Magritte – Ceci n’est pas une biographie (Zabus & Campi)

Zabus – Campi © Le Lombard – 2016

Un chapeau melon ! Qui eût cru qu’un jour, moi, Charles Singulier, je m’abandonnerais à la fantaisie d’acheter une futilité de ce genre. Et avec plaisir, qui plus est.

Charles Singulier s’apprête à recevoir une promotion. Voilà de quoi réjouir n’importe quel homme. Alors l’homme Singulier s’offre une petite coquetterie la veille de son avancement. Et Charles Singulier, lui si ordonné, si sérieux, lui qui s’est organisé une vie si convenue, si fade… se met à observer d’étranges phénomènes. Un miroir qui reflète la réalité de façon singulière, des objets qui lui résistent… et ce chapeau melon qu’il ne parvient plus à retirer de sa tête. Sans compter cette étrange apparition, prémonitoire, qui lui assure que …

C’est à cause de lui ! Tu n’aurais jamais dû mettre son chapeau ! Maintenant, ça ne va plus s’arrêter…

… et confier une mission à Charles Singulier. Celle de saisir les secrets du monde de Magritte…

Magritte, Ceci n’est pas une biographie – Zabus – Campi © Le Lombard – 2016

Thomas Campi recrée à merveille l’univers absurde et poétique de René Magritte. Ici et là surgissent dans les dessins de l’illustrateur des tableaux du peintre. Les tableaux se fondent à merveille dans les décors, nous surprennent, nous amusent. Les personnages de Magritte prennent vie et croisent le chemin de notre singulier personnage. « Les chasseurs au bord de la nuit » se sont cachés en embuscade pour l’intercepter, des hommes qui pleuvent sur la ville, la lune qui se niche dans un arbre ou bien encore le visage de son interlocutrice qui prend l’apparence d’un corps de femme dénudé.

Vincent Zabus de son côté décline son postulat de départ comme une réelle épopée. Le personnage principal subit plus qu’il n’agit et la situation complètement folle dans laquelle il est jeté l’amène de rencontres en rencontres. Il accepte tout, s’élance tête baissée dans l’inconnu et cela permet au scénario de nous faire vivre cette aventure tout en nous sensibilisant à l’univers du peintre surréaliste. A l’instar du « héros » , le lecteur se lance tête baissée dans ce jeu de piste aussi drôle que captivant dans le seul but de percer le mystère… ou du moins de percevoir où les auteurs souhaitent nous conduire. Personnellement, je me suis laissée mener par le bout du nez avec délectation, faisant fi de ma curiosité à intervalle régulier pour observer une scène, détailler une case, revenir en arrière pour reprendre le train du récit et retarder d’autant le moment fatidique où j’arriverai au bout de ma lecture. Percerais-je le mystère ?

Moi, je veux installer le soupçon dans ce qui paraît familier… Faire hurler le quotidien !

Quelques éléments de la vie de Magritte sont donnés, nous partageons quelques pages avec quelques-uns de ses contemporains et vraiment…

… vraiment je suis grande fan du travail de ce duo d’auteurs. Un émerveillement. Chaque occasion de lire un de leurs albums est à prendre. Dépaysement garanti. Etre touchée tant par le fond que par la forme, et de de façon quasi systématique, c’est rare.

J’ai lu également : « Macaroni ! » et « Les Petites gens » …

Les chroniques de Noctenbule et du Chat Pitre.

Magritte

– Ceci n’est pas une biographie –
One shot
Editeur : Le Lombard
Dessinateur : Thomas CAMPI et aussi ce site
Scénariste : Vincent ZABUS
Dépôt légal : novembre 2016
64 pages, 14.99 euros, ISBN : 978-2-8036-7027-7
L’ouvrage sur Bookwitty.

Bulles bulles bulles…

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Magritte, Ceci n’est pas une biographie – Zabus – Campi © Le Lombard – 2016  

Les petites gens (Zabus & Campi)

Zabus – Campi © Le Lombard – 2012

Dans cette rue anonyme et silencieuse, il y a des amoureux des livres. Des amoureux de Gary, Shakespeare, Simenon et les autres. Il y a des amoureux de la vie mais ça, ils ne le savent pas encore.

Dans cette rue il y a un homme qui est secrètement amoureux de sa voisine, un autre qui est aigri du bonheur des autres. Il y a le papa de Louis qui pleure au grenier et Louis qui pleure dans son cœur. Il y a Irina qui ravive la flamme de sa passion de toujours, celle qui a fait sa vie, son identité, sa raison d’être. Et puis il y a Lucie, une vieille dame courageuse, seule et malheureuse…

Oui… Le jour où ils cherchent quelqu’un pour jouer la femme invisible, je crois que j’aurai mes chances.

