Kililana song, première partie (Flao)

Kililana song, première partie
Flao © Futuropolis – 2012

Kenya, de nos jours.

Naïm, 11 ans, jeune orphelin élevé par sa tante Maïmounia.

« Refusant d’aller à l’école coranique car peu enclin à la discipline, il préfère l’école buissonnière, et malgré son frère Hassan qui le course régulièrement, il passe son temps à flâner, déambuler et traîner dans les faubourgs de la ville, vivant de petites magouilles. D’un naturel curieux, ouvert à la vie et aux autres, chaque moment de ses journées, chaque rencontres qu’il fait, lui donnent matière à réfléchir avec le bon sens qui le caractérise » (extrait du synopsis éditeur).

Ce livre est « le fruit de rencontres, d’histoires glanées, de choses vues, entendues ou vécues lors de promenades entre l’Erythrée et le nord-est du Kenya, et restituées ici sous forme d’une fiction » nous explique Benjamin Flao avant même que l’histoire de Naïm ne débute. Il ne fait nul doute que cette incitation au voyage sera immersive pour le lecteur. Ainsi, l’a souhaité l’auteur et, selon moi, cet objectif est atteint.

Par le biais de cette histoire, j’ai ressenti la chaleur d’un pays dans lequel je ne suis jamais allée. Grâce à ce jeune passeur de témoignages qu’est Naïm, nous explorons quelques facettes d’un pays et allons à la rencontre d’individus qui nous dévoilent leurs parcours de vie ; de l’enfant des rues au vieux pêcheur aguerri, de l’armateur peu scrupuleux à l’éplucheur de crevette… tous ces personnages nous embarquent dans un récit qui se situe à la croisée entre la réalité et les traditions. Le rythme est emporté, à l’image de son jeune héros qui dévale les rues à toute vitesse dans l’espoir de fuir son frère et son plan diabolique (de le scolariser à l’école coranique). Un conte urbain où se côtoient les générations dans distinction d’âge ou de milieux sociaux… excepté les Blancs en total décalage avec l’environnement et le rythme de vie kenyan. La présence de cet enfant comme acteur central permet à l’auteur de construire un scénario riche qui parle à la fois du passé, du présent et de l’avenir d’un pays à la fois écrasé par le poids d’un héritage colonial mais dont il tire des avantages financiers non négligeables (les étrangers représentent une source de profits pour l’économie nationale) ; des parents qui ont démissionné et se reposent dorénavant entièrement sur le système scolaire (seule Institution à même d’offrir un avenir et des débouchés à leurs enfants)…

Une société qui semble enkystée dans des problèmes de chômage, de drogue, de corruption et de conditions de vie précaire. Pourtant, la présence du jeune Naïm donne une impression de liberté et ouvre la portes à d’autres perspectives. Avec lui, c’est tout un système de relations basé sur l’entraide que l’on découvre, et cela va du simple savoir-faire au partage d’expérience dont Naïm est friand. La qualité d’écoute dont fait preuve Naïm et la pertinence de ses « pourquoi ? » conduisent ses interlocuteurs à se livrer, à se positionner et ce en toute confiance… cet enfant-là est avide de tout ce qui lui permettrait de comprendre le monde qui l’entoure.

Servi par un graphisme de toute beauté, ce récit nous fait voyager au-delà de nos propres frontières. On navigue au milieu de magnifiques aquarelles. La présence de longs passage muet a une réelle incidence sur le rythme de lecture. Ainsi, on se surprend régulièrement à profiter des paysages qui s’étalent en pleine page, on prend le temps de dévisager un fou ou d’un vieil homme perdu dans ses pensées… J’ai apprécié le rendu de certaines gestuelles, le choix d’un angle de vue, la mise en couleur… On ressent toute la poésie et la nostalgie que peuvent dégager certains personnages. Le trait de l’auteur est libre, à l’instar de son jeune héros.

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs du mercredi

PictoOKEt vous, êtes-vous tenté pour faire l’école buissonnière ?

L’avis de Jérôme , celle de Seb (sur MaXoe) et celle d’Actualitte.

