La traversée du Louvre (Prudhomme)

La Traversée du Louvre
Prudhomme © Futuropolis & Louvre Éditions – 2012

A l’occasion de la sortie du dernier album s’inscrivant dans la Collection du Louvre de Futuropolis, le célèbre Musée s’offre les services d’un guide de marque : David Prudhomme. Et pour l’heure, c’est à mon sens l’album le plus accessible de cette ligne éditoriale qu’il m’ait été donné de lire. Car force est de constater que j’étais restée assez extérieure aux réflexions de ce cher Hulk imaginé par Nicolas De Crécy et que, face à mon incapacité à venir à bout des Sous-sols du Révolu, j’avais dû abandonner mes confrères de kbd en cours de route, malgré la lecture collective planifiée en équipe (lire la synthèse de kbd).

Cette publication est donc pour moi l’occasion de profiter d’une visite « normale » des collections du Musée. Un plaisir réel de déambuler aux côtés de David Prudhomme qui, chapka sur la tête et portable dans la main, nous emmène arpenter au pas de course les galeries de portraits, les collections égyptiennes, grecques et autres objets d’arts divers et variés.

Le pitch de La Traversée du Louvre est simple : effectuant des repérages pour la réalisation de l’album, David Prudhomme visite le Louvre. Soudain, son téléphone retentit, il décroche et engage une conversation avec Sébastien Gnaedig (auteur de BD mais plus connu en tant qu’éditeur chez Futuropolis) au sujet de l’avancée de son travail. Sitôt la conversation terminée, David Prudhomme reçoit un second appel. C’est cette fois Fabrice Douar (éditeur aux Éditions du Louvre) qui prend également des nouvelles de son auteur. Seul problème : à cause de ses échanges téléphoniques, David Prudhomme a perdu de vue Jeanne, sa femme. Il va traverser hâtivement les collections et galeries du Louvre pour la retrouver.

J’ai l’impression de marcher dans une BD géante. Sur tous les murs, il y a des cases.

J’ai apprécié la manière dont l’auteur s’aide de son postulat de départ pour associer / dissocier en permanence tous les éléments de son environnement. Il crée ainsi un méli-mélo visuel qui force le lecteur à s’arrêter régulièrement pour explorer chaque recoin de cases. On s’amuse en permanence d’être associé à ce jeu subtil, intelligent et porteur d’une réflexion sur l’Art et sa place dans nos sociétés, sur l’Histoire et l’Identité. David Prudhomme rend cette visite ludique. Il nous embarque dans un jeu, il en est la pièce maitresse sur laquelle on s’appuie ; il capte LA réaction, L’instant, La pause… celle qui nous fait réfléchir et crée ainsi une interaction entre le lecteur et l’ouvrage. La voix-off de l’auteur redonne régulièrement du rythme à cette visite, une sorte de rappel à l’attention du lecteur-visiteur qui aurait lâché le groupe malgré la vigilance du guide qui les encadre. C’est pourtant facile et tentant de trainer au milieu des pages de cet album !! Les nombreux passages muets nous y incitent : on se perd dans l’observation de ces cases remplies d’œuvres d’art, on baisse ainsi naturellement le rythme de notre lecture pour profiter de ces pièces artistiques de choix qui, bien que secondaires dans ce récit, sont reproduites avec beaucoup de justesse. On ne peut que profiter de ce spectacle… et réfléchir sur ce que l’on voit.

Je crois que je ne visiterais plus jamais un musée de la même manière, car j’aurais envie de tester moi aussi des deux facettes du tableau : celui pour lequel on paye l’entrée et celui qui est sous-jacent car spontané puisqu’il est le résultat de ce que ces œuvres produisent sur les visiteurs. C’est cela même dont il est question dans cet ouvrage, les visiteurs du Musée étant à la fois Spectacle et spectateurs ; ils interagissent en permanence avec les œuvres d’art exposées, jusqu’à se confondre de temps à autre avec elles. Il semble si facile à David Prudhomme de nous prendre au dépourvu.

 … dans ce palais des beaux hasards.

PictoOKContrastes des couleurs, chocs des cultures, trompe-l’œil, rencontres de générations… un ouvrage ludique et réflexif. Le temps qui passe est la clé de ce récit. Un décalage permanent entre des sociétés lointaines et celle d’aujourd’hui, entre l’ancien et le nouveau (voici un curieux mélange où les masques et colliers anciens côtoient les Ipad) ou encore, entre les visiteurs du musée qui contemplent les collections et l’auteur qui n’y fait qu’un passage furtif…

Finalement, ce qui fait la quintessence d’un lieu n’est-elle pas ailleurs que dans les œuvres qu’il contient ? David Prudhomme décale le regard pour ne s’intéresser qu’aux visiteurs qui, finalement, sont le personnage principal de l’album.

