
Louis est un petit garçon pas comme les autres. Déjà, parce qu’il vit dans une famille pas tout à fait comme les autres. Son père est alcoolique et l’alcool le fait pleurer pendant des heures. La mère de Louis aussi est triste, mais pas pour les mêmes raisons que son père. Maintenant, elle a peur… d’un peu tout… des microbes, de la saleté, des inconnus, des retards… Enfin, son petit frère, que tout le monde appelle Truffe, est un inconditionnel fan de James Brown et met parfois une cape pour aller à l’école. Avant, la famille de Louis vivait à la campagne. Mais ils ont dû déménager pour s’installer en ville. La vie d’avant leur manque.
Quand on s’assoit sur le balcon arrière, on a une vie (imprenable ! dit ma mère) sur les autos, les camions, les klaxons, les bouchons et le béton. Un jardin automobile au-dessus duquel notre famille est perchée comme une famille d’oiseaux empoussiérés. Elle dit que c’est presque aussi beau que le jardin d’avant, celui de la campagne
Quand Louis était petit, il aimait pêcher des bouteilles dans la rivière. Il les attrapait avec un filet. Aujourd’hui, il ne peut plus le faire, sa mère le lui interdit. Elle lui interdit ça et d’autres choses encore, comme de faire un détour en rentrant de l’école. Il s’inquiète pour son père, pour sa mère mais pas trop pour Truffe. Mais ce qui embête le plus Louis, c’est de ne pas pouvoir dire à Billie qu’il l’aime.
Billie, c’est elle. Une sirène à lunettes, une tempête de pluie, une fontaine à chocolat, une reine muette. (…) Quand elle parle, tout s’illumine. Tout explose en grappes de miel et de feu. Billie ne fait pas des menaces, elle fait des promesses
Heureusement, Louis a son meilleur ami. Il s’appelle Boris. A lui, il peut tout dire.
–
Entre les crayons de papier ou de couleur, aquarelle, feutres, encre de Chine, graphite… Isabelle Arsenault crée une ambiance unique où le temps semble suspendu et suspend le lecteur aux illustrations comme au récit. Les teintes douces, légèrement délavées, nous font ressentir la quiétude jusqu’à ce que jaillisse, comme par effraction, une couleur primaire. Vive, chaude, stimulante, qui nous permet de ressentir l’émoi du narrateur. Une émotion due à l’inquiétude, au sentiment amoureux, à la peur. Les couleurs peuvent alors être chassées des pages, remplacées par des traines de gris, de noirs, un tourbillon de traits où l’on saisit le trouble du personnage, son incapacité à agir, à dire. Puis, la vague de tristesse passe, la boule au ventre se résorbe, et la couleur revient, ravivant notre gourmandise, nourrissant notre curiosité et nous poussant à tourner la page, loin, toujours plus loin dans la connaissance de cet univers, à la merci des confidences de l’enfant.

On a l’impression que les mots effleurent les pages, s’y posent avec la douceur d’une plume. A l’instar de « Jane, le renard et moi », le charme opère et cet album, fruit d’une nouvelle collaboration entre Fanny Britt et Isabelle Arsenault, nous fait oublier tout ce qui nous entoure… tout ce qui est extérieur à l’histoire racontée dans ce livre. Il y a chez ces enfants une forme de solitude qui les pousse à se faire violence, qui les poussent à dépasser la difficulté, obstinés à ne pas laisser la situation en l’état. Tandis qu’Hélène se réfugiait dans son monde intérieur, Louis lui s’appuie sur son meilleur ami. Tandis qu’Hélène tentait d’apprivoiser un renard, Louis recueille un jeune raton laveur. Il y a comme un air de famille entre ces deux enfants. Il y a quelque chose qui donne l’impression au lecteur d’être ici chez lui, de côtoyer un environnement familier. Le scénario mêle deux univers. En ce qui concerne le premier, l’enfant peut tout à fait en délimiter les contours : l’école, l’amitié, la présence de sentiments amoureux. L’autre en revanche est plus incertain, il fait appel à un ressenti qu’il connaît peu et qu’il n’ose pas questionner : l’alcoolisme de son père, les angoisses de sa mère, le couple parental qui part à la dérive. Fanny Britt en explore chaque recoin, aidé en cela par le talent graphique d’Isabelle Arsenault.
Un livre qui émeut, un livre dont on sait qu’on se rappellera, un livre précieux, un livre à la fois tendre et dur. Un coup de cœur.
Je partage cette lecture à l’occasion de la « BD de la semaine ». Allez donc faire un tour chez Noukette qui rassemble aujourd’hui les liens des autres lecteurs.
