Ordures, tome 2 (Piatzszek & Cinna)

Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2015
Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2015

Le premier tome nous avait laissé avec la désagréable impression que le plus dur était à venir pour Moudy et Alex. Pour rappel, ces deux jeunes collègues avaient fait la connaissance de Samir, un dealer, à qui ils ont accepté de faire une place dans leur squat. Mais les conditions de travail se durcissent et durant une manifestation sur leur lieu de travail, Alex tue accidentellement un vigile. Ils doivent désormais se cacher, d’autant que Moudy a reçu une notification de reconduite à la frontière. Depuis, c’est la cavale. Se cacher, survivre de petits larcins et s’épauler… voilà tout ce qui leur reste.

Dur cet album et en même temps il se dévore. On suit avec intérêt le quotidien de ces trois jeunes hommes. Paumés et sans avenir, ils se débattent avec une rage hors du commun.

Ce qui frappe, c’est la capacité de Stéphane Piatzszek à décrire ces vies brisées qui se structurent autour d’une quantité de petits riens, à la fois futiles et d’une réelle gravité (les larcins commis par exemple). Ce récit est comme un cri lancé dans le néant. Combien de vies sont à l’identique de celles décrites dans ce diptyque ?

Ordures, tome 2 – Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2015
Ordures, tome 2 – Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2015

On ressent un abandon fort qui les anime car ces jeunes semblent persuadés qu’ils n’ont plus rien à perdre si ce n’est leur fierté. Mais elle tient à un fil. Plus rien ne les retient, ils n’ont plus de soutien fiable, plus d’emploi, plus d’utilité sociale et plus grande confiance en eux-mêmes. Il ne tient qu’à eux de faire ce pas de côté pour sombrer dans la grande délinquance voire le banditisme. Il en va de leur honneur de trouver n’importe quelle solution de repli qui leur évite de mendier. Le scénariste étale sans concession la lutte quotidienne de ces jeunes adultes pour tenter de se sortir la tête de l’eau. Quand on n’a aucun rien sur quoi s’appuyer, quand on ne put compter que sur soi… on en vient parfois à penser à des solutions extrêmes.

Prostitution ? Deal ? Vol à l’étalage ?

Dans cette jungle sociale, les alternatives se comptent sur les doigts d’une seule main. Encore faut-il (accepter de) les envisager. Squatter une vieille usine désaffectée est un moindre mal du moins, cela évite de somnoler sur un banc et de se faire détrousser. Mais pour le reste ? Comment palier au fait que l’argent ne tombe pas du ciel ? Braquage ? Braquer qui ? Braquer quoi ?

Pour illustrer ce récit, Olivier Cinna propose un dessin qui tient compte de toute cette ambiguïté. A la fois tendre avec ses personnages, il réalise des visuels d’une noirceur incroyable. Un univers cru et dur. Le dessinateur joue sur les contrastes entre noir et blanc pour renforcer le décalage, renforcer l’attachement du lecteur envers ce trio d’hommes et matérialiser cette vaine lutte que les personnages livrent contre un avenir qui semble tout tracé.

PictoOKDes destins brisés qui nous pètent à la gueule. A lire.

Les chroniques de Stephie et de Jean-Marc Lernould.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Gros mot : ordures

PetitBac2015

Ordures

Tome 2 : Sortie Sud

Diptyque terminé

Editeur : Futuropolis

Dessinateur : Olivier CINNA

Scénariste : Stéphane PIATZSZEK

Dépôt légal : janvier 2015

ISBN : 978-2-7548-0678-7

Bulles bulles bulles…

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 Ordures, tome 2 – Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2015

Ordures, tome 1 (Piatzszek & Cinna)

Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2014
Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2014

Banlieue parisienne, de nos jours.

Moudy et Alex travaillent dans un Centre de tri d’ordures ménagères. Moudy est noir, homosexuel et vit dans un foyer d’hébergement ; du fait de son orientation sexuelle, les hommes de sa communauté le regardent d’un œil désapprobateur. Alex quant à lui vient de perdre son père. Depuis le décès, il vit seule dans la maison du paternel. Il se contente de peu, c’est un homme est sans grandes ambitions. « Vu la merde que les gens balancent, on sera jamais au chomdu » se plait-il à plaisanter.

Entre Barbès et Pigalle, il y a Samir. Un « Sans papiers ». Il vit clandestinement des petits trafics en tout genre auxquels il s’adonne : essentiellement des cartouches de cigarettes. Plus ponctuellement, il revend du shit.