Roaarrr ChallengeDu 26 juin au 24 septembre, une exposition des planches originales (plus d’info : ici) et podcast de l’émission de France Inter (disponible à l’écoute jusqu’au 13.03.2015). L’ouvrage a obtenu le Prix Nouvelle République au Festival BD Boum de Blois en novembre 2012. Il s’inscrit à ce titre dans le Roaarrr Challenge.

A lire : l’article de du9 sur cet album.

Les chroniques de David, Bernard et Sullivan.

Extrait :

« Nous ne sommes pas tous de même taille devant les œuvres » (La traversée du Louvre).

La Traversée du Louvre

Challenge Petit Bac
Catégorie Lieu géographique

Récit complet

Éditeurs : Futuropolis & Louvre Editions

Collection : Louvre

Dessinateur / Scénariste : David PRUDHOMME

Dépôt légal : juin 2012

ISBN : 978-2-75480-785-2

Bulles bulles bulles…

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La traversée du Louvre – Prudhomme © Futuropolis & Éditions Louvre – 2012

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

24 réflexions sur « La traversée du Louvre (Prudhomme) »

  1. Ta présentation donne vraiment envie ! D’autant que j’adore le Louvre, même si je n’y suis allée que deux fois… L’occasion d’une visite virtuelle en quelque sorte ^^

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  2. Natiora a raison, le pitch est très sympa et donne envie. Sans avoir jamais lu un titre de cette collection, je m’étais persuadé qu’elle donnait dans l’élitisme bon teint et que par conséquent je devais la fuir à toutes jambes.
    A te lire, je me rends compte qu’une fois de plus, j’ai tout faux. Une erreur à corriger rapidement^^

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    1. Je m’étais persuadée de la même chose concernant cette Collection. Comme je le disais, « Période Glaciaire » et « Les sous-sols du Révolu » n’avaient pas été de franches réussites. Cet album ravive donc mon envie de lire « Aux heures impaires » (on va commencer par là… je verrais ensuite ^^)

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  3. Le pire, c’est que je suis allée deux fois au Louvre la semaine dernière, que, les deux fois, j’ai vu l’affiche pour l’exposition des planches, et que je l’ai regardée bovinement en me demandant ce que c’était… Maintenant que je sais et que j’ai une carte du Louvre, je n’ai plus qu’à y retourner!

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    1. Ah bravo ! ^^
      Je crois que la dernière fois que je suis allée au Louvre, j’étais encore à la Fac !! Par contre, le Museum d’histoire naturelle et ses dinosaures… là c’est bon, je connais la collection par cœur 😆

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  4. Je lis ton billet, oui, mais je ne comprends pas encore pourquoi cette BD ne m’a pas plu, en fait je n’ai pas dû comprendre… Pourtant dans les musées je m’amuse à prendre les visiteurs en photo…(discrètement)

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    1. Dans les musées, je ne décale pas mon regard (ou rarement) sur le public. C’est peut-être pour cela que cette approche m’a plu et m’incite à appréhender ces lieux différemment. Du coup, c’est peut-être un élément de réponse pour toi qui a l’habitude d’utiliser le public comme une scène vivante. Je dis ça… mais je ne sais pas, j’écris tout haut ce que je pense tout bas 😀
      Si j’ai apprécié cet album, cela tient beaucoup au fait que c’est le premier de cette Collection que je trouve réellement abordable. Il me parle alors que j’étais restée hermétique aux autres (à relativiser aussi car je n’en ai lu que 3)

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  5. C’est un album qui a l’air d’être vraiment intéressant, d’autant que je suis comme toi, au musée, je profite des œuvres et pas du public qui aurait plutôt tendance à me gêner qu’autre chose.
    Je crois comprendre aussi pourquoi celui-ci t’a plus plu que « Vive la marée ». Il me semble plus complexe (mais aussi moins drôle).

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    1. Et je ne sais pas s’il est plus complexe. Le support (le décor du musée) ne nécessite pas que l’on connaisse les œuvres sur le bout des doigts pour apprécier les interactions public/œuvre artistique. On est là davantage sur du mimétisme et de l’effet miroir qui nait entre le visiteur et le tableau ou la sculpture. J’ai souvenir également qu’il y a beaucoup d’humour dans cet album. Puis c’est fouillé, plus travaillé, mais ça… c’est peut-être dû au fait que David Prudhomme est ici seul aux commandes alors que dans « Vive la marée ! » , il n’est pas seul au scénario. Enfin, je suppose.

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