
« Le bandage des pieds est l’héritage de plusieurs dizaines de générations (…). Accompli chez une enfant trop jeune, il nuira à la vitalité du pied ; plus âgée, les os seront trop durs. L’âge idéal est six ou sept ans, quand la peau est douce et les articulations tendres. (…) Je m’en souviens encore. Ma mère s’en était bien sortie. Elle a tué le coq en deux temps trois mouvements. Son sang a immédiatement détendu mes pieds. Puis elle les a pris sur ses genoux, a saisi quatre orteils dans sa main… et les a recourbés avec force contre la plante de mon pied. Un coup rapide. Avant même que je comprenne ce qui se passait, mes orteils étaient déjà resserrés en boule. Tout en appuyant sur le gros orteil, elle effectuait un bandage de la plante vers le dos du pied qu’elle serrait, en entourant le coup-de-pied et en l’entourant autour du talon. Elle répétait plusieurs fois cette opération. Ma mère ne perdait pas une minute, un coup à gauche, un coup à droite, les cinq orteils étaient enveloppés et parfaitement serrés. A ce moment-là, même si vous l’aviez voulu, vous ne pouviez plus revenir en arrière » (Les pieds bandés).
–
Début du XXème siècle. Chunxiu a 6 ans lorsque sa mère la confie pendant trois jours à une amie de la famille. Cette dernière est bandeuse de pieds. L’enfant s’oppose pourtant farouchement à cette pratique mais elle doit céder face à la pression familiale. Dix ans plus tard, l’adolescente a totalement intégré les codes et les traditions de son pays. Ses petits pieds sont sa fierté et lui attire de nombreux prétendants. Mais Chunxiu n’aura pas l’occasion de convoler en justes noces. Elle a 16 ans lorsque l’interdiction de bander les pieds est énoncée par la République populaire de Chine. Les femmes aux pieds bandés doivent se signaler. Chunxiu décide alors de fuir et de revenir dans sa province natale.
A l’âge de 63 ans, elle décide de revenir en ville et se fait embaucher en tant que nourrice. Chunxiu fut ainsi la nourrice de l’auteur. Elle lui racontera les vieilles légendes chinoises mais témoignera également de ce qui fut sa vie. Devenu adulte, il décide à son tour de transmettre ce pan de la culture chinoise.
Madame Chunxiu nous racontait souvent la légende de Chang’e, la période féodale, le bandage des pieds, etc. Tout cela, je n’ai pas manqué de le dépeindre sous ma plume.
Li Kunwu, l’auteur d’Une vie chinoise, aborde donc les coutumes héritées de la période féodale. Son trait redonne vie à une Chine d’antan, où il était de bon ton d’aller faire ses courses au marché, où l’attraction principale était encore l’Opéra, où les hommes portaient la natte et les femmes se bandaient pieds et seins. Quant aux pratiques de bandages de pieds, on apprend notamment dans cet album qu’il existait trois catégories de pieds bandés, la quintessence étant le lotus d’or ; les « pieds en lotus d’or » étaient le nom donné aux pieds bandés qui ne dépassaient pas la taille idéale de 7,5 centimètres !

On assiste horrifié au premier bandage de pieds de Chunxiu et on mesure le traumatisme infligé à la fillette, on compatit à la souffrance des premiers jours puis, des années plus tard, on ressent tout à fait la fierté qu’elle a de pouvoir répondre aux canons de beauté de l’époque.
Le récit est quelque peu saccadé, s’intéressant tantôt à Chunxiu, tantôt à un membre de son entourage, tantôt à la description plus générale du contexte historique. Pourtant, à aucun moment l’auteur ne perd de vue son sujet et peu à peu, on investit cette femme meurtrie.
Un manhua que je vous invite à découvrir à votre tour.
Le lundi 18 mars 2013 aura lieu une conférence à la Maison de la Chine – Paris (18h30) intitulée « LES PIEDS BANDES, récit en images de Liu Kunwu. Liu Kunwu – est né en 1955 dans la province du Yunann. Il présentera son travail et expliquera comment ses dessins permettent de connaître l’histoire de la Chine ».