Tous trois vont se rencontrer dans des circonstances inhabituelles et rien ne les prédisposaient à se lier d’amitié. Mais les événements qui vont avoir lieu laissent penser le contraire.

La première collaboration entre Olivier Cinna et Stéphane Piatzszek avait donné naissance à Fête des morts (Editions Futuropolis – 2011), un polar qui traitait du commerce sexuel. J’avais eu le coup de cœur pour cet album. Difficile donc de passer à côté du premier volume d’Ordures… mais je n’y ai pas trouvé le plaisir escompté.

Pourtant, l’histoire se lit facilement. Lecture fluide, rapide, un peu trop rapide même mais cela tient aux nombreux passages muets de l’album donnant, il faut le reconnaitre, un rythme tout à fait cohérent à ce qui nous est donné de découvrir.

Le dessin d’Olivier Cinna est sec et nerveux. Réalisées au pinceau, les illustrations développent un univers en noir et blanc qui porte bien ce quotidien un peu écorché et un peu amer des personnages principaux.

Malgré le feeling qui passe entre Alex et Moudy, on perçoit parfaitement leurs solitudes respectives ; on dirait deux naufragés qui continuent désespérément de regarder l’horizon dans l’espoir d’y voir apparaître un bateau providentiel qui les sortira de leur situation déplorable… une chimère dont ils ne sont finalement pas dupes. Du trio, c’est Samir qui fait figure de petite frappe. Là aussi, c’est par la force des choses qu’il a dû apprendre à se débrouiller seul et à côtoyer des réseaux peu fréquentables pour obtenir ce qui lui semble être le Graal : des faux-papiers lui permettant de circuler en toute liberté (une liberté somme toute assez relative).

On croit à l’improbabilité de leur rencontre d’autant qu’elle s’est faite dans une certaine précipitation. On croit à l’ambition de Moudy de pouvoir accéder à autre chose qu’un poste d’éboueur. On croit moins au côté lubrique de son homosexualité quand il se manifeste. Le plus crédible des trois est Alex : gentil gars, déconneur, sympathique et conscient que sa masse corporelle est un avantage sérieux lorsqu’il s’agit de régler un désaccord, que ce soit avec les Gitans comme avec les forces de l’ordre. Des trois, c’est aussi Alex que j’ai le plus investi… est-ce en raison de sa ressemblance troublante avec Serge (le flic de Fête des Morts) ?

PictomouiDans l’ensemble, je suis mesurée. Je vous mentirais en vous disant que je n’ai pas été déçue. L’empathie que l’on ressent pour les personnages ne suffit pas, à mon avis, à adhérer à l’histoire. Après, j’espère que le second tome de ce diptyque me fera réviser ma copie…

A venir le tome 2 intitulé Sortie Sud.

La chronique d’Yvan, de Stephie et celle de Jean-Marc Lernould (bd.blogs.sudouest.fr).

Ordures

Tome 1 : Entrée Nord

Diptyque terminé

Editeur : Futuropolis

Dessinateur : Olivier CINNA

Scénariste : Stéphane PIATZSZEK

Dépôt légal : février 2014

ISBN : 978-2-7548-0675-6

Bulles bulles bulles…

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Ordures, tome 1 – Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2014

Tsunami (Piatzszek & Pendanx)

Piatzszek – Pendanx © Futuropolis – 2013
Piatzszek – Pendanx © Futuropolis – 2013

Cela fait huit ans que Romain est sans nouvelles de sa sœur Elsa. Alors, puisqu’il n’a pas une situation professionnelle mirobolante, que cette attente interminable est un supplice pour la famille, Romain décide de partir à sa recherche. Son seul point de chute est Banda Aceh, une ville située au Nord de l’Indonésie. Aux dires du privé engagé par la famille pour enquêter sur la disparition, c’est le dernier endroit que sa sœur a fréquenté.

Elsa est arrivée en Indonésie peu de temps après le tsunami de décembre 2004 qui a dévasté l’île. Elle est médecin humanitaire et a été amenée à intervenir auprès des habitants de l’ile à ce titre. Pendant un temps, Elsa a continué à envoyer de longues lettres à Romain, de quinze ans son cadet. Mais un jour, les correspondances ont cessé. Cette dernière était médecin humanitaire. Elsa était Et puis un jour, les longues correspondances qu’elle adressait à Romain ont cessé. Et Depuis 8 ans, ce silence inquiétant de la jeune femme ronge la famille. Romain parviendra-t-il à la retrouver ? Réussira-t-il là même où la Police indonésienne et l’enquêteur privé embauché par la famille ont échoués ?

