
Il y a des jours comme ça, où se lever semble être la chose la plus anodine qui soit. On pense inconsciemment que la journée à venir ressemblera à celle de la veille… tout est si normal.
C’est à n’en pas douter ce qu’Il se disait ce matin-là quand Il s’est levé à l’aube comme chaque matin. Dans la cuisine, sa femme lui a déjà préparé le petit-déjeuner. Pendant qu’Il écoute la météo, Elle finit de lui préparer sa gamelle pour le repas de midi. Il fronce en voyant la sempiternelle boite de sardines qui revient invariablement chaque midi, quelle que soit la saison. Mais Elle, attentionnée, n’en démord pas : les valeurs nutritives de la sardine sont réelles… et elle fourre la boite dans la gamelle.
Quant à lui, l’heure est venue de partir travailler. Même s’il fait encore nuit, être marin-pêcheur implique ça aussi. Alors Il monte dans son modeste et frêle chalutier pour affronter une nouvelle journée en mer. Et rentrer certainement les cales vides, une nouvelle fois. Mais le hasard voulait que ce jour-là, rien ne se passe comme prévu. Certes, les filets sont restés vides. Mais avant de rentrer, Il aura croisé un gigantesque chalutier, des pirates, des mouettes, une crêpe…

Rien ne laissait présager qu’une telle aventure se produirait en partant de ce petit coin en Bretagne complètement perdu et avec de tels protagonistes qui plus est. Lui, petit homme chétif et un brin renfrogné. Elle appétissante bigoudène que l’on imagine (à tort) casanière. Deux individus diamétralement opposés mais animés d’un amour réciproque et d’une bienveillance à l’égard de l’autre que l’on perçoit dès le premier coup d’œil.
Passées les premières pages où toute chose semble avoir une place précise, un grain de sable vient enrayer la machine. Poussés par un vent de folie, le scénario de Wilfrid Lupano prend son envol et nous fait quitter cette agréable mer d’huile. Dès lors, les événements s’enchaînent et nous entraînent dans un flot permanent de rebondissements. D’autant que ce n’est pas une mais deux histoires parallèles que nous suivons : celle de ce petit homme – pour commencer – qui va lutter contre les intempéries mais aussi contre une certaine férocité humaine ; celle de sa femme ensuite qui refuse de se soumettre à l’apparente réalité et décide de mettre tout en œuvre pour retrouver son compagnon.
Pour illustrer cet album muet, Grégory Panaccione impose une ambiance graphique originale. La douceur amusée et la rondeur de ses illustrations permettent au lecteur d’investir les personnages. De page en page, on entre dans le rythme de leurs épopées parallèles, deux quêtes complémentaires qui se répondent en permanence. Le yin et le yang qui s’équilibrent, comme cet homme qui subit l’accumulation d’événements tandis que cette femme prend la situation à bras-le-corps.
Pour les deux personnages, l’histoire racontée dans cet album semble être une interminable journée. Pris dans le rythme, il est aussi difficile de ne pas lire cet album d’une traite que de ne pas se perdre dans la contemplation des illustrations… et difficile également de ne pas remarquer les nombreux clins d’œil insérés çà et là tout au l’album avec Sabine… enfin, disons plutôt que l’œil affuté de Sabine n’a pas laissé passer des références comme Les Triplettes de Belleville, la mouette de Gaston Lagaffe… Lupano nous emmène dans une croisière improbable où l’on croise aussi bien des pirates que des jet-setter… De la fable écolo à la romance, en passant par le récit d’aventure, la parodie et la satire sociale, Un océan d’amour est à la croisée de plusieurs genres. Un ouvrage d’une grande richesse, drôle et sérieux à la fois. Mais avant toute chose, c’est cette explosion d’émotions qu’il véhicule que l’on retient. Les personnages sont d’une expressivité incroyable, la composition des planches ne souffre d’aucune répétition, portant ainsi le rythme du récit de façon tout à fait pertinente. On n’est jamais accablé par la gravité des situations dans lesquelles nos héros peuvent se retrouver et malgré le caractère parfois inextricable qu’elles peuvent revêtir, les auteurs parviennent aisément à retourner les choses à leur avantage et de façon amusée en venant taquiner des faits de société qui font régulièrement l’actualité. Politique, corruption, individualisme, capitalisme, environnement… des sujets qui tournent en boucle sur médias et à qui on accorde trop souvent une oreille distraite. En confrontant deux héros d’une bonhommie incroyable, absolument pacifiques, altruistes jusqu’au bout des ongles (surtout la femme) et assez naïfs à l’égard des situations dans lesquelles ils sont impliqués, cela désamorce toute tentative d’animosité des personnages secondaires. De fait, ces complications trouvent naturellement des voies de secours, laissant au lecteur le soin d’apprécier l’aspect onirique et réflexif du récit.
Gregory Panaccione réalise ici de succulentes métaphores visuelles. Un ouvrage poétique, amusant, intelligent, de quoi faire frétiller les neurones et les pupilles. Que demander de plus !??
Et, Mesdames et Messieurs, pour la première fois de l’histoire, voici ENFIN une lecture commune que j’ai l’honneur de partager avec Sabine ! Ouf !! Alors, pendant cette lecture, on s’est régalé de papotages, de sardines, de crêpes, de cannelés et j’en passe. Cliquez sur ce lien pour vous rendre dans son Petit Carré jaune et découvrir ce qu’elle en a pensé.
A lire également : la chronique de Noukette.
Un océan d’amour
One shot
Editeur : Delcourt
Collection : Mirages
Dessinateur : Grégory PANACCIONE
Scénariste : Wilfrid LUPANO
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 978-2-7560-6210-5
Bulles bulles bulles…
Très chouette billet, tu donnes vraiment envie, je file voir chez Sabine 🙂
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Oh merci !! Cet album est vraiment excellent !! 😉
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Mo ce fut un délice d’embarquer dans cette frégate, cette croisière bretonne aux saveurs de cannelés et de rires comme jamais la toile n’en avait entendu (d’ailleurs je me demande si nous n’avons pas réveillé Fidel là…)
Au très grand plaisir de recommencer une lecture avec toi et à l’abordage moussaillon !!!!!! a tout vite et vraiment merci de m’avoir accompagné dans cette odyssée gourmande 🙂
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Merci Merci Merci… moi aussi j’en ai des « mercis » à t’adresser ^^
Et tant mieux, si nous avons dérangé le vieux Fidel ! 😛
Je frotte le pont Capitaine. Histoire que le chalutier soit impeccable pour le prochain voyage
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Chouette, je sens que ça va être ma prochaine lecture BD !!!
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Et bien ! Tu n’auras pas tardé !! Allez hop : j’ai attrapé le lien de ton article au vol 😉
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En voila un que j’aimerais trouver au pied du sapin !
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Excellent choix ! J’espère que tu l’as mis sur ta lettre au Gros Barbu ! ^^
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Je n’ai jamais lu de Lupano. Il faudrait que je m’y mette !
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Celui-là est excellent !! Vraiment ! Et puis il y a « Les vieux fourneaux » aussi. Et « Alim le tanneur » !! 😀
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Je vais le mettre dans ma wish list ;0) Il a l’air excellent… Bisous Mo »
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Il EST excellent 😀
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Croisé en librairie et fortement conseillé par les libraires avec qui j’ai discuté… Je le note, le renote, le mets sur la liste du Père Noël alors vu ton avis dithyrambique !
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Ça devrait te plaire Véro 😉
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