Kushi, tome 1 (Marty & Zhao)

Marty – Zhao © Editions Feï – 2017
Marty – Zhao © Editions Feï – 2017

Kushi est la petite-fille de la chamane du village. Kushi est une élève douée et fait preuve d’une maturité qui met mal à l’aise la plupart des adultes du village. Excepté le jeune vétérinaire et son instituteur, la plupart des villageois la regardent du coin de l’œil. Kushi est une enfant solitaire ; les autres enfants ne l’approchent pas, seul Tilik – un de ses camarades de classe – passe outre les recommandations parentales et la compte parmi ses amies.

Dès qu’elle en a l’occasion, la fillette part galoper dans la steppe. Là, elle est en harmonie parfaite avec la nature, connaît sur le bout des doigts les vertus de la flore, les habitudes de la faune, les signes qui annoncent un changement de saison. Un savoir devenu inhabituel et, la plupart du temps, considéré comme archaïque. Désormais, place à la modernité et aux esprits visionnaires. Nous sommes en 1985 et la plupart des Mongols aspirent à la modernité.

… vous vivez comme au temps des Khans. Le monde a changé. On n’appartient plus à la steppe, c’est elle qui nous appartient et nos enfants ont besoin de voir autre chose.

Le pire d’entre eux s’appelle Bold. Il est désormais assis sur un joli pactole. Sa richesse, il l’a obtenue grâce à ses agissements véreux, ses magouilles, manipulant par ci et mentant par là pour parvenir à ses fins. Aujourd’hui, ce bandit local a un nouveau projet. Pour le mener à bien, il saigne la steppe à blanc afin de tirer parti de ses inépuisables ressources. Mais Kushi découvre ses agissements et s’oppose ouvertement à lui. Elle ne pourra compter que sur elle-même, sa connaissance de la steppe et son amie de toujours : sa chienne sauvage qui se prénomme Khulan. Les superstitieux murmurent qu’elle a un autre allié et non des moindres en la personne de Tengger, le dieu de la steppe.

Golo Zhao était déjà parvenu à nous embarquer dans une superbe aventure avec « La Balade de Yaya », le voilà qui récidive à l’occasion de cette nouvelle série. Les paysages à perte de vue, la steppe et ses couleurs attrayantes, ces visages mangés par de grands yeux, cette douce sensibilité dans les dessins, cette habitude de s’arrêter le temps nécessaire sur un personnage pour en détailler la gestuelle et les expressions de son visage lorsqu’il se laisse surprendre ou bien encore lorsqu’il se heurte à, une frustration. Le dessin parle au moins autant que le scénario. Cela fait partie du jeu induit par Golo Zhao, une invitation à prendre le temps, à s’arrêter pour observer.

Au scénario, Patrick Marty (« Le Juge Bao », « L’Ombre de Shanghai »). Après une première collaboration avec Golo Zhao (sur le dernier tome de « La Balade de Yaya »), le voilà qui associe sa plume au crayon du dessinateur chinois. Au cœur de son histoire, il installe une fillette entière, aussi généreuse qu’exigeante et qui défend avec force ses convictions. L’auteur nous fait une place dans un microcosme humain perdu au cœur de la Mongolie-Intérieure. Cette petite communauté balbutie encore avec la notion de « progrès » et l’idée qu’elle en a. Il est question d’une ouverture à la modernité mais la réflexion de fond tient justement à ce choix que de nombreuses sociétés ont eu à faire : est-ce que la construction de l’avenir passe obligatoirement par le rejet de traditions ancestrales ? Croyances et modernité sont-elles obligatoirement des antonymes ? Faut-il abandonner une identité forte pour avancer et trouver sa légitimité face au monde dit « civilisé » ?

PictoOKQuand science et superstitions ancestrales n’ont donc pas de terrain d’entente possible !? Une réflexion qui n’est pas dépourvue d’intérêt. Un récit faussement naïf qui interroge sans heurter la sensibilité des plus jeunes. Vivement la suite de cette histoire prometteuse et pimentée.

La chronique de Johanne.