L’intrigue principale est ancrée en 2013. Elle plaque sur une quête personnelle les images d’une catastrophe naturelle que la télévision avait relayée en boucle.

Je voulais retrouver la ville telle qu’elle était. Quand ma sœur l’a vue pour la première fois.

Difficile de se représenter l’étendue des dégâts lorsqu’on ne s’est pas rendu sur place. Cependant, les auteurs ne proposent pas un état des lieux des travaux restant encore à engager. S’ils s’appuient sur les représentations que l’on pourrait encore se faire de la réalité actuelle en Indonésie, le discours est plutôt porteur d’optimisme ; il parle du traumatisme infligé par l’évènement mais montre aussi comment la vie a repris ses droits.

Si le lecteur découvre rapidement le but de la démarche du personnage principal, il devra attendre pour cerner la personnalité de ce dernier. En effet, les auteurs ont préféré nous convier à rencontrer les lieux avant de comprendre à qui nous avons à faire. Ainsi, le premier tiers de l’album est assez avare en dialogues. La voix-off du narrateur s’immisce timidement a milieu des magnifiques aquarelles de Jean-Denis Pendanx. Celles-ci mettent en parallèle passé et présent. Au rythme des déambulations du personnage dans les rues de Banda Aceh, l’illustrateur fait surgir des illustrations qui représentent l’Indonésie telle qu’elle était après la catastrophe : paysages de désolations, des rues jonchées d’une multitude de débris, des épaves de bateaux charriés par la vague et jonchant sur les toits des maisons… peu à peu, les sombres coloris du début de l’album vont laisser place à des teintes plus douces et plus lumineuses nous permettant de profiter pleinement de cette quête de vérité engagée par le narrateur. Une fois encore, Jean-Denis Pendanx (Svoboda !, Abdallahi, Jeronimus…) réalise des dessins sublimes plus proches cette fois de croquis de carnets de voyage. D’ailleurs, pour réaliser les planches de Tsunami, il s’est à la fois servi de ses propres carnets de croquis ainsi que des photos prises par Stéphane Piatzszek lors de ses voyages en Indonésie. Le résultat est une réelle invitation à découvrir ces terres lointaines.

Côté scénario, le travail de Stéphane Piatzszek (Fête des morts, Le temps de vivre…) est tout en subtilité. Ses dialogues s’effacent au moment opportun, s’appuyant parfaitement sur les illustrations et laissant planer quelques non-dits qui donnent du sens aux propos. Il maitrise parfaitement les silences, sait les interrompre sans brusquerie et dose naturellement les séquences où les personnages sont interactifs. Le ton narratif est juste, je n’ai pas perçu la moindre fausse note. Le personnage accepte même ouvertement lorsqu’on lui fait remarquer que sa démarche a quelque chose d’insensé. Car cela est vrai : au bout de huit années, ne court-il pas après une chimère ? Il le reconnait avec humilité et humour mais est prêt à en courir le risque. En milieu d’album, des éléments surnaturels viennent pimenter le récit mais ici encore, cela ne fait que renforcer la crédibilité de cette aventure. Questionnement personnel, remise en question, découverte de soi, processus de deuil, acceptation de l’absence d’un proche, Romain se confronte à tout cela et plus encore. Sur son chemin, il croisera des gens affectés par les accidents de la vie, comme la maladie (de celles pour qui le pronostic vital est engagé).

J’ai effectivement trouvé intéressant que ce personnage soit à fois très centré sur lui (cette démarche de retrouver sa sœur lui tient à cœur, sa quête pourra paraître égoïste pour certains lecteurs) mais il entend les choses et accepte d’en parler. Il se montre à l’écoute des remarques qui lui sont faites, y réfléchit :

« Tu crois pas que tu ferais mieux de te demander ce que ta sœur avait en tête avant de t’épuiser à la chercher ? »

Il sait également prêter une oreille bienveillante à ses interlocuteur et se montrer comme un ami fidèle.

PictoOKUn album assez prenant qui repose entièrement sur les épaules d’un personnage très touchant. Il se dégage de lui un fort capital sympathie qui nous permettra d’investir sa démarche et plus encore, de se saisir de quelques questionnements qui croiseront sa route.

Les chroniques de BD blog, Planete BD et cette présentation de Banda Aceh sur le blog « Un grand périple ».

Une lecture que je partage avec Mango pour les BD du mercredi. Découvrez les albums partagés aujourd’hui par les autres participants en cliquant sur ce logo :

Logo BD Mango Noir

Extrait :

« Un bateau attendait depuis 8 ans la prochaine vague pour se remettre à flots » (Tsunami).

