1962. Pierre Ferra a deux raisons d’être heureux de quitter Tour. La première est que ce départ est l’occasion de mettre enfin de la distance entre lui et sa vieille mère aimante mais tellement envahissante. La seconde, c’est qu’il va prendre ses fonctions de prêtre pour la première fois à la paroisse de Restigné, un bled perdu au milieu des domaines viticoles. Malgré quelques appréhensions liées à son inexpérience, il est assez satisfait de cette affectation dans cette petite bourgade conviviale et calme… en apparence ! A y regarder de plus près, les personnalités y sont farouches et les haines solidement ancrées de générations en générations. D’autant que le récent décès de Deguelo, riche propriétaire viticole, cache des rancœurs et des tabous qu’il n’est pas bon de percer à jour. On aurait pu rêver un meilleur accueil…
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De Rabaté, je ne connaissais que Les Petits Ruisseaux et Le Petit Rien tout neuf avec un ventre jaune. J’ai donc de la lecture en perspective ! Il fallait bien commencer par un bout et l’avis de Zazimuth m’a mis l’eau à la bouche, tout en me mettant en garde qu’on quittait là le ton « léger » des deux albums que j’avais lu précédemment. D’ailleurs, le premier coup d’œil sur l’album le confirme rapidement : le trait est brut, l’ambiance est noire et certains regards en disent long sur la haine qui couve à bas feu. On se baladera donc au milieu de planches aux découpes classiques mais efficaces, des personnages très expressifs, rustres pour certains. On est rapidement piégé par cette chronique sociale qui nous happe et traite de religion, de superstitions, d’alcoolisme, de violences conjugales mais comme tout n’est pas si noir, l’amitié et la solidarité viendront donner une figure plus humaine à l’ensemble.
Le scénario commence fort puisqu’il nous projette en pleine campagne en pleine altercation entre Deguelo et Renard, les deux exploitants viticoles que tout oppose. Le ton est donné et malgré la présence de ce jeune « cureton » naïf et plein de bonhomie, l’ambiance se fait pesante. Rabaté décrit ce monde figé par de solides traditions religieuses où les commérages des grenouilles de bénitier vont bon train, la délation est gratuite et les haines s’apprennent dès le berceau. Il nous soulage, comme d’habitude, en recourant à l’humour et nous rassure en faisant intervenir les figures incontournables de la vie de campagne (instituteur, curé de la paroisse voisine, maire…). Un album qui a obtenu le Grand Prix de la Critique ACBD et Mention spéciale du Jury Oeucuménique de la Bande Dessinée en 1998.
Un album qui n’a pas été sans me rappeler Je mourrai pas gibier puisqu’il y a là quelques similitudes : monde rural et viticole, côté rustre des personnalités, poids des tabous, le meurtre qui survient et va faire s’ébranler ce fragile château de carte que les années ont mis à construire. Un album très humain et assez prenant. Un bel objet à n’en pas douter (124 planches / grand format).
L’avis de Zazimuth, Sceneario, ACBD.
Extrait :
« Et puis, rapport au vin de messe, vous serez mieux servi qu’ailleurs. tout en faisant attention. Partir d’une cirrhose par ici, c’est comme mourir au feu pour un soldat, c’est dans la normale… » (Un ver dans le fruit).
Un Ver dans le fruit
Éditeur : Vents d’Ouest
Collection : Intégra
Dessinateur / Scénariste : Pascal RABATE
Dépôt légal : avril 1997
ISBN : 9782749307343
Bulles bulles bulles…
Comme j’avais adoré je mourrai pas gibier, je note.
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J’avais fait le parallèle sur le monde rural puisque les deux albums le décrivent de manière un peu similaire (surtout sur les personnalités qu’on rencontre d’ailleurs). Ensuite, ce n’est pas du tout la même ambiance. Ici, les hypocrisies des uns et des autres, les secrets,… ne créent pas un univers oppressant comme dans Je Mourrai pas gibier. Il y a même un petit côté « guilleret » avec ce jeune prêtre un peu naïf. Enfin, si tu as l’occasion de le lire, tu verras ^^
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Je suis contente que ça t’ait plu et ça m’avait aussi fait penser à « je mourrai pas gibier » (le roman).
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Cet univers rural, des vies en quasi autarcie comme une petite société dans la société, des personnalités rigides… c’est logique je pense qu’on fasse le parallèle. Ensuite, l’ambiance est différente. Dans Un Vers dans le fruit, elle est tenue mais je ne me suis pas retrouvée oppressée comme dans Je mourrai pas gibier. Je n’ai lu que l’adaptation d’Alfred où les visuels guident l’imaginaire. Le ressenti est peut-être différent à la lecture du roman de Guéraud (je ne l’ai toujours pas lu d’ailleurs). Tu as lu le roman de Guéraud en premier et ensuite Un vers dans le fruit ? Tu as trouvé des similitudes supplémentaires toi ?
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J’adore Rabaté
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Tiens, j’avais oublié que je l’avais lu cet album ! ^^
C’est vrai qu’il était bien 🙂
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héhé, oui ! Ça change des Petits ruisseaux. J’ai encore beaucoup à découvrir du côté de cet auteur
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