Kushi

Tome 1 : Le Lac sacré
Série en cours (4 tomes prévus)
Editeur : Editions Feï
Dessinateur : Golo ZHAO
Scénariste : Patrick MARTY
Dépôt légal : janvier 2017
96 pages, 9,50 euros, ISBN : 978-2-35966-234-4

Bulles bulles bulles…

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Kushi, tome 1 – Marty – Zhao © Editions Feï – 2017

La Balade de Yaya, tomes 1 à 9 (Omont & Marty & Girard & Zhao)

Chine, 1937.

Nous sommes à Shanghai au moment où les Japonais lancent leur offensive contre la Chine. Peu à peu, les troupes japonaises s’imposent dans les grandes villes, contrôlent les points stratégiques du pays. Peu à peu, elles s’éloigneront des villes pour contrôler également les campagnes, les hameaux… les endroits les reculés. Face à cette invasion, la population chinoise prend peur et cherche à rejoindre des lieux plus sûrs, sollicitent les proches qui pourraient les accueillir. Dans ce mouvement, les parents de Yaya projettent de rejoindre Hong Kong où un membre de leur famille peut les héberger. Mais avant tout, il faut trouver un moyen de locomotion pour quitter Shanghai. L’histoire débute lorsque Yaya accompagne son père au port. Pendant qu’il paye leurs billets, Yaya furète à droite et à gauche, curieuse de tout. Pipo, son oiseau, l’accompagne et profite de la balade tout en étant posé sur l’épaule de sa petite maîtresse. Soudain, elle entend un air de musique joué au piano. Fascinée, elle se laisse guider par la mélodie qui la conduit dans une salle de banquet. Elle prend place à côté du pianiste puis, n’écoutant que son instinct, elle se met à jouer. La musique transcende cette fillette qui doit passer un concours de piano le lendemain, première étape vers une grande carrière de pianiste… elle en est convaincue. Quelle n’est pas sa déception lorsqu’elle apprend le soir même qu’elle ne pourra passer le concours. En effet, la guerre menace la Chine et les parents de Yaya préfèrent partir avant que le conflit n’éclate. Triste et en colère de ne pas pouvoir passer son concours, Yaya décide de fuguer.

En même temps, dans le quartier pauvre de Shanghaï, Tuduo réveille son petit frère à l’aube. Tuduo, si jeune mais déjà si marqué par la vie, la pauvreté et les coups de Zhu, décide de mettre son jeune frère à l’abri. Peu après y être parvenu, les bombes se mettent à pleuvoir sur la ville. C’est dans les décombres que Tuduo rencontre Yaya. Les deux enfants vont devoir apprendre à survivre seuls.

« La Balade de Yaya » est une série jeunesse et pourtant, la complexité et le sérieux des thèmes abordés donnent de la profondeur à cette histoire. On est face à un récit d’aventure captivant, contenant de nombreux rebondissements et contrairement à l’idée que l’on peut avoir d’un univers qui s’adresse à des enfants, on est confronté à la cruauté des hommes, à la dure réalité de la guerre… Jean-Marie Omont ne cherche pas à enrichir son récit de faux-semblants, il ne ménage pas son jeune lecteur et malmène même un lecteur plus âgé. Pourtant, si la réalité est crue et si l’on peut être surpris que Yaya – la petite héroïne – parvient à échapper au pire [presque par miracle], cette série nous emporte dans un élan de bonne humeur. Le dynamisme des personnages, leur pugnacité, rend la lecture entraînante. A chaque fin de tome, la question ne se pose pas. On ferme l’ouvrage tout juste achevé et on prend le suivant pour poursuivre l’aventure. Chaque protagoniste a une personnalité propre et des motivations personnelles dans cette course en avant qui est engagée. Pour autant, le récit est structuré et cohérent et quand bien même chacun tente de tirer profit de la situation, tous convergent finalement vers un même point : la réalisation de leurs idéaux. En toile de fond, le contexte historique [l’invasion de la Chine par les troupes japonaises] met en exergue l’obstination des personnages à parvenir au terme de leur épopée.

