« Je m’appelle Brás de Oliva Domingos et je suis un rêveur. Je ne pourrais pas dire quel âge j’ai, seulement que je suis trop jeune pour me demander si j’ai posé les bonnes questions dans le passé et trop vieux pour espérer que le futur me donne toutes les réponses. Dans mes rêves, je suis l’auteur de ma propre histoire, même si je n’ai jamais écrit sur moi-même. Cette nécrologie est la première et dernière exception. Tous les endroits où m’emmèneront mes rêves, peu importe si je n’y suis jamais allé et si je n’irai jamais… m’aident à comprendre d’où je viens et où je veux aller. Ce que me montrent vraiment mes rêves est ce que pourrait être ma vie une fois les yeux ouverts. Mes rêves me disent qui je suis. Je m’appelle Brás de Oliva Domingos. Ceci est l’histoire de ma vie. Respirez profondément, ouvrez les yeux et fermez le livre » (extrait de Daytripper, au jour le jour).
Et si le héros a lui-même rédigé ce qui, selon lui, le définit le mieux, je vous fais également profiter de la présentation de l’éditeur : « Les mille et une vies d’un aspirant écrivain… et ses mille et une morts. Brás de Oliva Domingos, fils du célèbre écrivain brésilien, passe ses journées à chroniquer les morts de ses contemporains pour le grand quotidien de São Paulo… et ses nuits à rêver que sa vie commence enfin. Mais remarque-t-on seulement le jour où notre vie commence vraiment ? Cela commence-t-il à 21 ans, lorsque l’on rencontre la fille de ses rêves ? Ou au crépuscule de sa vie… » (source éditeur).
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Je préfère vous prévenir tout de suite : mon objectif est de vous faire lire cet album.
Seulement, il m’est difficile d’en parler tant ce récit touche à l’intime, à des valeurs et des émotions très personnelles. Cela est en grande partie dû à l’utilisation régulière des métaphores dans la narration. Cette histoire a résonné en moi, elle est parvenue à me faire vibrer comme les récits de cette trempe : Portugal, Local, Elmer… Et si je cite Portugal, ce n’est pas innocent tout comme il n’est certainement pas innocent que Cyril Pedrosa soit le préfacier de cet ouvrage ; Craig Thompson signe quant à lui la postface. Deux talentueux ambassadeurs pour ce travail des frères Fábio Moon et Gabriel Bá. Daytripper aura nécessité deux ans ½ de travail avant d’être finalisé. Publié en 2010 aux USA, il a été récompensé en 2011 d’un Will Eisner Award (Meilleure série).
Gabriel Bá : « C’est une histoire très personnelle : il y a des moments qui nous appartiennent, qui concernent l’amour, l’amitié ou la famille. Tous ces sujets nous sont chers ».
Fábio Moon : « Nous aurions pu étendre les chapitres de Daytripper éternellement, mais nous voulions que notre histoire soit complète en dix chapitres, que nous choisissions de mettre ce qu’on veut dans ce gros puzzle qu’est la vie, en laissant aux lecteurs la place de mettre ses propres émotions ou souvenirs dans les trous laissés vacants ».
Cet album est une bombe, j’espère qu’on en entendra retentir les déflagrations jusque dans le foyer le plus isolé.
S’il m’est difficile d’en parler, c’est parce qu’il touche à l’intime et que chaque lecteur y trouvera l’écho de sa propre expérience. Ce roman graphique nous emmène aux côtés d’un homme simple, humble. Il aspire, comme tout un chacun, à pouvoir profiter des petits bonheurs de la vie. Il se confronte, comme tout un chacun, aux accidents de la vie, aux joies, aux peines, aux doutes… La mort, une naissance, une amitié, une rencontre qui donne un sens à la vie, le rapport aux pairs et aux aînés…
La vie de Brás est développée en 10 chapitres qui ne respectent pas la linéarité chronologique habituelle. Ainsi, on prend progressivement – et par bribes – connaissance de la vie du personnage. La narration effectue des va-et-vient permanents entre passé, présent et futur, comme si ces trois ères temporelles n’étaient qu’un tout d’ailleurs… ne le sont-elles pas ? Le scénario s’assemble comme un puzzle et sa composition originale annihile toute impression de monotonie, de redondance et de lenteur que pourrait avoir un tel témoignage. Et comme on situe mal l’âge « réel » du personnage principal, cela renforce l’impression que la vie est un tourbillon où se mélangent pêle-mêle des émotions d’une intensité et d’une richesse certaine. Je défie quiconque de parvenir à ne pas pleurer durant cette lecture. Enfin, le fait de côtoyer ce héros sans âge donne presque l’impression qu’il est éternel, ce qui accroît la portée du message qu’il souhaite nous délivrer.
Fermement ancré dans la réalité, le plus difficile n’a pas été de créer un monde qui avait l’air vrai. Non, le plus dur a été de créer un monde que l’on ressentirait comme vrai.
