Notes pour une histoire de guerre (Gipi)

Gipi © Futuropolis – 2018

Ils sont trois amis : Christian, P’tit Killer et Giuliano.

– T’as perdu des points Killer.
« Perdre des points » . C’était une de nos expressions. « Perdre des points… » On perdait des points chaque fois qu’on n’était pas assez durs. Quand on tombait de mob ou qu’une gonzesse nous envoyait bouler. Et ça, ça arrivait déjà avant la guerre.

Trois adolescents livrés à eux-mêmes. Leur pays est en guerre. Pour s’en sortir, il faut montrer les dents, jouer des coudes et se débrouiller. Leur repaire, il est là-haut sur la colline. Les trois faisaient la loi, leurs propres lois, et vivaient de petits larcins. En bas, les villages sont en partie détruits par les bombes.

Les attaques avaient lieu la nuit. Il y avait un village à l’heure du diner, et le matin il n’y en avait plus.

Un jour, alors qu’ils cherchent à vendre des pièces détachées de voiture, les garçons font la connaissance de Felix, un milicien trafiquant. Et là, c’est d’un tout autre business dont il va être question. Felix remarque les capacités de P’tit Killer dans lequel il se voit quand il était jeune. Le mercenaire va alors prendre les trois ados sous son aile et former P’tit Killer. Ce dernier va devenir son homme de main.

Notes pour une histoire de guerre – Gipi © Futuropolis – 2018

« Notes pour une histoire de guerre » décrit un monde d’hommes dans lequel les rapports humains sont un rapport de force entre dominants et dominés. Un monde aux codes âpres, rugueux, anguleux. Un monde où l’on survit, où il n’y a de chance que celle que l’on sait saisir… comme à la roulette russe.

Gipi décrit un pays en guerre sous le regard de ceux qui sont à l’arrière des lignes. Il parle du quotidien des civils qui tentent de survivre en s’affranchissant des règles habituelles. Ces trois jeunes réinventent la vie à leur manière. Ils se déplacent dans des paysages en ruines, à l’affût du danger. Ils rejettent la peur et la terreur. Des gosses, ce ne sont rien d’autres que des gosses qui jouent aux adultes pendant que les adultes jouent à la guerre grandeur nature. Que savent ces gamins de leur patrie ? Que savent-ils des raisons du conflit ? Le scénario est silencieux à ce sujet, nous donnant l’impression d’un monde à la dérive.

– Mais quel rapport ? Cette guerre-là, c’était pas la nôtre.
– Ah non ? Et pourquoi ? A quelle distance de ta pomme doivent exploser les bombes pour te faire dire qu’une guerre est la tienne ?

« Notes pour une histoire de guerre » a été écrit bien avant « La Terre des fils » mais on retrouve ce thème de l’enfant livré à lui-même dans un monde décharné, au bord du gouffre, sans foi ni loi, un monde à modeler. Le dessin fragile campe des gueules imberbes et charismatiques. Les corps parfois désarticulés qui se déplacent sur de magnifiques paysages en noir et blanc d’où la couleur jaillit naturellement de notre imagination.

Malgré l’austérité de cet univers, on s’installe immédiatement dans le trio principal. Le devenir de ces gamins nous soucie, les solutions qu’ils bricolent pour survivre nous inquiètent et nous fascinent. Superbe album de Gipi qui a obtenu le Prix René Goscinny en 2005 et le Fauve du meilleur album en 2006.

Une lecture partagée avec les bulleurs de « La BD de la semaine » . Retrouvez tous les liens des participants chez Moka.

Notes pour une histoire de guerre

One shot
Editeur : Futuropolis
Dessinateur / Scénariste : GIPI
Dépôt légal : janvier 2018
144 pages, 23 euros, ISBN : 978-2-7548-2448-4

Bulles bulles bulles…

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Notes pour une histoire de guerre – Gipi © Futuropolis – 2018

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

61 réflexions sur « Notes pour une histoire de guerre (Gipi) »

    1. Une mélancolie, une fragilité… on sent que ses personnages peuvent parfois s’envoler d’un simple coup de vent et l’instant d’après, ils sont d’une férocité folle. J’adore !

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    1. J’ai eu moi aussi ce ressenti sur d’autres albums de Gipi. Et curieusement, ce sont ceux que je n’ai pas lu d’une traite. Tout est si en équilibre dans ses albums que quand on arrive à attraper le fil au début de la lecture, il ne faut pas le lâcher je crois.

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  1. Je veux le découvrir bien sûr !
    Très intriguée par ce titre (dont ton billet me fait me poser plein de questions) et les autres de cet auteur au trait si particulier mais auquel j’adhère pourtant .

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    1. Alors j’espère que tu auras l’occasion de le feuilleter… et que cela te convaincra définitivement de le lire… parce que j’ai très envie de connaître l’accueil que tu lui réserveras 😉

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    1. Il ne ménage jamais ses personnages. C’est en tout cas mon impression après quelques albums (mais il m’en reste à découvrir)

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    1. Alors oui. Plein !! (mais c’est vrai que vu le nombre de BD que je lis, je préfère réserver les « pas glop » pour un autre jour de la semaine 😉 )

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    1. Comme je disais à Hélène, je n’ai pas lu tous ses albums (par exemple, j’ai très envie de lire « Ma vie mal dessinée » ). Mais dans ceux que j’ai lu, hormis « Notes pour une histoire de guerre » , j’ai aussi accroché avec « Vois comme ton ombre s’allonge » et « La terre des fils » 😉

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    1. Il faut se le sentir je crois. Plonger dans un récit et surtout une ambiance graphique de ce genre, je ne le ferais pas tous les jours. Tu tu veux tenter, tu as « En descendant le fleuve » qui est un recueil de plusieurs récits (je n’avais pas accroché mais cela tient beaucoup, je pense, au format des nouvelles que je trouve toujours trop courtes, qui s’arrête toujours trop vite… alors qu’on sent le potentiel d’une histoire plus dense)

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    1. J’imagine que les planches de Gipi à l’écran ne donne pas particulièrement envie de foncer tête baissée dans une lecture 😉

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  2. Gipi, j’ai du mal, je l’avoue… Et en plus, dans ma bibliothèque, ils n’en ont presque pas… Autant dire que cette lecture sera repoussée aux calendes grecques… (si elle a lieu un jour…!)

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  3. Malgré ce que tu en dis, je ne suis pas attirée par cet album. C’est un univers qui ne me fait pas vraiment envie…

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  4. Je veux découvrir l’auteur… mais je ne sais pas si je vais commencer par celui-ci… Je pense qu’il y en a un dans le prix des libraires du QUébec… on verra!

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    1. Le dessin est fragile, ses personnages ne sont pas particulièrement beaux. Par contre, je trouve ses paysages grandioses et beaucoup de choses se joue au niveau narratif

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    1. Le dessin n’est pas évident en tout cas. Mais une fois que l’on parvient à faire le premier pas, difficile de ne pas être touché par ces personnages 😉

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  5. Malgré plusieurs bonnes critiques sur les BD de Gipi, j’ai pour le moment un peu de mal à passer « au dessus » l’illustration, qui ne me plait guère…

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    1. Je comprends bien ça, Madame ! Peut-être qu’un lecteur te donnera le déclic ou que le résumé de son prochain album te donnera envie de te lancer.En attendant, pourquoi forcer ? 😉

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