La Maison où rêvent les arbres (Comès)

Comès © Casterman – 1995
Comès © Casterman – 1995

Suite au décès de ses parents, Cybèle part vivre chez sa grand-mère alors qu’elle ne la connaît pas. Cette dernière, une vieille dame solitaire et mystique, vit dans une forêt reculée. Elle habite la « maison où rêvent les arbres », une demeure construite par la nature et mise à sa disposition.

C’est là que Cybèle va désormais grandir, loin de toute civilisation. Outre ce nouveau cadre de vie déstabilisant pour une citadine, la jeune adolescente découvre les règles de vie de l’étrange bâtisse et doit s’habituer à la présence de cette mystérieuse inconnue qui fait pourtant partie de sa famille. Une situation des plus déstabilisantes pour Cybèle.

« – Mammy… Tu ne voudrais pas regarder sous le lit ?
– Pourquoi voudrais-tu que je regarde sous le lit ? Aurais-tu peur ?
– Pour vérifier s’il n’y a pas un monstre caché dessous !… Papa le faisait toujours… afin de me rassurer !
– Un monstre caché sous le lit ! Mais il y en a un ma chérie !… Il y en a toujours un ! »

Album déstabilisant au demeurant. Me concernant en tout cas. J’ai ressenti une difficulté à me situer face à ce jeune personnage (Cybèle) encore immature. Le monde imaginaire est encore très présent dans sa manière d’aborder les choses et le fait qu’elle déambule encore avec sa poupée de chiffon en est significatif. Sa sensibilité enfantine ne l’empêche pas de percevoir les choses très finement et de les questionner de façon pertinente. La plupart de ses déductions et interrogations font mouches, mais cela m’a donné l’impression qu’elle quittait l’enfance pour entrer directement dans l’âge adulte… il manque une transition dans le cheminement et l’évolution de ce personnage. On pourrait se demander si elle ne joue pas un double jeu ; elle est à la fois naïve et précautionneuse. Qui plus est, elle se montre diplomate dans les échanges avec son aïeule. Cela crée de l’ambiguïté mais on devine déjà l’adulte que pourrait devenir Cybèle : une femme intègre, perspicace et lucide.

Le double visage de Cybèle contribue largement à l’atmosphère de cet album.

Didier Comès (Silence, Eva…) a cette capacité de développer des univers en huis-clos dans lesquels l’ambiance semble ne tenir qu’à un fil. Ici, elle se construit dès le préambule dans une scène où l’on observe un couple en train de naviguer (en pirogue) non loin de la foret où vit Cybèle. Les événements étranges qui se succèdent vont insidieusement attirer notre attention et rendre l’atmosphère oppressante. Les jeux de contrastes entre le noir et le blanc renforcent cette impression et aiguisent nos sens.

Comès suggère l’inquiétude au compte-goutte sans user d’artifices superflus. Case après case, méticuleusement, il travaille son univers, s’aide des contrastes provoqués par la rencontre du noir et du blanc et change l’angle de vue que l’on peut avoir de la scène comme le ferait une caméra. D’instinct, le lecteur est aux aguets sans réellement savoir où Comès souhaite l’emmener… si ce n’est vers des ressentis : inquiétude, peur, besoin de repères concrets pour retrouver de la réassurance dans ce monde étranger mais pourtant si réel. Didier Comès nous amène à regarder différemment des paysages que l’on pourrait croiser tous les jours. Il parvient à nous sensibiliser à l’existence de « quelque chose » qui se situe dans un registre surnaturel.

Dans ses albums, le temps est comme suspendu, il s’efface derrière la scène qui se déroule sous nos yeux. Le lecteur choisit la vitesse de lecture qui lui convient, laissant ainsi une grande place à l’observation des illustrations. On prend la mesure de la force évocatrice des dessins de Comès. Une fois encore, je me rends compte que l’on fait abstraction de tout ce qui nous entoure quand on est plongé dans un de ses ouvrage. Seul le contenu de ce dernier existe à nos yeux, il nous plonge dans une réalité artificielle que l’on ressent physiquement : un grincement qui fait crisper les dents, un brouillard épais qui fait frissonner, la vision d’une ombre qui nous met en tension… Comès a cette facilité de retranscrire les émotions et les sensations qui est assez déconcertante.

