Un incendie ravage un immeuble : voilà le prétexte utilisé par l’auteur pour impulser le récit et nous emmener dans les dédales du passé, du présent, voire des perspectives d’avenir d’Asterios Polyp. Lorsque nous découvrons cet homme, il végète dans une profonde léthargie destructrice. Dans son appartement, les mégots s’empilent dans le cendrier, les lettres de contentieux s’amassent sur une table… un lieu qui semble refléter à merveille l’état d’esprit de son locataire. L’instinct de survie ou la raison, qui sait !!, mais Asterios prend soudain conscience des flammes et du danger. Il empoche trois souvenirs et dévale quatre à quatre les marches de la cage d’escalier. Une fois dehors, il reprend son flegme où il l’avait laissé et poursuit sa fuite en avant. Bandit ? Alcoolique ? On se fait rapidement une idée sur ce que doit être ce type qui part à la dérive.
A la Gare, il paye un billet pour une destination qu’il ne connait pas et frappe à la première porte qui se présente pour trouver du travail. Il se fait embaucher en tant que mécanicien et loue une chambre dans la maison de son employeur. Asterios n’attendait rien de cet homme si ce n’est un salaire, mais cette rencontre lui permet d’entamer une remise en question importante. Avec beaucoup de talent et d’intelligence, David Mazzucchelli nous démontre que les apparences sont souvent trompeuses et nous aide à comprendre pourquoi cet homme ne souhaite pas se battre.
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Paru en 2009 aux États-Unis, cet album a débarqué discrètement en France plus d’un an plus tard. Une arrivée peu remarquée par le public jusqu’au Festival d’Angoulême qui lui a attribué le Prix Spécial du Jury (Angoulême) en janvier dernier… une reconnaissance que je trouve amplement méritée.
J’ai craqué pour la richesse de cet album original en tous points. Le récit est à la fois pertinent, drôle, sarcastique et touchant. Il donne vie à un personnage intelligent et complexe, qui se pensait à l’abri derrière une épaisse carapace (suffisamment distant pour qu’on le laisse se lover dans sa solitude). L’auteur utilise plusieurs styles de narration et nous oblige à faire des va-et-vient dans l’histoire d’Asterios. Il y a un phénomène étrange dans cet album, un effet récurrent d’attraction /répulsion pour le personnage. Tour à tour, on le comprend puis on le rejette… cela nous oblige également à être partie prenante durant la lecture.
Mazzucchelli crée autour d’Asterios un univers intemporel où se côtoient son passé, son présent, ses rêves et son esprit d’analyse. Cet ensemble sert magnifiquement une riche remise en question, ce qui oblige le scénario à faire le grand écart en permanence entre un sentiment et son contraire. On navigue entre deux registres : l’irrationnel d’un coté (amour, deuil, émotions, filiation…), le rationnel et la Science de l’autre (travail, mathématique, architecture, Arts, raison…). On baigne en pleine métaphysique ! Mais tout est ici tellement imbriqué qu’il est difficile de se sentir balloté pendant la lecture. L’univers d’Asterios Polyp est cohérent, réaliste et palpable. Mazzucchelli a créé un album d’une rare qualité, un monde d’une grande richesse dans lequel il nous guide à l’aide de multiples atmosphères visuelles. De chaque personnage émane une atmosphère : chacun a sa bichromie, son style de dessin, son phrasé, sa police de caractère mais également sa forme de phylactères. Cela nous aide à les entendre parler, on repère leurs accents ou les trémolos dans la voix… bref, cela apporte du relief à ces personnalités que l’on va suivre 300 planches durant. Quelle richesse au niveau du graphisme d’autant que Mazzucchelli n’hésite pas à faire coexister les différents univers, ce qui ne rate pas de nous surprendre… comme ici par exemple…
… avec le passé d’Asterios dans une bichromie blanc-bleu : des visuels dépourvus de détails, un trait chirurgical où évolue le personnage principal est représenté comme s’il se dessinait lui-même (je précise qu’Asterios est architecte. En parallèle, l’univers de son ex-compagne est en bichromie blanc – rose, le dessin est rond, il y a du relief, on ressent ses émotions.
Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux
Je me suis sentie bien dans cet album, disposant d’une bande-son inattendue et piochant tour à tour dans mes propres références (Pierre Dac, Woody Allen ou Pierre Desproges) pour marquer une note d’ironie ou la saveur d’une émotion.
La lecture est vivante, cet album est une belle réussite. Je vous le recommande chaudement !
Prix Spécial du Jury à Angoulême en 2011 et Grand Prix de la Critique de l’ACBD en 2010.
Liens : la chronique de du9, buzz littéraire.
Extraits :
« Si les hommes baisent en silence, c’est qu’enfants déjà ils se masturbaient en cachette. Ils ont donc pris l’habitude d’être discrets » (Asterios Polyp).
« – Alors, le bilan de ce premier semestre ?
– Eh bien, j’ai deux types d’étudiants : ceux qui ne savent pas dessiner et ceux qui ne savent pas réfléchir. Et leur capital de confiance semble inversement proportionnel à leur talent » (Asterios Polyp).
« Vous comprenez, les hommes sont tellement étrangers à ce qui se passe autour d’eux qu’il leur faut inventer des mots. Ce n’est pas si sorcier de comprendre les autres. Vous savez, il suffit d’oublier ce qu’ils dosent et de regarder ce qu’ils font » (Asterios Polyp).
Asterios Polyp
Éditeur : Casterman
Collection : Univers d’Auteurs
Dessinateur / Scénariste : David MAZZUCCHELLI
Dépôt légal : octobre 2010
ISBN : 9782203029774
Bulles bulles bulles…
Que d’enthousiasme autour de cet album ! Un futur incontournable à posséder dans toutes les bonnes bédéthèques.
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ah !! ^^ A vrai dire, je ne suis pas très satisfaite de mon billet. Je voulais parler de tant de choses… cet album a tant de qualités !! Je me suis perdue dans la rédaction de mon avis pendant deux semaines ! Bon, je suis contente de voir que j’arrive malgré tout à donner envie de le lire et oui, un incontournable à posséder je pense. Je viens de l’offrir à ma petite mère… j’attends son avis avec impatience ^^
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Le graphisme me plaît déjà beaucoup et tu es très positive suite à ta lecture, alors bon… ben je note ! (et encore merci pour ma BD d’aujourd’hui…)
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ouiiiii !! à lire, je suis sure que tu aimeras. Pour tout dire, le fautif qui m’a donné envie est Champi : http://lataniereduchampi.over-blog.com/article-asterios-polyp-59728699.html
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Malgré ton superbe billet, il me fait un peu peur, cet album ! Cela m’a l’air d’être une lecture assez ardue … enfin pour moi ! Mais je note en espérant le trouver à la biblio.
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alors non ! ^^ Ce n’est pas ardu du tout, c’est juste moi qui ne suis pas parvenue à dompter ce billet comme je l’aurais voulu ^^ C’est d’une fluidité limpide. J’avais une grosse appréhension avant de partir dans la lecture. Grosse appréhension ?? Juste, je n’aime absolument pas cette couverture un peu froide, un peu austère. Voilà, mais je ne regrette vraiment pas mon voyage. 300 pages : aussitot lancée dans la lecture, album dévoré d’une traite. C’est tout simplement G-E-N-I-A-L !!! A lire, je te jure, c’est remboursé par la Sécu ! ^^
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Ah ben je suis bien content de voir que ça t’a plu, c’est dommage qu’il ait fallu attendre le festival d’Angoulême pour qu’il soit remarqué cet album car il est vraiment génial ^^ (je l’avais lu et chroniqué peu de temps après sa sortie)
Un univers très riche et vraiment super prenant, en plus ça raconte une chouette histoire, que demande le peuple franchement ? xD
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ah bah oui, je me rappelle de ton billet (maintenant que tu le dis ptdr), parce que c’est le premier billet que j’ai eu l’occasion de lire sur Astérios Polyp (une de tes toutes premières participation à Pal Sèches en plus ! ^^). Pour tout dire, j’étais super sceptique à cause de la couverture (comme je l’ai expliqué à Joelle). Et puis j’avais feuilleté plusieurs fois en librairie et je n’étais pas tellement sure d’apprécier. Mais wow !! Franchement, une perle. Après, j’ai lu un autre avis hier soir (celui de Jean-François sur le blog du Génépi et de l’Argousier) et je n’en ai absolument pas eu la même lecture que lui. Pour moi, la fin est plutot pessimiste mais je ferais une relecture à l’occasion et j’imagine que je découvrirais des détails que je n’ai pas vu. Hum ^^
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C’est vrai que mon billet date un peu et comme toi j’en étais pas satisfait du tout, parce que c’est vraiment dur d’en parler et de dire tout ce qu’on veut en dire. J’avais attaqué la lecture en sachant pas du tout de quoi ça parlait (hormis le fait que mon libraire BD disait que c’était à lire absolument lol) et bien qu’un peu dérouté au début; on se fait vite happer par l’histoire et honnêtement j’ai pas vu les 300 pages passer.
