Deux milligrammes (Adam)

Adam © La Pastèque – 2014
Adam © La Pastèque – 2014

Arrêter de fumer. Voilà un objectif qui semble parfois irréalisable.

Jour 1. Nouvelle année et bonnes résolutions. Si le projet d’arrêter de fumer n’est pas nouveau, le déclic se produit pendant qu’il regarde un documentaire sur la cigarette à la télé.

Jour 2. Achat d’une boite d’un substitutif pour arrêter de fumer. « 2 milligrammes… c’est le dosage moyen » lui dit la pharmacienne.

Jour 9. Première entorse aux bonnes résolutions.

C’est une décision bien difficile à prendre. Enfin non, il serait plus juste de dire : décider d’arrêter de fumer c’est facile. Là où le bât blesse, c’est de le mettre en pratique… Tout fumeur sait de quoi je parle ! Benjamin Adam s’est confronté à cette réalité. Bien sûr, il avait déjà tenté d’arrêter par le passé mais à chaque fois, il a rechuté. Cette fois-ci pourtant, il a abordé sa démarche un peu différemment.

Au moment où il prend la décision d’arrêter, il met plusieurs choses en place. Habitué à bloguer, il décide d’ouvrir un nouveau blog sur lequel il témoignerait de sa démarche en décembre 2006 ; c’est ainsi que 2 milligrammes a vu le jour. Une démarche qui peut être perçue comme un garde-fou dont se dote l’auteur. Sachant qu’il sait que des collègues (fumeurs et non-fumeurs) et des proches le lisent (dans une publication, il annonce notamment qu’il a repris la clope… ce qui lui vaut un appel immédiat de sa mère pour en parler), cela met de la pression en plus et le force à maintenir le cap de l’abstinence.

Les mois se succèdent et le blog continue d’être alimenté régulièrement au point de contenir suffisamment de matière pour envisager une publication d’album (projet qui sera finalisé d’abord à 50 puis à 200 exemplaires). Les années passent et Benjamin Adam s’investit dans d’autres projets éditoriaux. En 2013, il est présent au FIBD. C’est lors de cet événement qu’il entend parler du projet de création d’une nouvelle collection à La Pastèque ; elle s’appellerait « Pomelo » et proposerait de faux guides-pratiques. Voilà une ligne éditoriale dans lequel « 2 milligrammes » pourrait parfaitement s’inscrire.

L’ouvrage prend la forme d’un recueil de 64 pages. En plus de la pagination habituelle, un marqueur  de temps ouvre chaque nouvelle scène ; cela permet au lecteur de se situer facilement dans la chronologie, d’autant que quelques épisodes se situent à une période antérieure à l’arrêt du tabac.

Cette comptabilisation des jours produit des effets différents en fonction de là où on en est dans la lecture. C’est un gros avantage et un accessoire narratif que je n’avais jamais perçu de cette façon (belle surprise donc). Concrètement, cela signifie qu’en début d’album – outre le fait qu’on a conscience qu’une « nouvelle vie » commence – on prend la mesure de la difficulté de la démarche (les premiers jours sont éprouvants). Puis, à mesure que le temps passe – et que les pages se tournent – on voit que le laps de temps entre les scénettes est plus long, donnant l’impression qu’un certain confort s’installe en plus de la fierté de remporter une victoire sur soi. On passe ainsi différentes étapes : les passages à la pharmacie pour s’acheter des Nicorette® 2 mg, des envies irrépressibles de fumer une clope à… ce fameux Jour 51 où, ô surprise : « Je fume plus. C’est sorti tout seul, comme ça, sans défi ou ironie. Pouf. Mais avec une espèce de fierté subite. Etrange. Et pour la première fois sans cette nuance permanente « j’essaye de tenter d’arrêter » ».

Quoiqu’il en soit, l’auteur nous permet de vivre sa démarche « en temps réel », ce qui est pertinent.

Le dessin de Benjamin Adam est assez libre. Ces moments choisis de sa vie nous font profiter de toute la spontanéité de ses réflexions. L’homme est lucide, il ne se ment pas. De fait, le scénario se permet ponctuellement quelques pointes de cynisme, ce qui rend les choses assez drôles d’autant que les tentations sont nombreuses. L’auteur reprend le discours des non-fumeurs sur la cigarette, le questionne et l’analyse en comparant notamment l’écart entre la façon dont il accueillait ces propos avant d’arrêter et la manière dont il les accueille depuis l’arrêt. Les jours passent et il s’étonne finalement de sa capacité à ne pas reprendre la clope, à ne pas être tenté « plus que ça » malgré certaines habitudes tenaces : café-clope, alcool-clope, frustration-clope…

Pour varier un peu le contenu de ses publications sur le blog, il cherche aussi à se renseigner sur la littérature associée à la cigarette, à l’arrêt de la cigarette, aux substitutifs… Son témoignage contient ainsi des réflexions sur les stratégies de communication des fabricants de cigarettes, les effets indésirables des substituts nicotiniques… il va même jusqu’à s’acheter le livre d’Allen Carr… !

Petit problème de lisibilité tout de même, essentiellement en début de lecture. Les illustrations sont dépourvues de cadres, on ne sait parfois pas où la « case » hypothétique s’arrête. J’ai plusieurs fois été désarçonnée, ne parvenant pas à trouver naturellement l’ordre dans lequel s’enchaine les propos. Cette difficulté s’estompe et la lecture devient tout à fait fluide après quelques pages de lecture. Sur la forme, le lecteur est en face-à-face avec Benjamin Adam. L’auteur apparait généralement seul sur les pages, attablé la plupart du temps.

PictoOKUn témoignage ludique et intéressant. Loin d’être un petit guide moralisateur, ce livre incite à la réflexion. En se moquant des idées préconçues (des fumeurs ET des non-fumeurs), je pense que l’ouvrage pourrait amuser de nombreux lecteurs (fumeurs ET non-fumeurs).

Une interview de Benjamin Adam en ligne sur Festiblog.

Et comme je ne suis pas avare en informations, j’imagine que certains lecteurs ici sont concernés (pour eux ou l’un de leur proche). Je vous invite donc à vous documenter sur le site de l’INPES.

Extrait :

« J’avais l’impression de devoir réapprendre tous les gestes de ma vie puisque la cigarette était associée à tout ce que je faisais depuis mes 17 ans. La perspective d’une vie sans cigarette m’apparaissait comme un espèce de calvaire où chaque seconde serait une victoire, la suivante un risque » (Deux milligrammes).

Deux milligrammes

One shot

Editeur : La Pastèque

Collection : Pomelo

Dessinateur / Scénariste : Benjamin ADAM

Dépôt légal : janvier 2014

ISBN : 978-2-923841-50-2

Bulles bulles bulles…

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Deux milligrammes – Adam © La Pastèque – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

4 réflexions sur « Deux milligrammes (Adam) »

    1. J’ai bien aimé oui, il me semble qu’il s’ouvre à un grand nombre de lecteurs. Après, vu que je sois moi-même fumeuse, peut-être qu’il a effectivement un intérêt supplémentaire pour moi que des lecteurs non-fumeurs ne lui trouveront pas. Je ne sais pas… ^^

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    1. Ah zut ! ^^ C’est amusant pourtant et pas dénué d’intérêt. Mais voilà, je fume… alors certainement que la question de l’arrêt m’interpelle plus qu’un non-fumeur. Mais je trouve pourtant cet album plus pertinent que d’autres qui traitent du même sujet. C’est sans prétention ici, ce n’est pas moralisateur en plus.

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