D’autres éléments enrichissent le récit puisqu’il sera également question de l’exploitation forcée et de trafics d’enfants, de génocide, de maltraitance, de corruption, de cupidité, d’abandon, de mensonges, d’orphelins, d’œuvres caritatives… Une trame narrative riche qui aborde la guerre sous toutes ses facettes et montre les pires penchants de l’Homme. Le récit est sublimé par les illustrations de Golo Zhao. Chaque dessin est une petite merveille. Un travail à l’aquarelle, des couleurs douces et chaudes la plupart du temps, l’ambiance graphique évite au lecteur de ressentir la lourdeur des événements que doit traverser l’héroïne. Les planches de ces petits formats à l’italienne sont lumineuses, les fonds de cases hyper fouillés jusqu’au moindre détail d’un accessoire. Le trait rond de Golo Zhao est un régal et s’accorde parfaitement à la bonhomie et à la bonne humeur des deux personnages principaux (Yaya et Tuduo).

PictoOKPictoOKMagnifique série jeunesse qui plairait aux enfants comme à leurs parents. Je vous invite à découvrir cette petite pépite.

La chronique d’Enna (série), de Jérôme (tomes 1 à 6, tomes 7 à 9) et celle de Bidib (tome 1).

La Balade de Yaya

Série en 9 tomes

Editeur : Feï

Dessinateur : Golo ZHAO

Scénaristes : Jean-Marie OMONT, Charlotte GIRARD & Patrick MARTY

Dépôt légal : de janvier 2011 à mars 2015

864 pages, de 8,50 à 8,90 euros le tomes

Bulles bulles bulles…

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La Balade de Yaya, série en 9 tomes – Omont – Marty – Girard – Zhao © Editions Feï – 2011 à 2015

L’Ombre de Shanghai, tome 5 (Crépin & Marty & Lu)

Crépin – Marty – Lu © Editions Feï – 2016
Crépin – Marty – Lu © Editions Feï – 2016

« Monsieur Li se dévoile enfin, et c’est pour mettre à exécution un monstrueux plan sauver sa peau.

Lila résistera-t-elle longtemps à la cruelle nécessité de faire appel à l’ombre qu’elle maudit de toute son âme ?

Gaspard, Clara et Dino pourraient être les premières victimes de ce dilemme… » (quatrième de couverture).

Mon fils et moi étions sortis déçus du quatrième tome qui traînait en route, faisait des détours qui perdaient le lecteur dans des détails superflus. Ce nouveau tome reprend mieux le scénario en main. Il se concentre sur le duo de personnages principaux et l’ambiguïté des sentiments qui les animent. Le suspense est préservé quant à l’identité d’un homme qui évolue en périphérie de l’histoire depuis le premier tome et les intentions de chacun se dessinent davantage. Au dessin, le travail de Li Lu est toujours aussi soigné et parvient tout à fait à rendre compte de la rapidité d’une bagarre ou d’un geste brusque. Côté scénario, je ne suis toujours pas totalement convaincue. Depuis la sortie du premier tome, cette série est annoncée en six tomes. Au fil des albums, différents éléments ont été portés à la connaissance du lecteur ; ils laissaient à penser que l’intrigue initiale était bien plus complexe que ne le laissait supposer le tome 1. Peu à peu, des personnages secondaires se sont imposés et à ce stade de la série, deux d’entre eux semblent être en mesure de faire basculer l’issue finale, tandis que l’héroïne ne parvient toujours pas à prendre le dessus vis-à-vis du pouvoir qui est en elle.

L’histoire pourrait être intéressante d’autant que les auteurs prennent le temps, à chaque début de tome, de travailler un texte qui présente de façon didactique quelques repères historiques propres à la ville de Shanghai à cette époque (années 1930). Mais si les trois premiers tomes étaient bien construits et incitaient plutôt à poursuivre la lecture… depuis le tome 4, on dirait que la série s’essouffle. On se perd davantage dans une romance que dans une intrigue mettant en scène des personnages immortels dotés d’une force surhumaine.

