Codine (Baujard & Géliot)

Baujard – Géliot © La Boîte à bulles – 2018

Adrien a 8 ans lorsqu’il emménage à la Comorofca – dans la ville de Braïla (Roumanie) – le quartier le plus pauvre de la ville et réputé pour sa dangerosité.

Mon enfant ! Nous voilà descendus un rang plus bas. Voici la Comorofca, le quartier le plus mal famé de la banlieue. J’économiserai 2 leï roumains par mois sur le loyer. 24 leï en un an, le prix d’un vêtement pour toi.

Bien qu’il soit impressionné par ce coin de la ville laissé presque à l’abandon, bien qu’il garde ses distances avec les gamins qui traînent dans la rue à toute heure de la journée, Adrien s’aventure dans son quartier. Il rencontre ainsi Codine, un ancien taulard incarcéré pour meurtre. Une amitié entre l’homme et l’enfant va les aider tous deux à (re)prendre confiance en l’humanité.

Une société pauvre, cynique…

Graphiquement, j’avais préféré le travail de Simon Géliot sur « Benigno, Mémoires d’un guérillero du Che » où son dessin en noir et blanc vibrait davantage. Ici, l’apport de la couleur m’a semblé être là pour renforcer l’environnement cruel de ces gens pauvres. La couleur vient figer les expressions des individus et donner à leurs visages et attitudes corporelles un aspect cireux. Je n’apprécie pas particulièrement car j’ai eu l’impression parfois de manquer d’air malgré la quantité de planches où l’action se déroule en extérieur. Des teintes poussiéreuses et boueuses dominent alors que l’amitié entre l’homme et l’enfant est une vraie bouffée d’air pour eux comme pour nous.

Quand l’enfant apprend à grandir, l’adulte redécouvre qu’il peut encore être traité avec considération et respect. C’est évidemment autour de ce duo improbable que le scénario se construit. Le travail d’adaptation réalisé par Jacques Baujard nous permet d’investir complètement les personnages et de croire en cette amitié pourtant peu commune entre un homme d’âge mûr que la vie a malmené et un enfant plutôt naïf qui découvre la vie au travers de cette amitié. Outre le fait que la complicité qu’ils ont se moque de la différence d’âge qu’il y a entre eux, l’enfant y trouve aussi une figure paternelle à laquelle se raccrocher.

J’ai lu cet album avec curiosité car malgré les apparences, la fraicheur de cette histoire – où rien n’est cousu de fil blanc – attise l’intérêt qu’on porte aux deux personnages.

Codine

– d’après la nouvelle de Panaït Istrati –
One shot
Editeur : La Boîte à bulles
Collection : Hors Champ
Dessinateur : Simon GELIOT
Scénariste : Jacques BAUJARD
Dépôt légal : mai 2018
96 pages, 18 euros, ISBN : 978-2-84953-308-6

Bulles bulles bulles…

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Codine – Baujard – Géliot © La Boîte à bulles – 2018

Benigno, Mémoires d’un guérillero du Che (Réveille & Géliot)

Réveille – Géliot © La Boîte à Bulles – 2013
Réveille – Géliot © La Boîte à Bulles – 2013

Dariel Alarcón Ramirez, alias Benigno, est l’un des guérilleros qui a combattu aux côtés de Fidel Castro, du Che et de Camilo Cienfuegos. Rien pourtant ne le prédestinait à cela. Bâtard d’un riche propriétaire terrien, sa mère est contrainte de fuir avec l’enfant suite au décès de son conjoint.

L’enfant est ainsi malmené jusqu’à l’adolescence. A 16 ans, il vit déjà en couple et s’apprête à devenir papa. Début janvier, il aide des guérilleros en leur vendant un cochon et quelques vivres. Mais le destin s’acharne contre lui lorsque, deux mois plus tard, des hommes de Batista font irruption sur ses terres et le sanctionnent pour sa promiscuité temporaire avec les troupes ennemies. Ils assassinent sa femme et incendient sa maison. Il se réfugie dans la Sierra Maestra où il incorpore rapidement la guérilla castriste. Son courage et sa bravoure lui permettent de s’illustrer rapidement.

Outre l’entrainement aux techniques de combat, Benigno apprend à lire et à écrire. De mois en mois, les liens d’amitié se resserrent entre Benigno et le Che. Après avoir chassé Batista du pouvoir, les deux hommes combattront côte-à-côte ensemble à plusieurs reprises et notamment en Bolivie pour tenter de faire tomber Barrientos.

