Le Noël de Marguerite (Desjardins & Blanchet)

Desjardins – Blanchet © La Pastèque – 2013
Desjardins – Blanchet © La Pastèque – 2013

C’est l’hiver. La neige recouvre le paysage de son manteau neigeux. Les gens se sont retranchés chez eux pour se protéger du froid. Mais malgré l’apparente austérité de ces paysages désertiques, l’heure est à la fête et aux retrouvailles. Le réveillon de Noël approche. Les familles se retrouvent pour partager ce moment chaleureux.

De la fenêtre de son salon, Marguerite Godin regarde les rares allées-venues que font les voitures devant chez elle. Un parent qui arrive chez le voisin d’à-côté, des enfants qui font un bonhomme de neige. Marguerite est une vieille dame paisible. Bien au chaud chez elle, elle est heureuse de savoir qu’elle n’a pas à sortir. « Ce n’est pas qu’elle n’aime pas Noël. Non, non, au contraire (…). Mais les fêtes de famille l’épuisent ».

Graphisme années 50 de Pascal Blanchet. Silhouettes longilignes et incurvées, donnant un faux-air de légèreté à l’ensemble. Une ambiance dont on se saisit très vite.

Les thèmes associés de la vieillesse et de la solitude sont ici traités. A l’aide d’angles de vue atypiques, Pascal Blanchet transforme la perspective que l’on a des pièces, donnant ainsi l’impression que l’on se trouve dans une énorme bâtisse aux couloirs interminables et parfaitement entretenus… Marguerite y est minuscule. Six chaises autour d’une table de salle-à-manger qui ne servent qu’à décorer la pièce et trouvent leur utilité que dans de rares occasions. La vieille dame est parvenue à se satisfaire du bonheur de ses proches, au détriment de son propre bonheur… plaisir par procuration.

Les maux de la vieillesse que l’on tente de camoufler derrière des diagnostics. Aux mains tremblantes on répond Parkinson… mais Marguerite n’en est pas affectée, ce qui ne la rassure guère. Progressivement, on perçoit comment elle a perdu le gout de vivre, se détachant de ce qu’elle faisait avant pour ne pas faire face aux nouveaux handicaps de son corps vieillissant. Son entourage quotidien également s’est réduit comme une peau de chagrin ; l’âge se faisant, elle a perdu les uns après les autres des êtres qui lui étaient chers ; la difficulté d’être une des dernières de sa génération. Le temps passe, les aiguilles de l’horloge tournent, la rapprochant lentement de l’heure de sa propre mort. De ça, Marguerite ne peut s’empêcher d’y penser. La vie est cruelle. Chaque chose, chaque projet, ne font que la confronter à son statut de senior.

India Desjardins traite son sujet avec la douceur nécessaire. Sans être pathétique, elle fait état d’une situation de solitude qui fait le quotidien de la majeure partie des seniors désormais. Elle décrit Marguerite, belle octogénaire, qui est parvenue à pallier aux mieux à sa situation de dépendance et à trouver des palliatifs qui lui permettent de rester vivre chez elle, au milieu de ses souvenirs, de ses meubles… de ses rituels. Entre les passages réguliers du médecin, de l’aide à domicile, du livreur de repas, sa relative indépendance tient aussi à la présence de voisins bienveillants… une solidarité de voisinage devenue rare. Cet ouvrage n’est pas une bande-dessinée mais un livre illustré. Le récit discret de cette silencieuse fin de vie apparaît sur chaque planche avec parcimonie, venant compléter et donner encore plus de profondeur aux illustrations de Pascal Blanchet. La mélodie sur laquelle repose le scénario est emprunte de nostalgie, une légère mélancolie venant piquer ponctuellement le tableau qui nous est dépeint et quelques touches de petits bonheurs simples suffisent à donner à l’ensemble le rythme et la légèreté nécessaires, deux éléments narratifs qui sont ici vecteur de l’empathie que l’on ressent à l’égard du personnage.

PictoOKPictoOKTrès bel album qui nous prend dans une chaleur particulière et impose un rapport au temps auquel je ne suis pas habituée. Je vous conseille vivement cette lecture.

LABEL LectureCommuneLecture commune que je partage avec Marilyne.

Extraits :

« Swoush, swoush, swoush. » Le son de ses pantoufles qui traînent sur le plancher l’incommode. Mais elle doit porter des pantoufles antidérapantes, sinon elle pourrait glisser et se blesser, comme c’est arrivé à Rita Veilleux. Si elle tombait, elle serait peut-être incapable de se relever toute seule. Elle se demande pendant combien de jours elle resterait étendue sur le plancher avant que quelqu’un la trouve. Et qui la trouverait ? » (Le Noël de Marguerite).

« Alors qu’elle avait peur de la mort, c’est la vie qui a fini par l’effrayer » (Le Noël de Marguerite).

Le Noël de Marguerite

One shot
Editeur : La Pastèque
Dessinateur : Pascal BLANCHET
Scénariste : India DESJARDINS
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 978-2-923841-44-1

Bulles bulles bulles…

 

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Le Noël de Marguerite – Desjardins – Blanchet © Editions La Pastèque – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

17 réflexions sur « Le Noël de Marguerite (Desjardins & Blanchet) »

    1. Merci Jérôme. Il faut vraiment lire cet album. M’a mis une claque. Même que je l’ai relu tellement j’ai aimé. Je voudrais que la terre entière le lise pour la peine ! Superbe !

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  1. L’année dernière, il était dans toutes les vitrines des librairies au Québec ! Je m’étais promis de le lire et puis, j’ai oublié. Marguerite, avec un aussi beau nom, doit être géniale 🙂 J’espère mettre la main dessus cette année !

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    1. Marguerite est un nom ma-gni-fique… 🙂 Il faut vraiment que tu lises cet ouvrage d’autant que tu ne devrais pas rencontrer de difficulté pour te le procurer (pour une fois… venges-toi ! ^^)

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  2. Je le sens pour moi depuis le début cet album (je l’ai repéré en août mais sa sortie a été retardée).

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