Extraits :
« Il pleure pendant des heures, comme pour distraire la douleur » (Louis parmi les spectres).
« Je ne savais pas que l’amour c’est comme une roche qui nous explose le cœur, qui fait mal autant qu’il fait vivre, et qu’il donne envie de fuir en même temps qu’il nous empêche de le faire » (Louis parmi les spectres).
Louis parmi les spectres
One shot
Editeur : Les Éditions de la Pastèque
Dessinateur : Isabelle ARSENAULT
Scénariste : Fanny BRITT
Dépôt légal : novembre 2016
160 pages, 21 euros, ISBN : 978-2-989777-000-6
Bulles bulles bulles…
Elles forment un brillant duo Fanny Britt et Isabelle Arsenault ! Je n’ai pas lu celui-ci mais il me tente bien. J’avais aimé l’univers de « Jane, le renard et moi ». Fanny Britt écrit très bien pour les adultes aussi, son roman « Les maisons » est excellent.
J’aimeJ’aime
J’ai repéré ce roman. Je cherchais des avis justement mais j’ai bien envie de me laisser tenter 😉
J’aimeJ’aime
Alors je me permets de te laisser le lien de mon billet sur « Les maisons » 🙂 : http://lecturesdemarguerite.blogspot.ca/2016/01/les-maisons-fanny-britt.html
J’aimeAimé par 1 personne
Merci merci !! ❤
J’aimeJ’aime
Quelque chose me dit qu’elle sera un coup de coeur si elle arrive entre mes mains !
J’aimeJ’aime
Mon petit doigt me souffle la même chose 😉
J’aimeAimé par 1 personne
❤
J’aimeAimé par 1 personne
Je risque de beaucoup pleurer en la lisant ?
J’aimeJ’aime
Ça risque… mais ce n’est pas certain 😀 C’est sûr qu’il est triste ce petit garçon, que sa vie n’est pas facile… mais il n’y a rien de pathétique dans l’album. Les auteurs ne jouent pas sur le côté larmoyant de l’histoire 😉 En revanche, elle est très touchante !
J’aimeJ’aime
rhooooo il y a vraiment beaucoup de belles choses à découvrir en BD décidément ! Merci 🙂
J’aimeJ’aime
Il y a des petites pépites oui. Laisse-toi tenter par les albums de ces deux artistes 😉
J’aimeJ’aime
Oh je veux le lire! Ce que tu en dis et les images que tu montres me font très envie!!!
J’aimeJ’aime
Je viens de regarder il n’est pas dispo chez mes libraires et il n’est même pas dispo à la librairie québécoise de Paris 😦 Je vais devoir attendre!
J’aimeJ’aime
Attendre un « tout petit peu » oui. Mais tu verras, ce plaisir au bout du compte 😉 J’espère que tu nous parleras de cet album Enna ! 😉
J’aimeJ’aime
Pour info, il sort à la toute fin octobre en France : )
J’aimeJ’aime
Ah merci Elisabeth ! Je savais qu’il sortait ce mois-ci au Québec et j’avais noté novembre en France. Je me suis trompée 🙂
J’aimeJ’aime
Punaise mais celui là je le veux d’urgence !! Conquise d’avance !
J’aimeJ’aime
Oui, mais le fait est que je voulais te l’offrir Môdame !! Je savais bien qu’il te taperait dans l’œil !!!
Alors la question est : pourras-tu attendre Angoulême pour que je fasse bien les choses ou l’auras-tu dévoré avant ??
J’aimeJ’aime
Deux pouces levés et je m’avoue vaincu, tu le sais bien (même si, honte à moi, Jane et le renard végètent sur mes étagères depuis bien trop longtemps…).
J’aimeJ’aime
« Depuis bien trop longtemps », je confirme ! 👿
Depuis que tu as lu « Maus », je n’avais plus insisté pour que tu lises un album (euh… c’est du moins ce qu’il me semble). Voilà que tu m’apportes sur un plateau d’argent un nouveau cheval de bataille
J’aimeJ’aime
C’est vrai qu’il fonctionne à merveille ce duo! Déjà sous le charme de « Jane, le renard et moi » je me réjouis de découvrir cette nouvelle pépite!
J’aimeJ’aime
Il me tarde de pouvoir l’offrir aussi celui-ci ^_^
J’aimeAimé par 1 personne
Tout cela semble tenir de la pépite!
J’aimeJ’aime
Toutafé !!
J’aimeJ’aime
merci pour ce beau billet, rien qu’en voyant la couverture, j’aurais passé mon chemin.
J’aimeJ’aime
Et cela aurait été bien dommage 😉
J’aimeJ’aime