Orange (Benjamin)

Orange
Benjamin © Xiao Pan – 2006

« C’est moi, Orange. Je suis une enfant super-vaniteuse, super-déséquilibrée, super-attachante, super-déprimée et super-sensible ».

Elle est lycéenne et fatiguée de vivre. Le jour de son suicide, elle rencontre Dashu, jeune homme au comportement quelque peu déstabilisant…

Le malaise d’une partie de la jeunesse chinoise est au cœur de cet ouvrage… A vrai dire, je trouve qu’il fait assez écho à celui de la jeunesse occidentale : des ados en mal de vivre, ils recherchent affection et reconnaissance, leur horizon professionnel est incertain… On ne coupera pas à l’inévitable «personne ne m’aime» dit plus poétiquement : « Je vis dans une souffrance terrible. Une souffrance ineffable (…) je suis entourée d’égoïstes, personne ne fait attention à moi, personne ne s’intéresse à moi ». Le rythme de récit est fluide, agréable mais rempli d’une mélancolie incroyable.

Les teintes de bleus, en majorité, seront complétées par un panel de couleurs plus large que dans Remember. Résultat : un univers plus vivant, moins haineux mais étouffé par un pessimiste latent. Tantôt paisibles, tantôt tumultueuses, les ambiances graphiques se chahutent ici. Le dessin est léché, maîtrisé. Les formes et les traits des personnages, tour à tour précis ou suggérés, laissent une grande liberté dans l’interprétation que le lecteur peut faire (degré de souffrance, force du cri poussé par le personnage, puissance du coup porté…). Aucune imprécision pourtant, le trait est juste.

La postface de Benjamin : coutumier du fait (?), il examine à la loupe son état d’esprit d’homme/auteur. Un artiste très critique sur ses productions et visiblement soucieux de donner des clés de compréhension au lecteur : contexte financier, situation affective… dans lesquels il était au moment de l’écriture de ses fictions. Une approche très intéressante, celle de Remember l’était déjà tout autant.

pictobofJe préfère de loin Orange à Remember. Ensuite, nous y retrouvons la même mélancolie et les questions existentielles de jeunes qui font le grand écart : un pied dans l’adolescence qui touche à sa fin et un pied dans la vie active qui va débuter. Les lamentations d’Orange sont omniprésentes. Cette jeune fille n’est pas disposée à être constructive et les pensées suicidaires qu’elle nourrit alimentent en permanence cette position de victime qu’elle défend farouchement. C’est typiquement le discours qui peut accrocher les jeunes fragiles… ouvrage à mettre dans des mains sûres tout de même car la manière dont la question du suicide est ici abordée peut être interprétée par certain comme une invitation.

Dans Orange et Remember, je suis impressionnée par la qualité du dessin, mais je n’adhère pas aux récits. Une certaine difficulté à doser cette ambivalence entre engouement et désaccord. Je suivrais pourtant cet auteur avec attention mais attendrais qu’il ait finit de régler ses comptes avec le post-ado qu’il a été avant de reprendre la lecture de ses albums.

Autre album de Benjamin sur ce blog : Remember.

Extraits :

« On pourrait briser notre coquille et dire en rigolant que ça va, que ce n’est qu’un jeu, qu’on n’a jamais été vivant » (Orange).

« Il m’arrive parfois de ,sortir la nuit avec toutes sortes de gens bizarres : des camarades d’école, les nouveaux mecs de mes copines, des inconnus friqués… en fait, je n’aime ni les gens louches, ni les endroits qui craignent. Mais à part transgresser les règles, qu’est-ce qui peut me prouver que je suis bien vivante » (Orange).

Orange

One Shot

Éditeur : Xiao Pan

Dessinateur / Scénariste : BENJAMIN

Dépôt légal : novembre 2006

ISBN : 2-940380-27-9

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Orange – Benjamin © Xia Pan – 2006

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

11 réflexions sur « Orange (Benjamin) »

  1. J’aime beaucoup les dessins et les couleurs des images que tu as mises à la fin! Benjamin est un pseudonyme! L’auteur vit-il en Chine? Est-il représentatif des BD chinoises?(j’ai oublié leur vrai nom!)

    J’aime

  2. J’aime beaucoup le dessin, par contre ce genre de sujet, c’est un peu moins ma tasse de thé, mais je pense que si j’ai l’occasion de feuilleter Orange, je ne me gênerai pas ^^

    J’aime

  3. Moi, ça me parle, les couleurs de la couv’ m’accrochent. Peut être est-ce le sujet qui me parle, ayant tendance à chercher des éléments de compréhension sur les sujets qui me préoccupent plus dans la littérature et l’art en général que dans des bouquins de pro…Tu m’connais! (Taux de suicide d’ados en NC, milieux rural et urbain confondus double par rapport à la métropole, île des pins « l’ile la plus proche du paradis », quadruple…)

    J’aime

  4. Benjamin… je vais être dur, mais pour moi c’est un illustrateur. Ses récits ne sont pas construits, et ils sont déprimants. Quand on lit une BD, on a pas envie de déprimer, au contraire, on cherche à passer un bon moment. Si vous voulez rêver devant les dessins, les couleurs, tout ce travail est vraiment original et, selon moi, de toute beauté. Mais l’histoire…

    J’aime

  5. Benjamin est un illustrateur, qui me paraît arriver à un premier résultat de construction de scénario dans Orange (les grandes lignes me paraissent tenir la route). j’ai lu qqpart que ses prochains albums adopteraient un autre style graphique. voici un lien vers son blog http://blog.sina.com.cn/benjamin ; [au passage je suis pas mal impressionné par ses dédicaces aux feutres fluos!!!][blog en chinois] quant à l’interprétation du « message d’orange » j’y avais plutôt vue à l’époque une dénonciation de l’inutilité du suicide, mais j’avoue en y repensant a posteriori que le message était ambigü. Je pense que pour mieux comprendre la manière dont les histoires sont construites et leurs thèmes il faudrait avoir plus de connaissances « sociologiques » sur la bd en chine, sa perception, le lectorat (féminin ?), la structure de production. Je ne dis pas ca pour défendre un mode de construction scénaristique très discutable par rapport aux normes d’analyse de la bd occidental, mais pour garder à l’esprit qu’essayer de comprendre les différences culturelles permet d’aller au delà des premiers constats de lecture qu’on fait. malheureusement je ne peux pas vous éclairer plus !! 🙂 (donc ma remarque était inutile!) en tout cas rétrospectivement je suis bien d’accord avec tes analyse morue!

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.