PictomouiCertes, ce cinquième tome est moins confus que le précédent ; les transitions entre les scènes sont mieux travaillées et on n’a plus l’impression que certains passages sont saugrenus et sans rapport avec l’intrigue principale. Cependant, le scénario manque de profondeur, de rondeur. On s’attache assez peu aux personnages, on tourne un peu machinalement les pages… c’est plat et cela est bien étonnant de la part de Patrick Marty qui nous avait habitué à autre chose (« Le Juge Bao » notamment).

L’Ombre de Shanghai

Tome 5 : L’Evasion

Série en cours

Editeur : Feï

Dessinateur : Li LU

Scénaristes : Williams CREPIN & Patrick MARTY

Dépôt légal : octobre 2016

85 pages, 12,90 euros, ISBN : 978-2-35966-244-3

Bulles bulles bulles…

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L’Ombre de Shanghai, tome 5 – Crépin – Marty – Lu © Editions Feï – 2016

L’Ombre de Shanghai, tome 4 (Marty & Crépin & Lu)

Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2016
Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2016

« Lila, bouleversée, vient d’apprendre le secret de l’ombre, et la vérité sur son enfance. Pendant ce temps, toutes les forces de police sont mobilisées pour retrouver le monstre, Gaspard cherche par tous les moyens de la retrouver, alors qu’une menace plane sur Clara… » (synopsis éditeur).

Quatrième tome d’une série qui devrait en compter six, « Pris au piège » continue à apporter de nouvelles informations sur les différents protagonistes. Après avoir fouillé dans le passé de quelques personnages (dont les deux personnages principaux), on obtient cette fois une information importante sur l’un des personnages secondaires… information qui est pour le moins surprenante. J’avais pourtant eu plaisir à découvrir les trois premiers tomes en compagnie de mon fils aîné mais cette quatrième partie nous a déçus. Les transitions dont on fait l’économie, les rebondissements dont on ne sait pas réellement où ils vont nous conduire, les passages qui n’apportent pas grand-chose à l’intrigue principale… Si l’on s’est attaché aux personnages durant les premiers tomes, ce quatrième album est loin d’être le meilleur de la série.

On avance très peu au niveau de l’intrigue. Des deux personnages principaux, c’est Lila qui offre le jeu le plus intéressant et c’est sur ses seules épaules que repose la série. Son personnage est juste, dans ses attitudes comme dans ses propos ; elle est ambiguë mais son double maléfique la trouble. Les interventions des autres personnages sont plutôt théâtrales, les auteurs n’ont pas su trouver le ton juste dans cet album. Le scénario est dissonant et les réactions manque d’un peu de spontanéité.

Chaque album de cette série propose un avant-propos contenant des précisions sur le contexte historique de l’époque (les années 1930). Su jusqu’à présent il me semblait que le lecteur était face à un texte riche, détaillé et vivant. Pourtant ici, comme si cette première impression annonçait notre ressenti en fin de lecture, il m’a semblé que le texte perdait de sa chaleur et ne gardait que le côté didactique de l’exercice.

Les illustrations de Li Lu gardent leur qualité. La dessinatrice est vigilante au moindre détail et l’impression que j’avais légèrement ressentie dans le premier tome (quelques postures et expressions de visage figées) a totalement disparu.

pictobofSurpris et déçus par ce passage à vide dans la série, nous voilà moins impatients – mais tout aussi curieux – de découvrir la suite de cette saga. En espérant que les auteurs sauront rebondir.

Ma chronique sur les trois premiers titres de la série.

L’Ombre de Shanghai

Tome 4 : Pris au piège

Série en cours

Editeur : Feï

Dessinateur : Li LU

Scénaristes : Patrick MARTY & Williams CREPIN

Dépôt légal : mai 2016

96 pages, 12,90 euros, ISBN : 978-2-35966-238-2

Bulles bulles bulles…

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L’Ombre de Shanghai – Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2016

L’Ombre de Shanghaï, tomes 1 à 3 (Marty & Crépin & Lu)

Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2014
Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2014
Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2015
Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2015

Shanghai. 1930.