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 /Météo : tsunami

Petit Bac 2013
Petit Bac 2013

Tsunami

One shot

Editeur : Futuropolis

Dessinateur : Jean-Denis PENDANX

Scénariste : Stéphane PIATZSZEK

Dépôt légal : novembre 2013

ISBN : 978-2-7548-0977-1

Bulles bulles bulles…

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Tsunami – Piatzszek – Pendanx © Futuropolis – 2013

Fête des Morts (Piatzszek & Cinna)

Fête des Morts
Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2011

Serge est flic. Il a roulé sa bosse, il est désabusé, aigri, ni complètement corrompu, ni totalement intègre. La clope au bec, il résout ses enquêtes au feeling… son flair le trompe rarement. Quant à la paperasse et aux procédures, plus il parvient à les éviter et mieux il se porte. A cause de ses méthodes peu orthodoxes, il a été muté il y a peu au Cambodge afin de démanteler des réseaux de pédophiles. Serge ne s’y retrouve pas plus dans cette nouvelle vie que dans l’ancienne. Son boulot lui coûte. Difficile de garder la tête froide quand on est le témoin de la mise aux enchères du dépucelage d’une fillette de 10 ans.

Pourtant, c’est un dur à cuire que rien ne semble pouvoir atteindre mais les choses changent… drôle d’impression de voir qu’une rencontre peut encore l’émouvoir.

Encore un album Futuropolis ! Encore un coup de cœur !! Et une découverte d’auteurs marquante… je n’ai pas fini de les lire ces deux-là !

Imaginez Harry Bosh dans les décors d’Hugo Pratt !^^

Un univers en noir & blanc aux effluves salines et cette manière de retranscrire les paysages marins ne sont pas sans rappeler les univers d’Hugo Pratt. De plus, le contraste très tranché entre le noir et le blanc et cette manière de disposer les détails des visages m’ont également fait penser à Didier Comès. Mais la ressemblance avec des ambiances graphiques connues s’arrête là.

Olivier Cinna a créé un univers nouveau où se côtoient des idéaux brisés, de l’amertume et quelques moments de bonheur volé. D’une page à l’autre, la prédominance de blanc accentue la moiteur du climat tropical. Les jeux de regards et les nombreux passages muets donnent un rythme au récit et aident le lecteur à matérialiser la tension ambiante. Le trait est épais, précis. Le coup de crayon semble instinctif, il transmet les sentiments avec justesse et, en sus, des sons et des odeurs. Il est parfois timide lorsqu’il s’agit de marquer une émotion vive, un trouble… Cette forme de pudeur est agréable. Cela m’a plu que l’auteur ne mette pas ses personnages à nu gratuitement. Je suis conquise par le travail d’Olivier Cinna sur cet album.

Ces solides fondations visuelles sont complétées Stéphane Piatzszek. Les décors réalistes de son équipier lui donnent tout loisir de déposer son intrigue et de prendre le temps de l’étoffer. Peu à peu, le récit modifie le regard que le lecteur pouvait poser sur Serge, le personnage principal. A mesure qu’on s’enfonce dans le récit, l’impressionnante carrure du héros perd de sa superbe au profit de quelque chose de plus subtil. Il se bat pour ne pas perdre le dernier soupçon d’humanité qui lui reste. Pas besoin de trop gratter pour que sa carapace tombe… le regard d’une enfant, le sourire d’une femme suffisent à l’émouvoir. Un personnage intéressant qui lutte avec ses démons (sans nous les dévoiler) et contrôle tant bien que mal tout ce lot de sales sentiments qui l’animent. La tension monte crescendo dans l’album, l’univers est maîtrisé et contient les ingrédients nécessaires à un bon polar.

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs des

Mango

La bande-annonce de « Fête des Morts »

PictoOKPictoOKUn graphisme impeccable pour un polar prenant. Stéphane Piatzszek y traite intelligemment de deux sujet de société délicats (le tourisme sexuel et la pédophilie). Je vous recommande chaudement la lecture de cet album.

L’avis d’Yvan et celui de PaKa.

Extrait :

« Les Khmers Rouges n’ont pas fait que tuer trois millions de personnes. Ils ont créé un peuple de crétins » (Fête des Morts).

Fête des Morts

One Shot

Éditeur : Futuropolis

Scénariste : Stéphane PIATZSZEK

Dessinateur : Olivier CINNA

Dépôt légal : avril 2011

ISBN : 9782754802680

Bulles bulles bulles…

Pour prendre connaissance des 21 premières planches de l’album : c’est ici.

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Fête des Morts – Piatzszek – Cinna © Futuropolis – 2011