique), Bunyip (Australie)… A tour de rôle, nos deux protagonistes endossent la fonction de narrateur ce qui permet au scénario de trouver son rythme, de naviguer entre l’humour pince-sans-rire de l’élégante créature et la naïveté de l’enfant.

Au dessin, Laura Iorio nous livre des illustrations de toute beauté. Le dessin léché incite au voyage et les couleurs de Roberto Ricci (aux commandes graphiques du succulent « Urban« ) viennent tonifier l’atmosphère. bien que l’on évolue majoritairement dans un royaume où la couleur dominante est le gris, le choix des couleurs offre une luminosité inespérée à l’ensemble. La rondeur du trait et l’originalité de chaque illustration permet au lecteur de profiter d’une aventure atypique et réellement fascinante. On se laisse porter par la lecture sans jamais être à bout de souffle. Au contraire, malgré la peur qui tenaille le petit héros à chaque instant, on a plutôt l’impression qu’elle le porte en avant plutôt que de le figer sur place.

PictoOK

Une lecture que je vous conseille. Un conte fantastique, où la fantaisie atténue les peurs… Un voyage initiatique qui ne manquera pas de vous rappeler quelques souvenirs d’enfant. Et si l’on perçoit assez tôt quels seront les contours du dénouement, aucune déception lorsque celui-ci se révèle à nous… car ce récit nous a porté bien plus loin que nous l’aurions espéré, à la croisée des univers de Tim Burton et d’œuvres classiques destinées aux enfants (Andersen, Perrault…).

La chronique de Laurent Truc.

Le Cœur de l’Ombre

One shot

Editeur : Dargaud

Dessinateur : Laura IORIO

Scénaristes : Laura IORIO & Marco Cosimo D’AMICO

Coloriste : Roberto RICCI

Dépôt légal : avril 2016

104 pages, 17,95 euros, ISBN : 978-2-5050-6447-3

Bulles bulles bulles….

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Le Cœur de l’ombre – D’Amico – Iorio – Ricci © Dargaud – 2016

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

15 réflexions sur « Le Cœur de l’Ombre (D’Amico & Iorio) »

    1. Je suis rentrée dans l’univers en un clin d’œil. Quant au dénouement, il y a deux choses auxquelles je m’attendais et qui se sont effectivement produites mais cela n’a absolument pas grignoté mon plaisir 😉

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    1. Il est beau cet album ! Il m’a plusieurs fois fait penser à « Cœur de Pierre » (même qualité dans le rendu des illustrations, même poésie graphique…). Franchement, il faut que tu le lises celui-ci 😉

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    1. Ahhh, Mattoti ! Un auteur que je n’ai encore jamais pris le temps de lire mais en revanche, j’ai eu l’occasion de voir deux expositions qui lui étaient consacrées et je dois dire que j’ai savouré toutes les œuvres qui étaient présentes !

      Aimé par 1 personne

    1. Ça, c’est une de mes grosses lacunes de n’avoir pas encore lu un de ses albums. Il y a deux ans, il était présent sur un festival BD (celui de Solliès qui a lieu au mois d’août). Je n’ai pas perdu une miette de ce qu’il a dit et de la manière dont il a parlé de son travail, de sa remise en question permanente, de ses explorations artistiques… Bref, il faut vraiment que je m’y mette.
      En attendant, je me délecte de vos travaux. Depuis que j’ai découvert votre « patte » dans « Urban », lorsque je vois votre nom sur une couverture, je ne prends même plus le temps de feuilleter l’album en librairie. C’est un dépaysement garanti ! 😀

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  1. Sacrebleu, pourkoaaaa j’ai pas vu cette merveille ! Toutafé dans l’air du temps chez moa 😉
    je note évidemment je note !
    Bisous Mo’chéwie ❤

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