La ville ne cesse de prospérer. Marchands, artistes, hommes d’affaires… La « Perle d’Asie », puisque c’est ainsi qu’on la surnomme, est l’endroit où il faut être et se montrer. La ville est en effervescence constante, particulièrement en ce jour radieux où une diva italienne doit débarquer pour une escale de courte durée. Mais si Max et Eva Cartier attendent impatiemment c’est pour accueillir Gaspard, leur fils, qui revient de France après sept années d’absence. Lila les accompagne, heureuse à l’idée de retrouver son ami d’enfance. Le cœur de la jeune fille bat la chamade… et c’est avec tristesse qu’elle constate que c’est un adolescent hautain qui vient à leur rencontre.

Marty – Lu © Editions Feï – 2015
Marty – Lu © Editions Feï – 2015

Enfants, Lila et Gaspard avaient fait un pacte : « Gaspard, si tu dois partir loin de moi, nous devons échanger nos sangs, et devenir frère et sœur pour l’éternité ». Aujourd’hui encore, une fine cicatrice à la base du poignet, lui rappelle encore cette promesse faite sept ans plus tôt. Et aussi troublant cela soit-il, la marque est brûlante et rouge vif depuis le retour de Gaspard. Quelques jours plus tard, épuisée par une journée éprouvante, Lila s’est endormie. Tandis qu’elle est plongée dans un profond sommeil, une ombre s’extrait doucement de son corps et s’envole dans les airs.

Nous connaissions Patrick Marty pour ses séries « Le Juge Bao » et « La Balade de Yaya ». Pour avoir lu la première, je savais que j’avais de grandes chances de profiter d’un scénario bien ficelé. D’ailleurs, chaque tome s’ouvre sur un avant-propos qui donne des indications historiques (économie, sociologie, Art…) sur la société chinoise des années 1930 où le modernisme cohabite avec les traditions séculaires chinoises.

Dans cette nouvelle série – qui comprendra en tout six tomes – qu’il situe de nouveau en Chine, le scénariste prend le temps d’installer personnages et intrigue. Il faut attendre la fin du second tome pour que tous les éléments du récit soient en place. Durant ce laps de temps, la tension est montée en douceur et vient donner un peu de consistance à la romance qui unit le duo de personnages principaux : Gaspard l’européen et Lila la petite chinoise. Le scénario de « L’Ombre de Shanghai » a été écrit à quatre mains sur les deux premiers tomes puisque Patrick Marty y collabore avec le romancier Williams Crépin. Outre la psychologie des personnages, les auteurs s’attardent à montrer « l’âme » de Shanghai à cette époque : une cité en effervescence, une émulation culturelle et artistique, un port florissant, de riches familles venues de toute l’Europe fréquentent le centre névralgique de la ville, tout comme les triades qui font régner leurs lois. Mafia, corruption, guerre des clans, pauvreté… c’est dans ce microcosme cosmopolite que nos deux jeunes héros ont grandi et fait leurs premières armes.

L’Ombre de Shanghai, tome 1 – Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2014
L’Ombre de Shanghai, tome 1 – Marty – Crepin – Lu © Editions Feï – 2014

Outre ce contexte géographique qui sert de décor à l’intrigue, Patrick Marty imagine la naissance d’un personnage doté de pouvoirs surnaturels. Le scénariste met en avant un personnage féminin troublé : Lila est une adolescente réservée et précautionneuse mais lorsque la colère la gagne, elle se transforme en une femme épanouie, au corps athlétique et au caractère bien trempé. Les deux personnalités ne se reconnaissent pas l’une l’autre. Lila n’a aucun souvenir des faits et gestes de celle que le qu’en-dira-t-on surnomme « L’Ombre » et L’Ombre ne tient pas compte de l’affection que Lila peut porter à tel ou tel individu (dans le tome 3, une scène de combat entre le père de Lila et « L’Ombre » nous en apporte la confirmation). Un contraste fille fragile et femme forte.