Mais en tout cas j’ai compris en voyant l’album pourquoi mon libraire disait que c’était une BD à mettre entre les mains des gens si on veut que les usagers l’empruntent.
Moi j’avais adoré la fin, je trouvais ça beau et chouette (enfin ça c’est dans mes souvenirs lol)
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Oui, c’est une BD à offrir ou à tendre à quelqu’un. Franchement me concernant, j’ai vraiment buté sur la couverture et je suis partie avec un gros apriori dans la lecture. Bêtement en plus, parce que le voyage est vraiment excellent !!!!!!
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Vu tout le bien que tu en dis, je le note évidemment!
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oui, il faut le noter. C’est le genre de récit que tu aimes. J’avais d’ailleurs ton article de Fun home en tête pendant la rédaction de ce billet et je me disais que cet album là avait des chances de te convaincre… et de te plaire. Il faut que tu le lises Mango ! ^^
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Moi aussi, il me fait peur! On dirait que l’auteur a pris une substance illégale pour l’écrire!
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Meuh nan ! Impossible !! Il faut être en pleine possession de ses moyens pour écrire avec autant de facilité un écrit aussi complexe. Mais purée… qu’est-ce que c’est bien fait ! ^^
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C’est le meilleur comics que j’ai lu l’an dernier. Asterios Polyp est une œuvre intimiste, d’une richesse incroyable et d’une virtuosité narrative hallucinante ! C’est juste un peu dommage que l’album soit si fragile …
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Clairement le genre d’album que j’apprécie et qui casse les représentations sur l’idée que comics = super héros.
Je commence à avoir un bon aperçu des albums récompensés à Angoulême cette année et je peux dire que pour une fois, je m’y retrouve ^^
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Tres loin de l’univers de Christin! nota: dans tes extraits je peux t’affirmar que tous ne sont pas justes
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Très loin de Christin oui ^^ Mais à découvrir absolument et d’une richesse incroyable
Par contre, ce sont des extraits de texte directement sortis de l’album. Qu’est ce qui n’est pas juste dans ces textes ?
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Eh ben, qu’est ce que tu es emballée !! A première vue, je pense que ça pourrait me plaire, je note, je surligne ! 😉
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Rhôôô oui, emballée est un doux euphémisme ^^ Note note ! ^^
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Je le note ; merci !
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Avec plaisir ^^ J’espère que la lecture te plaira !
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Moi qui suis pourtant très classique dans mes goûts BD, j’avais envie de découvrir celle-ci après son prix à Angoulême, tu confirmes !
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Toi ? Classique ? Avec tes dernières chroniques je ne trouve pas justement. Rien que le Gaza qui n’est pas évident… enfin, je trouve tes choix de lecture vraiment intéressants. Essayes celui-ci, j’espère qu’il te plaira.