Fábio Moon
Daytripper profite donc d’un rythme assez lent. Le ton y est posé, les propos mesurés. Il y a une réelle harmonie entre la narration et la partie graphique qui nous impose d’intenses jeux de regards. Un récit touchant.
Daytripper est la lecture mensuelle de kbd pour ce mois d’aout
Si Daytripper est une claque ? Oui !
Avec émotions, nous parcourrons ce récit intimiste où l’importance de vivre le moment présent est une philosophie de vie.
Une interview des auteurs sur Planete BD.
La fiche-album sur le site de La Cité Internationale de la BD et de l’image.
Les chroniques : Jérôme, Ginie, Alfie’s mec, Noa, Daniel Muraz. Et l’excellentissime synthèse de kbd (à paraître le premier dimanche de septembre !).
Extrait :
« La vie est comme un livre, fils. Et tous les livres ont une fin. Peu importe combien tu aimes ce livre, tu arriveras à la dernière page et ce sera fini. Aucun livre n’est complet sans une fin. Et une fois que tu y es, au moment où tu lis les derniers moments, tu sais à quel point le livre est bon. Ça sent le vrai » (Daytripper).
Daytripper, au jour le jour
Éditeur : Urban Comics
Collection : Vertigo
Dessinateurs / Scénaristes : Fábio MOON & Gabriel BÁ
Dépôt légal : avril 2012
ISBN : 978-2-3657-7013-2
Bulles bulles bulles…
Quel enthousiasme contagieux! Il est désormais en priorité sur ma liste.
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Merci Mango. J’ai rédigé cet article juste après avoir refermé le livre et j’ai eu quelques difficultés pour prendre du recul sur ce que je venais de lire ^^ Ca a remué tellement de choses en moi. Et puis, j’étais une vraie madeleine, impossible de fermer les robinets tant c’est émouvant !
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Ton commentaire donne envie de le lire! Je vais l’acheter de suite et le conseiller à mon frère(fan de BD) s’il ne connait pas déjà. Merci pour ce délicieux billet.
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Bonjour et bienvenue à toi Soune 🙂
J’ai laissé parler des émotions sans avoir envie de relativiser les choses pour cet écrit. Je me suis aussi laissée influencer par quelques amis très convaincants quant à cet album… je ne leur en veux pas du tout ! ^^ Bonne lecture de Daytripper, j’espère qu’il vous plaira à toi et à ton frère
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A peine rentré de vacances, prêt à partir au boulot et paf, je tombe sur Daytripper accoudé au bar. Rien de tel pour me mettre la banane. Cet album est clairement ce que j’ai lu de mieux cette année (avec Portugal bien sûr).
Je m’associe avec enthousiasme à toi pour crier sur tou les toits qu’il faut absolument lire cet album !
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Bon retour !!!
Mon article est tout de même un peu bancal mais je n’avais pas beaucoup de temps pour le rédiger (les kbd mettent la pression parfois :P)
Merci du conseil en tout cas, c’est chez toi que j’ai découvert cet album pour la première fois et comme je suis joueuse… je mettrais bien une pièce ou deux sur ce titre. Je le vois bien repartir d’Angouleme avec un Fauve en poche. Voir aussi ce que l’ACBD lui réservera…
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ACBD plus qu’Angoulême si tu veux mon avis. Angoulême ils sont très étranges sur l’attribution des prix.
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C’est vrai que depuis quelques années, je suis toujours assez dubitative lorsque je découvre les lauréats angoumois ^^
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Pas convaincue par les dessins mais je le note quand même 😉
Bonne semaine !
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Les visuels rendent mal en scans et sur le net, ceux que je souhaitais mettre n’étaient pas disponibles. Mais tu verras, ils sont très doux 😉
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Je vais essayer de le trouver… Merci !
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Tu verras, c’est une excellente lecture 😉
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Mince, mince, mince !!!! Il me le faut de toute urgence !!
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Oui… mais lis Portugal avant 😛
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Est-ce qu’il y a un rapport au Beatles? Daytripper, c’est une chason des Beatles, si je ne me trompe.
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Non, il n’y a pas de rapport aux Beatles du moins, s’il y en a un, il m’a totalement échappé ^^
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Je-le-veux. Ma bibli DOIT l’acheter (je vais inscrire le titre sur sa liste)
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Et tu fais bien ! 😉 Curieuse de savoir ce que tu as pensé de cet album
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Bon, moi je n’ai pas pleuré mais je trouve toujours ça émouvant qu’un livre réussisse à bouleverser autant son lecteur, puisque c’est ce que je recherche moi aussi, entre autres, un dialogue personnel entre le livre et moi.
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Je ne sais pas si tu as lu Portugal de Pedrosa, mais les deux albums m’ont beaucoup touchée. Cela arrive rarement mais là, il y avait des moments où j’oubliais complètement que je tenais un livre tant j’étais prise par la lecture
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Merci pour ce billet qui m’a encouragée à lire cette superbe BD.
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Merci de m’avoir fait confiance alors ! 😉 J’espère avoir l’occasion de lire ta chronique sur cet ouvrage ? Du moins, j’espère qu’il t’a donné envie d’en parler !
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