Sorti le 6 juin dernier, en même temps que Printemps noir, ces deux albums sont réellement complémentaires. Lorsque l’un deux témoigne de la réalité actuelle des cubains, l’autre se penche sur les prémices de cette situation et revient sur des éléments historiques connus de tous.

En 96 pages,  » Benigno  » revient sur son parcours et témoigne avec force et émotions de ses années de combat. Aujourd’hui, il vit à Paris depuis plus de 10 ans. Avec recul, il raconte chronologiquement les événements et s’interroge malheureusement sur les dérives du régime qu’il a contribué à mettre en place.

« Non… je ne regrette pas mes actes car tout ce que j’ai fait, je l’ai entrepris en mon âme et conscience. J’ai lutté contre les différentes formes de l’oppression pour la vérité, la justice, la raison, et la liberté. S’il fallait recommencer, je le ferais, car je considère que je n’ai jamais agi contre les principes de l’humanité. Je reste fidèle à l’idée de la Révolution, non au régime qui se l’est accaparée, qui nous a dérobé la victoire. Castro a trahi notre Révolution, pas moi ».

Des coupures de presse sont régulièrement insérées au milieu du récit et permettent ainsi de se représenter la perception qu’avait l’opinion publique (internationale) de la situation cubaine. Intéressant également le point de vue donné par le témoin quant à la compréhension des événements. De la libération de La Havane au discours du Che à Alger (1962), en passant bien sûr par l’embargo décrété par les Américains et la crise des missiles, nous revenons pas à pas sur les événements majeurs qui ont eu lieu après la prise de pouvoir de Fidel Castro. Benigno aborde également comment, progressivement, il a pris conscience de l’orientation politique que prenait son ancien compagnon d’armes. Pour ne pas être gêné dans son ascension politique, ce dernier l’a stratégiquement positionné sur différentes missions qui l’ont régulièrement éloignées de Cuba. A chacun de ses retours, Benigno n’avait d’autre choix que de tenter de récolter des preuves concrètes afin d’étayer ses suppositions (notamment en ce qui concerne la disparition de Camilio Cienfuegos) tout en se sachant en permanence sur le fil, à la merci d’un homme d’Etat en mesure de le faire disparaitre – lui et ses proches – à tout moment. Quoiqu’il en soit, le travail de recherche réalisé par Christophe Réveille est impressionnant. Mêlant la petite histoire et la grande, il propose un scénario qui place – avant toute chose – l’homme au cœur de ce scénario historique. Sans jugement et sans militantisme exacerbé, il confie au lecteur la charge d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

Simon Géliot réalise ici son premier album en tant que dessinateur. Le travail qu’il a produit sur ce projet est abouti, les dessins servent parfaitement les propos et portent parfaitement les émotions et la ferveur de ces hommes. Le trait, légèrement imprécis, renforce le côté charismatique des protagonistes tout en faisant profiter le lecteur du caractère intimiste inhérent au témoignage de Benigno. Son style de dessin est fluide, direct, expressif… un auteur à surveiller de près. L’album se clôt sur une postface de Benigno et un cahier regroupant de nombreuses photos d’archives.

PictoOKPictoOKGrâce à cet album, l’histoire revit sous nos yeux. Ce n’est pourtant pas la première fois que Dariel Alarcón Ramirez témoigne (Mémoires d’un soldat cubain publié en 1997). Cette nouvelle contribution dans le registre de la BD reportage est la preuve que le medium BD est un support documentaire très pertinent.

La page Facebook de l’album (où vous trouverez notamment la bande annonce de l’album).

Extraits :

« Tu crois que la Révolution c’est quoi ? Des imbéciles avec des fusils ?… L’ennemi, c’est l’ignorance. Ta meilleure arme, ton cerveau !! » (Benigno).

« Tout le monde ici a sa part de souffrance. Mais la haine n’a jamais rien construit de bon » (Benigno).

Du côté des challenges :

Challenge Histoire : La Révolution cubaine

Challenge Histoire
Challenge Histoire

Benigno, Mémoires d’un guérillero du Che

Editeur : La Boîte à bulles

Collection : Contre-cœur

Dessinateur : Simon GELIOT

Scénariste : Christophe REVEILLE

Dépôt légal : juin 2013

ISBN : 978-2-84953-171-6

Bulles bulles bulles…

La preview sur Digibidi.

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Benigno, Mémoires d’un guérillero du Che – Réveille – Géliot © La Boîte à Bulles – 2013