Pourtant, malgré tout le plaisir que j’ai eu à contempler les planches de cet album, je ne suis pas parvenue – cette fois – à adhérer à certains contrastes présents ici : 1/ Deux femmes que tout oppose (l’âge, le fossé créé par la différence de génération…), 2/ L’écart marqué entre leurs attitudes respectives (la spontanéité de l’enfant et l’austérité de la vieille dame par exemple), 3/ la personnalité floue de Cybèle : Cybèle au visage si lisse, une enfant au sourire si absent, une gamine aux propos si naïfs mais qui s’exprime de façon élaborée.

Enfin, le thème développé par le scénario me semble convenu. Il est question, pour faire simple, de respect de l’environnement. Il est également question d’une recherche d’harmonie entre l’homme et la nature… Le discours est sommaire (pour ne pas dire simpliste) et un peu ronflant ; ce qui le met en valeur, c’est la présence d’éléments fantastiques, d’événements irréels… le surnaturel donne du corps et de la consistance aux dialogues et à l’intrigue mais cela ne m’a pas suffit pour apprécier pleinement cette histoire.

PictomouiQuelques clins d’œil à certains de ses contemporains (Bill Watterson, Fred) ne manquent pas de nous faire sourire.

Aucune accroche avec cette histoire qui manque de crédibilité. Je la trouve également très datée, « vieillotte » et souffrant d’un de profondeur (dans le message… même si Comès ne souhaitait porter aucun message, préférant se contenter du rôle de passeur : passeur d’émotions, « un passeur de rêve » disait-il).

Cependant, si vous avez une heure devant vous, prenez le temps de tourner lentement les pages de cet album. Je suis certaine que vous y serez sensibles.

« La juxtaposition des images, leur rythme presque musical, la composition de la page (diagonales, variation des tailles de plans, etc) tout concourt à un mélange savant où lisibilité et émotion sont aussi instantanées que percutantes » (Thierry Bellefroid – mai 2012).

LABEL Lecture AccompagnéeUne lecture faite en compagnie de Marilyne.

Ensemble, nous avons souhaité nous arrêter sur Didier Comès et partager nos expériences de lecture. Marilyne a retenu L’arbre cœur (publié en 1988 chez Casterman) et je vous invite à prendre connaissance de sa chronique.

Extraits :

« L’Homme a oublié d’être humble ! Il croit que tout lui appartient ! » (La maison où rêvent les arbres).

« Les planchers, les toits, les charpentes, les maisons, les ponts s’écrouleront… On ne pourra plus faire confiance au moindre objet fabriqué avec du bois !… Mais le pire sera la Mémoire du bois : Le papier se détruira, même les livres rejetteront leur contenu… textes, images… l’encre s’écoulera, laissant des pages vierges… Lorsque l’arbre se séparera de l’être humain, comme il se sépare de ses feuilles mortes, alors ce sera la fin de notre civilisation ! » (La maison où rêvent les arbres).

La maison où rêvent les arbres

One shot

Editeur : Casterman

Collection : Univers d’auteurs

Dessinateur / Scénariste : Didier COMES

Dépôt légal : octobre 1995

ISBN : 2-203-33462-2

Bulles bulles bulles…

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La maison où rêvent les arbres – Comès © Casterman – 1995

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

10 réflexions sur « La Maison où rêvent les arbres (Comès) »

    1. Je suis bien d’accord. Et c’est encore plus vrai pour les titres que l’on a présenté avec Marilyne car ils profitent tout de même d’une maitrise du noir et blanc que l’auteur n’avait pas à l’époque de « Silence ».

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    1. Ça ne m’étonne pas. Il est moins « fort » que les autres que j’ai pu lire je trouve. Et puis vu la légère déception, je ne suis pas certaine qu’il me reste beaucoup de souvenirs de cette lecture…

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