Les grands Espaces (Meurisse)

Meurisse © Dargaud – 2018

Quand elle était enfant, ses parents se sont lancés dans un projet fou : tout quitter pour s’installer à la campagne. Fini la ville, bonjour les grands espaces. La ferme abandonnée est progressivement retapée pour en faire un lieu habitable. Les abords autour de l’habitation sont défrichés, nettoyés et peu à peu, fruits, légumes, fleurs et arbres sont plantés. La vie prend forme.

Pendant que les parents s’affairent, Catherine et sa sœur tombent sous le charme de ce lieu. Catherine se découvre une passion pour les vieilles pierres et s’épanouit au contact de la nature. Elle développe une grande sensibilité pour chaque plant, chaque bouture, chaque bourgeon qu’elle va commencer à dessiner.

« La campagne est une ludothèque qui s’ignore. »

On découvre ce quotidien ludique à peine grignoté par des activités plus terre-à-terre ; ainsi, on la verra très peu user ses fonds de culottes sur les bancs de l’école ; non pas qu’elle n’y aille pas mais ce n’est tout simplement pas le cœur du sujet. La petite fille se nourrit des aventures imaginaires qu’elle vit dans le jardin lorsqu’elle regarde une plante pousser, un arbre s’émouvoir au contact d’une petite brise, une abeille polliniser une plante, un bourgeon éclore doucement… de même, on ne sait rien de l’activité professionnelle de ses parents, rien de l’organisation quotidienne de cette famille.

Leur goût pour la nature les soude et les rend complice. Pendant que les parents s’adonnent à leurs activités de jardinage pour l’un (la mère) et de bricolage pour l’autre (le père, les deux sœurs se donnent pleinement dans la recherche des reliques du jardin : un vieux clou rouillé, une anse qui s’est décroché de sa carafe, une crotte déposée par un animal qui passait par là, l’arrangement d’un bout du jardin qui leur a été confié…

Catherine Meurisse s’émerveille au contact de ses souvenirs d’enfance. Les prémices de son orientation professionnelle future s’esquissent, ses affinités se précisent, ses goûts artistiques se consolident. De façon presque systématique, les échanges des personnages nous renvoient à des références littéraires et/ou picturales. Du Caravage à Pierre Loti en passant par Emile Zola, Jean-Baptiste Camille Corot ou Marcel Proust… les extraits d’œuvres classiques proposées donnent de la consistance au propos et renforcent l’intérêt que l’on ressent à la lecture de cet ouvrage.

C’est fin, pertinent, malicieux, bourré d’humour et rempli d’une tendresse qui réchauffe. J’ai vraiment apprécié l’état d’esprit de ce témoignage et savouré comme rarement cet art de la contemplation qui est partagé avec nous. « La Légèreté » était une catharsis qui a permit à l’autrice d’évacuer le ressentiment traumatique des événements qu’elle a vécu lors de l’attaque de Charlie Hebdo en 2015… deux ans après cet album, Catherine Meurisse replonge avec délectation dans ses souvenirs d’enfance et les premiers éléments qui ont forgé son métier de caricaturiste.

Puis cette lecture m’a permis de replonger dans d’agréables souvenirs puisqu’en 2020, lors du FIBD, j’avais eu l’occasion de visiter l’exposition « Chemin de traverse » qui était consacrée aux travaux de Catherine Meurisse. La découverte de ses originaux et le plaisir de contempler ses planches en d’agréable compagnie est pour moi un souvenir précieux et la plongée dans cet album a été l’occasion de le faire remonter à la surface.

Les grands Espaces (one shot)

Editeur : Dargaud

Dessinateur & Scénariste : Catherine MEURISSE

Dépôt légal : septembre 2018 / 92 pages / 19,99 euros

ISBN : 9782205074505

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

3 réflexions sur « Les grands Espaces (Meurisse) »

  1. Un très bel album. Je l’avais découverte avec La légèreté, et depuis, chaque bouquin lu a été un coup de coeur!

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