Extraits :

« On finit par s’habituer de se coltiner un frère aussi borné. Mais à la longue, c’est fatiguant… il a en tête de me dresser comme un petit animal parfaitement idiot. Évidemment, comme tous les adultes, il m’explique que c’est pour mon bien ! Et les coups de canne que je prends à la madras c’est sans doute pour mon bien aussi ?… Pourquoi les adultes croient toujours qu’ils peuvent faire gober aux enfants n’importe quelle salade ? D’accord, j’ai onze ans. Mais je ne suis pas débile. Je le sais bien moi pourquoi Hassan se donne autant de mal pour me ramener dans le droit chemin… il croit qu’il va gagner plus de points pour aller au paradis ! (…) Je ne sais pas à partir de combien de points on peut aller au paradis, mais ça m’a l’air de coûter cher ce truc-là ! » (Kililana song, première partie).

« Aujourd’hui, c’est le 1er décembre, les premiers jours du Kazkazi, Le vent du travail, avec lui arrivent les touristes et les grandes pêches. Chez nous, il y a ceux qui pêchent le poisson et d’autres qui pêchent le touriste. Moi, je ne pêche rien, je me cache pour pas que mon frère m’attrape » (Kililana song, première partie).

Kililana Song

Première Partie

Diptyque terminé

Éditeur : Futuropolis

Dessinateur / Scénariste : Benjamin FLAO

Dépôt légal : mars 2012

ISBN : 978-2-7548-0375-5

Bulles bulles bulles…

Des illustrations que l’on peut découvrir sur le blog de Benjamin Flao.

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Kililana Song, tome 1 – Flao © Futuropolis – 2012

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

33 réflexions sur « Kililana song, première partie (Flao) »

  1. Assurément une de mes plus belles lectures de ce début d’année. Seule question restant pour l’instant sans réponse : c’est quand la suite ????

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    1. La même question me taraude ! Une fois plongée dans la lecture, j’ai eu tôt fait d’oublier que je détenais la première partie d’un diptyque… d’où une énorme frustration en fin d’album ^^

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  2. Je l’ai aperçu chez mon libraire, j’avais failli craquer mais là je crois que ça va être encore plus difficile de résister maintenant ! ^^

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    1. J’ai hâte de lire la suite. La qualité des illustrations est superbe et m’a fait penser à un carnet de voyage que j’avais bien apprécié. Si tu aimes l’Afrique, essayes également de jeter un oeil sur Retour du Tchad 😉

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  3. comment ça , tu encourages l’école buissonnière pour des petits golgoths !!! …
    encore un bel ouvrage chez futuropolis, si j’ai bien compris 🙂
    je vais aller feuilleter cette chanson en image de Kililana …

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    1. Oui, encore un bel ouvrage Futuropolis ! Et une très belle découverte d’auteur me concernant. Depuis le temps que je souhaite plonger dans les travaux de Flao (Les Mauvais garçon par exemple). Superbe.

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  4. JE l’ai terminé, il y a quelques jours. UN superbe album en effet, même si j’ai été plus sensible au dessin qu’au scénario qui s’avère plus une ambiance.

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    1. Je n’ai pas su les dissocier, ils me semblent si imbriqués, il y a une telle fluidité dans la lecture ! J’ai passé quasiment 2 heures à lire cet album, je me suis réellement perdue dans la contemplation des illustrations, j’ai relu deux ou trois fois certains passages tant j’en appréciais la tonalité (comme le récit du vieux marin amateur de Qat). Bref, vivement la suite. Tu as une info sur la date de sortie du second tome toi ?

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    1. Oui. Il y a eu peu d’articles sur la blogosphère mais dans l’ensemble (blogs + sites de bédéphiles), les avis sont bons 😉

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  5. Je l’ai repéré mais n’ayant rien lu de cet auteur (du moins, je crois !), je préfère d’abord tenter cette lecture via un emprunt à la biblio. En plus, vu la frustration que vous ressentez tous à devoir attendre la suite, autant que je repousse cette lecture à plus tard, quand le second et dernier tome sera publié ou en passe de l’être 😉 Mais je me connais : si je tombe par hasard sur cet album à la biblio, je ne suis pas sûre d’être capable de résister ^^

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    1. Attendre le tome 2, c’est une vraie frustration oui !! ^^ D’autant qu’on est bien dans l’album, que depuis quelques pages le rythme change… quelque chose est en train de se passer… et CLAC… il faut attendre ^^ Je serais de toi, je me méfierais de cette série ^^

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