Les petites gens – Zabus – Campi © Le Lombard – 2012

J’avais envie de chaleur. Celle d’un feu de cheminée lorsqu’il dévore une grosse buche. A défaut d’avoir une cheminée, j’ai un instant imaginé prendre une grosse bûche sous mon bras et aller toquer aux portes des maisons qui sont dans ma rue… « vous avez une cheminée ? » avant de pouvoir enfin m’installer devant l’âtre… et j’ai repensé au dessin si chaleureux de Thomas Campi illustrant le récit si émouvant de Vincent Zabus dans « Macaroni ! » … J’avais trouvé la chaleur dont j’avais besoin. N’ayant pas lu « Les petites gens » mais possédant l’album, je l’ai sorti de la pile.

Ce qui saute immédiatement aux yeux, ce sont ces couleurs franches, lumineuses, chatoyantes. Thomas Campi nous prend la main. On se fait très vite une place parmi les habitants de cet album, des habitants qui logent tous dans la même rue. Et on se met à partager simplement leur quotidien, leurs doutes, leurs hésitations… La vie de ces petites gens est simple, banale, modeste. En cela, nous ne sommes pas bousculés. Pas de nouveaux repères à acquérir… juste la nécessité de bien délimiter leurs mondes respectifs, comprendre leurs histoires personnelles. Les choses viennent naturellement. La solitude est leur fardeau. Ils soliloquent et c’est dans ces instants où ils livrent le plus de parts d’eux-mêmes.

Ils sont touchants.

Ils sont reclus dans leur routine. Ils se sont ratatinés sur eux-même pour moins souffrir. Ils attendent un signe, lequel ?, qui leur donnera le top départ pour donner un nouvel élan à leurs vies. Et puis Vincent Zabus fait souffler un vent fort mais printanier sur ces petites vies et la métamorphose commence. Et nous, nous partons guillerets et confiants à l’assaut de ces pages qui nous surprennent de petits riens saugrenus et délicieux.

J’avais besoin d’un peu de chaleur et de petits riens dans lesquels m’enfoncer tranquillement. Voilà un album qui a su répondre à ces envies. Doux et beau.

Les chroniques de Moka, Jérôme, Yvan, Nathalie, LaSardine et Caro.

Une lecture-doudou pour ce premier mercredi de l’année… Le rendez-vous des bulleurs est aujourd’hui posé chez Moka !

Les petites Gens

One shot
Editeur : Le Lombard
Dessinateur : Thomas CAMPI
Scénariste : Vincent ZABUS
Dépôt légal : octobre 2012
70 pages, 14.99 euros, ISBN : 978-2-8036-3102-5

Bulles bulles bulles…

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Les petites gens – Zabus – Campi © Le Lombard – 2012

Macaroni ! (Zabus & Campi)

Zabus – Campi © Dupuis – 2016

Sur la couverture, un vieil homme, sa bouteille d’oxygène à portée de main et son fantôme qui le hante. Le petit-fils dans l’encadrement de la porte à l’air perdu dans ses pensées. C’est Roméo. Il a 11 ans. Et Ottavio est son grand-père. Quant au titre, « Macaroni ! », c’est un quolibet dont on affublait les immigrés italiens, du temps où leur installation était encore récente et qu’ils n’étaient pas encore intégrés à la population.
L’histoire se passe en Belgique, dans les cités ouvrières proches des exploitations minières. Payés au lance-pierre, vivant dans la misère, ils gardaient toujours un bout du soleil d’Italie dans leur cœur. Paysage urbain d’une cité ouvrière parmi tant d’autres, des maisons qui s’enfilent en chapelet dans des rues rectilignes, toutes identiques les unes aux autres à quelques détails près. Des façades rouges tomate, rouge sang… rouge brique.

Roméo doit passer une semaine chez son grand-père paternel. Il ne le connaît pas ou très peu, la visite annuelle n’a jamais suffi à ce qu’il se sente proche de son aïeul. Roméo ne comprend pas pourquoi son père tient absolument à le confier à son grand-père le temps de… de quoi !? « C’est un peu le bordel en ce moment » à la maison.

L’accueil est plutôt froid. Le vieux est bourru, très attachés à ses rituels. Roméo se sent triste.