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J’avoue que j’étais très curieux de connaître le propos de cet album. Tout le monde en dit énormément de bien, sans rien dire du contenu, de l’anecdote. Grâce à toi, j’ai une idée plus juste de ce dont il s’agit… et ça a l’air vraiment bien. Visuellement, j’adore les extraits que tu nous en montres!! Et rassure-toi : il est très clair, ton billet!! Arrête de t’en défendre ! Moi, il m’a donné le goût de m’y risquer!
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Mon billet est peut être clair mais il est incomplet comparé à la richesse de l’album. Il y a tant de choses à en dire… mais si je suis déjà parvenue à donner l’envie de lire Astérios Polyp, alors c’est une bonne chose. Quant aux visuels, le choix a été très difficile à faire. Un album à découvrir, vraiment !
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IL est noté depuis un bout de temps, jamais libre à la bib…
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Ça ne m’étonne pas qu’il soit sorti en permanence. Il faut le réserver ^^
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Juste un mot (ou presque) : coup de génie.
Tout simplement
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« coup de génie » oui ! et tout est dit. J’aurais pu me contenter de ces mots dans mon billet ! ^^
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On dirait une BD complètement OVNIesque, mais devant tant d’enthousiasme, je n’aurais pas peur d’ouvrir l’album même si la couverture fait mal aux yeux !! 🙂
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Oh, je pense qu’Astérios Polyp te plaira. Un album absolument innovant (même appréhension que toi due à cette couverture peu attrayante)
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Bon, ben maintenant je vais atttaquer les 15 billets en retard de chez toi ^^
J’ai beaucoup aimé ton article. Une collègue me l’avait conseillé, bien avant angoulême mais je n’ai pas encore pris le temps de m’y plonger… en plus, maintenant ça devient compliqué de lire une telle somme en lecture pirate caché dans les rayons !
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Il devrait te plaire celui-là. Après, reste la F… kof kof kof… hum hum ^^
Tu devrais aimer cet album. Vraiment original. Bon, je l’ai chez moi si besoin… mais l’est un peu épais le bougre ^^
J’ai vu que tu m’avais laissé plein de comm’… je reviens dans la journée pour lire tout ça !
A tantôt Dame Choco ^^
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C’est gentil mais il est bien trop lourd pour voyager celui-ci ! Il va falloir que je trouve un vrai métier en fait…. mouahahahahha !
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Hé bien voilà, sans trop chercher, une BD lue!!!
Tu en parles tellement bien.
Mais j’avoue n’avoir pas compris cette histoire de jumeau, ou alors j’ai lu trop vite? (mon défaut)
Tu vois, ma bibli est vraiment géniale dans ses achatrs BD!
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Coucou Keisha !
Il y a beaucoup à dire sur cet album !
Pour la question du jumeau, je comprends que tu sois perplexe. De mon côté, j’ai bien aimé cette imprécision. Je me suis posée la question de savoir si Asterios Polyp était mort et qu’il nous parlait de l’Au-delà, ou si c’était sa petite vois intérieure, ou s’il projetait son jumeau imaginaire… J’adore cette ambiguïté et je ne suis pas sure non plus que le choix que j’ai fait soit le bon ^^ Pas grave, je sais que je relirai cet album et que j’en aurais surement une lecture différente (car des choses m’ont surement échappé). Ça me plait ! ^^
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J’avais l’impression de comprendre, mais cette agression à la fin d’un jumeau sur l’autre, ça m’a laissée pantoise.
Une belle BD, des personnages fouillés, j’aime bien sa femme et l’évolution de leurs relations.
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J’aime beaucoup la femme qui l’héberge, son « originalité » m’a plu. Une Bd surprenante. Je suis longtemps restée réticente à la lire, la couverture me rebutait. Quelle claque au final ! ^^
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Je l’ai lu aujourd’hui et tu t’en doutes j’ai aimé, à la fois l’histoire mais surtout l’originalité du trait et de la construction. Maintenant faut que je cogite pour en faire un billet… N’est pas Mo qui veut! 😉
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😆 « n’est pas Mo’ qui veut »… certes ^^ Ton style d’écriture me plait énormément tu sais ??
Bon courage pour la rédaction de cette chronique en tout cas, car j’avais trouvé cet exercice d’écriture difficile ! 😉
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