La chronique de Marie Rameau et celle de Zaelle.
Article sur Wikipedia consacré aux pieds bandés et le dossier de Kana consacré à l’album.
Extraits :
« Mais savez-vous, une paire de petits pieds, c’est une grande jarre de larmes. A l’époque, je souffrais tant que je désirais mourir » (Les pieds bandés).
« Les pieds bandés doivent obéir aux critères suivants : menus, minces, pointus, parfumés, souples ! Menus, c’est-à-dire mignons comme tout ; minces, mais ils doivent être bien proportionnés ; pointus mais avec un angle ravissant ; parfumés avec une odeur enivrante ; et souples… vous voyez mon petit doigt ? Exactement comme cela » (Les pieds bandés).
« Ce que l’on regarde en premier chez une jeune fille n’est pas son visage, ni même son corps, mais sa paire de pieds ! Avec des petits pieds, une jeune fille peut épouser un homme de haut rang et tout le monde la respectera. Elle mangera des plats raffinés, elle aura des vêtements de satin et de soie à profusion. Tout ce qu’elle désirera » (Les pieds bandés).
Du côté des challenges :
Challenge Histoire : la tradition chinoise des pieds bandés
Tour du monde en 8 ans : Chine
Petit Bac 2013 / Partie du corps : pieds
Les Pieds bandés
One Shot
Editeur : Kana
Label : Made In
Dessinateur / Scénariste : Kunwu LI
Dépôt légal : mars 2013
ISBN : 978-2-5050-1691-5
Bulles bulles bulles…
tu proposes trop souvent des bd qui me tentent mais que je vais avoir du mal à trouver en biblio !!!!
je la note !
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Je pense qu’il faut attendre un peu pour qu’il soit disponible en bibliothèque. Mais « Une vie chinoise » avait eu un bon accueil des lecteurs et j’ai du mal à imaginer un bibliothécaire faire l’impasse sur ce titre
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j’ai bien aimé ton billet…Il est très complet suscite l’intérêt et les extraits proposés nous invite à la compassion pour ces petites filles.
Je le note bien que je n’aime pas les BD car les détails historiques sont notables.
avec le sourire
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Cela dépend des albums. Certains restent effectivement sur le registre de l’anecdotique mais d’autres, comme les albums d’Igort par exemples (Les cahiers russes, Les cahiers ukrainiens) ou encore ceux de Joe Sacco sont réellement étoffés et méritent réellement que l’on s’arrêtent dessus 😉
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Je le note de suite, il me rappelle le roman de Pearl Buck, « Vent dEst, vent d’Ouest » où s’affrontent traditions séculaires et modernité dans la Chine des années 20. Une lecture qui date ^^ Donc d’un billet, deux lectures notées 😉
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Je ne sais plus si j’ai lu ce roman ou non 😳 J’avais découvert Pearl Buck en classe de Seconde et je pense que cela ne me ferait pas de mal d’y revenir d’ailleurs 😉
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Nous sommes donc deux ^^ Si cela te dit, c’est l’occasion (sans aucune urgence) de lire de concert !
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Chouette !! Une autre LC avec toi 😀
Je regarderais ce week-end si je l’ai dans ma biblio perso mais je crois l’avoir laissé chez mes parents. Si je ne l’ai pas, une petite virée en librairie s’imposera. Pas cette semaine… encore trop compliquée car trop de choses. J’ai bon espoir pour la semaine prochaine. Je te tiens au courant et on se fixe une date ? N’hésites vraiment pas à me relancer si tu te le procures avant moi 😉
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Je me réjouis, moi aussi 😉 Je dois être comme toi : exemplaire chez les parents. Je vais passer par la librairie, je te fais signe en fonction de la réponse qu’on me donnera. A bientôt !
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Je n’ai pas encore bougé pour le moment. J’essaye de me le procurer avant les prochaines vacances scolaires 😉
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Hi hi, les prochaines vacances sont dans 3 jours 😉 Ici, du moins…
Pas de souci, je ne manque pas de lectures. Mon exemplaire est en commande, je me calquerai sur tes dates !