Je ne vais jamais tenir…

Le premier jour, le réveil est un peu rude et… matinal. La journée de Roméo commence au jardin. A 7 heures, il devra nettoyer l’auge de Mussolini. 3pour un gros porc, j’ai pas trouvé meilleur nom » lui dit Ottavio. Puis, il faut s’occuper du jardin, arracher les mauvaises herbes en prenant soin de ne pas abîmer les plants qui poussent dans le potager. Mais Roméo se rebiffe. « Hé ho, ça va aller ?! Je suis en vacances, moi ! ». Les deux générations cohabitent mal, leurs rythmes respectifs ne s’entendent pas, ils ne savent pas encore s’entendre même s’ils s’acceptent… de fait… ils sont de la même famille. A la première anicroche, le vieux doit se poser car l’air vient à lui manquer. Posé là sur la terrasse, il fixe son masque à oxygène sur son visage et s’assoupit. « C’est à cause de la silicose, la maladie des mineurs. (…) C’est parce qu’il a respiré trop de poussière dans les mines de charbon. Il a les poumons tout noirs » explique la voisine à Roméo. C’est Lucie. Elle a le même âge que Roméo et lui apprend au passage qu’Ottavio était mineur. Roméo découvre avec stupeur qu’il ne sait rien de son grand-père.
La semaine s’égrène lentement. Les jours se suivent, se ressemblent. Lentement, timidement, l’enfant et l’adulte s’apprivoise. Ottavio, que Roméo ne nommait pas, devient « nonno ».

Nonno. Le scénario de Vincent Zabus en fait un homme mystérieux. Fort. Ce genre d’homme face auquel on s’efface instinctivement. Il y a quelque chose en lui qui force le respect. Et puis Roméo va oser. Oser lui tenir tête. Oser lui poser des questions, un mélange entre la curiosité enfantine et l’envie de mieux connaître son grand-père. Et le « vieux chiant » se raconte et accepte que la distance se réduise entre son petit-fils et lui. La complicité naît et le scénariste prend le temps d’observer les interactions qui se noue, il ne brusque rien. Les rapports farouches aux tonalités électriques vont laisser la place à l’affection. L’incompréhension mutuelle perd chaque jour du terrain.

Roméo ne voit pas les fantômes qui hantent son grand-père. Parmi eux, il y a Giulia, sa grand-mère qu’il n’a pas connue. Il y a des trains, des mineurs et des soldats. C’est l’histoire de toute une vie. Une vie imposée par des forces contre lesquelles on ne peut lutter.

Moi, je me suis toujours laissé faire. Et j’ai tout laissé filer. (…) à 18 ans, on m’a envoyé à la guerre. Benito Mussolini, il m’a dit de tirer. Je savais pas sur qui mais j’ai dit oui. Puis on m’a dit « Va en Belgique ! » J’ai dit oui ! « Descends à la mine » Oui ! « Crève de misère » Oui ! Oui, oui, oui !

Une éternité que je suis la page Facebook de Thomas Campi. Une éternité que je savoure avec les illustrations qu’il partage. Une éternité que j’ai envie de plonger dans cet univers graphique qui me régale les pupilles. Voilà chose faite. Merveilles ces illustrations qui décrivent si bien toute la fragilité d’un homme, toutes les subtilités de son quotidien, tous les tiraillements qui le taraudent. Les jours succèdent aux nuits, les nuits aux jours. Les couleurs s’agitent, se pose, se parent et changent leur apparat, respectueuses de la luminosité. Le dessin s’installe, prend le temps de raconter cette rencontre entre deux générations, prennent le temps de caresser cette complicité naissante, prennent le temps de soigner la narration qui nous dit les affres de la guerre, celles de la mine et celle des petites gens qui vivent modestement. Les illustrations nous prennent par la main pour nous déposer, délicatement, à l’endroit adéquat, là où l’on peut observer ce qui se dit avec les mots et ce qui se dit avec les mains de ce vieil italien. Des teintes douces qui accompagnent parfaitement les heures de la journées, vives à midi, discrètes dans la chaleur agréable du début de soirée. Des couleurs qui, tout en portant chaque émotion, parviennent à atténuer l’aigreur du vieillard, de faire en sorte qu’elle ne nous envahisse pas, ne nous heurte pas de plein fouet.

Ma vie. Elle a filé comme du sable entre mes mains

De la nostalgie, des regrets et de la mélancolie flottent. Sensations diffuses, sentiments évanescents.
Rencontre, famille, complicité, affection.
On écoute. On apprend. On entend.
Coup de cœur !

Vite, un autre album de Thomas Campi !! « Les petites gens » il me faut trouver !

La chronique de Coco, Moka, Caro, Yvan et Fanny.

J’ai choisi un coup de cœur pour participer à la « BD de la semaine » . Je suis persuadée qu’il y a d’autres pépites qui vous attendent aujourd’hui pour cela, on se retrouve chez Stephie.

Macaroni !

One shot
Editeur : Dupuis
Collection : Grand public
Dessinateur : Thomas CAMPI
Scénariste : Vincent ZABUS
Dépôt légal : avril 2016
144 pages, 24 euros, ISBN : 978-2-8001-6360-4

Bulles bulles bulles…

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Macaroni ! – Zabus – Campi © Dupuis – 2016