Les illustrations sont réalisées par Li Lu, jeune auteure chinoise qui s’est installée en France en 2002. Ses dessins sont d’une grande pureté et il est agréable de plonger dans cet univers. Les couleurs sont lumineuses, les cases fourmillent de détails, les portraits sont soignés et le trait est fluide. Tout est en mouvement et l’ambiance graphique permet de saisir chaque émotion au moment où elle est ressentie par un personnage. Pour une première, Li Lu frappe fort. J’ai bien aimé ce travail d’illustration même si le dessin est plus « lisse » que ceux des ouvrages vers lesquels je me tourne habituellement. La mise en couleurs est réussie, les découpes de planche sont pertinentes et dynamisent le rythme de lecture à bon escient. A la fin de chaque tome, un aperçu des travaux préparatoires réalisés par Li Lu pour saisir ses personnages. Intitulés « Carnet des croquis », ces quelques pages de bonus nous permettent de refermer chaque tome en douceur.

PictoOKManipulation, sentiment, respect, corruption, fidélité, tromperie… Il y a là tout un panel d’ingrédients qui enrichit la douce romance adolescente. Dès le premier tome, quelques passages nous préparent progressivement à accueillir « L’Ombre », personnage mystérieux, sorte de double maléfique de la jeune fille.

Une agréable découverte cependant, j’apprécie lorsque les intrigues sont épicées et celle-ci manque un peu de piquant…

L’Ombre de Shanghai

Tome 1 : Le Retour du fils

Tome 2 : Le Fantôme de l’opéra

Tome 3 : Une alliée redoutable

Série en cours

Editeur : Feï

Dessinateur : Li LU

Scénaristes : Patrick MARTY & Williams CREPIN

Dépôt légal : (tome 1) septembre 2014, (tome 2) mais 2015, (tome 3) octobre 2015

ISBN : 978-2-35966-013-5 / 978-2-35966-014-2 / 978-2-35966-012-8

Bulles bulles bulles…

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L’Ombre de Shanghai, tomes 1 à 3 – Marty – Crépin – Lu © Editions Feï – 2014 à 2015

Juge Bao, tomes 1 et 2 (Marty & Nie)

Juge Bao & le Phoenix de Jade
Marty – Nie © Editions Fei – 2010

Chine, début du 11ème siècle.

« L’Empire vit un véritable essor, tant d’un point de vue matériel qu’intellectuel. Une puissante économie de marché voit le jour. Mais si le pouvoir central extrêmement fort favorise une grande stabilité dans le pays, il doit en revanche sans cesse lutter contre une corruption endémique et galopante.

(…)

Juge Bao & le Roi des enfants
Marty – Nie © Editions Fei – 2010

Pour lutter contre ce fléau, l’Empereur Ren-Zong donne les pleins pouvoirs  à un juge dont la réputation s’étend jusqu’aux confins de l’Empire, le Juge Bao » (Extrait de l’Avant-propos de Juge Bao & le Phoenix de jade).

Ce polar nous plonge dans la société féodale chinoise. Chaque tome de la série développe une intrigue complète, les albums peuvent donc se lire indépendamment les uns des autres. D’un tome à l’autre, on repère une récurrence dans la manière de développer le récit, créant une certaine redondance dans la lecture. On identifie au premier coup d’œil les étapes narratives : 1/ Un état initial qui définit le cadre de l’intrigue : il met en place le lieu, l’époque, les personnages…, 2/ Un événement perturbateur ou modificateur qui remet en cause l’état initial: rencontre, découverte, événement inattendu… 3/ Une suite de transformations modifie la situation des personnages : elles peuvent prendre la forme de péripéties, de rebondissements ou de coups de théâtre. 4/ Un événement équilibrant ou élément de résolution qui annonce la résolution de l’intrigue et 5/ L’état final est celui, heureux ou malheureux, des personnages à la fin du récit.