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Trois jours !!!! Euh… ssspa possible pour moi ^^
Mon homme ne travaille pas lundi et ce jour-là, je quitte à 15h. Je caresse l’espoir de pouvoir aller m’évader en ville en sortant du travail 😉
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Je soutiens tes projets d’évasion 😉 mais tu as bien le temps, pas de souci !
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Snifff… je me suis rendue compte ce matin que lundi était férié… ^^
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Je ne sais pas si je supporterais de lire ce témoignage… Brrr !!!
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Il y a deux passages assez forts mais le témoignage s’intéresse plus généralement à l’évolution de la Chine durant le XXè siècle.
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Tu as eu du courage de lire et de regarder cette torture… J’avais déjà lu un morceau de Fleur de Neige de Lisa See et le passage sur les pieds bandés m’avait tellement retourné l’estomac que j’ai préféré arrêté. C’est très bien que des auteurs montrent ces horreurs, parce qu’elles ont existé et qu’on doit en tirer une philosophie, mais faut avoir le cœur accroché !
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Je le dis souvent mais l’intérêt de la BD a l’avantage, sur des sujets aussi difficiles, de proposer des visuels qui canalisent l’imagination du lecteur. Certes, les propos sont forts mais le contenu des phylactères rentrent souvent moins dans le détail, comme le ferait un roman. Les dessins viennent ensuite apporter de menus détails que les propos des personnages ou la voix-off du narrateur n’auraient pas précisé mais dans l’ensemble, dans une BD, tu es un peu moins seule face à tes représentations. Sur ce sujet en tout cas… ce n’est pas négligeable 😉
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Je l’ai feuilleté hier en librairie mais je n’ai pas craqué^^ Je ne sais pas, il y a quelque chose qui me retient… Je vais déjà commencer par lire Mon fiancé chinois qui porte lui aussi un regard particulier sur les traditions séculaires chinoises.
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Les dessins sont un peu maladroits. En tout cas, c’est ce qui m’a freiné jusqu’à présent pour débuter la lecture d’Une vie chinoise. Il faut un petit temps de transition pour s’y habituer, sachant que les propos ont une telle portée que rapidement, le graphisme est vraiment secondaire
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J’ai mal rien qu’à te lire, alors n’en parlons pas en lisant le manhua ! Et pourtant, le sujet m’intéresse. Alors à voir, je guetterai son arrivée en biblio 🙂
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Oui, je pense qu’il faut que tu feuillètes. L’ouvrage est moins impressionnant qu’il n’y parait. Déjà, c’est un petit format (légèrement plus grand que le format manga habituel). On n’est donc pas oppressé comme lorsqu’on est face à des albums grand format. Et puis il n’y a vraiment que deux passages qui remuent un peu. Il n’y a rien de larmoyant dans cet album. Il partage le témoignage de son ancienne nourrice sans recourir à des artifices graphiques ou narratifs qui auraient été superflus 😉
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évidemment, je veux.
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M’aurait étonné tiens ^^ Allez zou, un comics et un manga chez Theoma… ça fait déjà deux chroniques à lire 😛
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Le sujet m’intéresse et me rappelle à moi aussi certaines lectures, et notamment les romans de Pearl Buck lus au collège et qu’il faudrait que je relise aussi, mais je ne me sens pas forcément d’attaque pour cette BD. Sur les sujets durs comme celui-là, je préfère m’en tenir aux mots pour garder une certaine distance.
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C’est intéressant ton point de vue car de mon côté, je trouve justement que sur des sujets aussi durs, la BD permet au lecteur de se protéger de tout ce qu’il peut imaginer. J’avais lu un roman où l’héroïne était justement confrontée à cette pratique et, si j’ai oublié le titre de l’ouvrage :oops:, je n’ai en revanche pas oublié toutes les images que j’avais construites durant la lecture. Ici, les visuels sont finalement plus « doux » que ceux que j’aurais créés inconsciemment
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