J’ai eu l’impression que Patrick Marty construisait ses intrigues de manière mécanique autour de personnages assez stéréotypés. Le contexte historique sur lequel se construisent les enquêtes est riche et permet de se sensibiliser à la hiérarchie sociale de la culture chinoise en abordant les enjeux politico-financier à l’échelle urbaine. Il permet également de donner un aperçu de ses répercussions d’un bout à l’autre de l’échelle sociale : des indigents aux notables. Les liens tissés entre chaque élément du récit sont parfois un peu lourds, parfois prévisibles. Pourtant, malgré cette trame narrative très figée d’un récit à l’autre, le rythme de lecture est agréable, sans accélération majeure ; cela permet d’entretenir la tension tout au long des albums et de préserver le dénouement. Une fois le pot aux roses découvert, un passage final se consacre à travailler l’ouverture vers le tome suivant ; ici aussi, il y a quelque chose de très chirurgical dans cette manière de travailler : c’est propre mais dépourvu de tout affect. Enfin, la découpe de planches n’étant pas toujours opérationnelle, on reprend régulièrement la lecture de la case précédente, on balbutie sur l’ordre de lecture des cases… Le fait de proposer cet ouvrage dans le sens occidental de lecture en est-il responsable ?

Graphiquement, le trait de Chongrui Nie est assez lourd, voire inesthétique sur de nombreux passages. Si l’on remarque du premier coup d’œil la précision des visuels et la finesse du trait, quelques gênes sont à noter durant la lecture. La principale est due à la retranscription des expressions faciales et corporelles des personnages : les attitudes sont figées, le souci du détail alourdi le propos. Le rendu final donne l’impression que les visages ont été retravaillés à partir de photographies, rendant certains portraits très surfaits. Enfin, les mouvements sont mal rendus et on identifie mal les personnages (une difficulté assez prononcée car, associé à la présence régulière de nombreux noms chinois, j’avoue m’être perdue entre les uns et les autres). La mise en scène visuelle donne lieu à des attitudes très théâtralisées.

Le mélange de références artistiques (franco-berlge et manhua) crée une ambiance intemporelle que j’ai beaucoup apprécié. J’imagine aisément qu’un lecteur à qui on présenterait cette série sans plus d’informations pourrait situer sa réalisation dans les années 70-80. Mais ce dessin vieillot aide à faire ressortir une ambiance d’époque.

PictoOKMalgré tous mes griefs, je trouve que cette recette fonctionne bien. La lecture est fluide et divertissante. Je n’ai pas soufflé durant ma lecture, on se plonge rapidement dans les intrigues à la rencontre des personnages, on tente de percer le vrai du faux avec l’espoir d’y parvenir avant que le Juge Bao ne prononce le mot final. Pas de pause dans la lecture des tomes. Ce n’est pas un coup de cœur mais je suis satisfaite du dépaysement offert par cette série.

Étrange série cependant que j’aurais tendance à conseiller bien que je suis consciente que ses détracteurs seront nombreux. Pourtant, la lourdeur du trait de Chongrui Nie sert réellement la tension et l’ambiance dégagée par cette société de notables corrompus, de manipulations, de malversations et de crasse dans laquelle les plus pauvres n’ont plus qu’à se rouler. Enfin, l’objet en lui-même : un album petit format à l’italienne que l’on tient bien en main. Je poursuivrais la série et je verrais de tome en tome si cette envie persiste.

Une série prévue en 9 tomes.

Merci à Jérôme pour cette découverte !

Les avis de Littexpress, Manga News, Cédric Ferrand, Lelf et Maijo.

Une interview de Patrick Marty sur ActuaBD, sur France TV.

Juge Bao

Tome 1 : Juge Bao & le Phoenix de Jade

Challenge Petit Bac

Tome 2 : Juge Bao & le Roi des Enfants

Série en cours

Éditeur : Les Éditions Fei

Dessinateur : Chongrui NIE

Scénariste : Patrick MARTY

Dépôt légal : janvier 2010 (tome 1) et avril 2010 (tome 2)

ISBN : (tome 1) 978-2-35966-000-5 et (tome 2) 978-2-35966-001-2

Bulles bulles bulles…

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Juge Bao, tomes 1 et 2 – Marty – Nie © Les Éditions Feï – 2010