Le Silence est d’ombre (Clément & Sanoe)

Clément – Sanoe © Guy Delcourt Productions – 2020

Amun est un garçonnet timide. Il traverse sa vie comme une ombre, osant à peine élever la voix. La journée, il suit attentivement les cours puis une fois la classe terminée, il s’attèle méticuleusement aux tâches de l’orphelinat qui lui sont confiées. Durant les repas et les moments de temps libre, Amun préfère rester seul. Il n’a pas d’amis. Et le soir, quand toutes les lumières sont éteintes dans le dortoir, Amun met du temps à s’endormir puis sombre dans un profond sommeil.

Une nuit, un incendie se déclare dans les cuisines. En un rien de temps, il se propage au reste du bâtiment. Surpris par l’intensité des flammes, l’évacuation se fait dans la précipitation. Tout le monde est pris en charge… sauf Amun qui dort à poings fermés. Amun décède dans l’incendie. Il devient un fantôme, erre de terre en terre, de ville en ville et savoure cette solitude inespérée. Dans cette transition entre sa vie passée et sa vie future, Amun va savourer cette solitude inespérée jusqu’à sa rencontre avec Yaël.

La Collection des « Contes des Cœurs perdus » est assez récente dans le catalogue Delcourt. Créée en 2020 à l’occasion de la sortie de « Jeannot », cette collection regroupe les récits de Loïc Clément. « Le Silence est d’ombre » vient se glisser aux côtés des autres ouvrages du scénariste et on repère au détour de certaines cases des clins d’œil chaleureux adressés à « Chaussette », « Chaque jour Dracula » [lu mais non chroniqué] ou encore « Le Voleur de Souhaits ». Est-ce une démarche volontaire de Loïc Clément de faire d’Amun, son petit héros fantôme, une sorte de fil conducteur en ses autres récits ou une initiative de Sanoe qui dessine pour la première fois sur un scénario de Loïc Clément ?

J’ai réellement apprécié le fait de retrouver le trait délicat qui m’avait fait voyager sur « La Grande Ourse ». Le trait de Sanoe compose parfaitement avec le monde silencieux de ce petit fantôme. L’autrice exploite la couleur de telle façon que visuellement, on a l’impression qu’une explosion colorée vient inonder nos pupilles alors qu’en premier plan, c’est tout de même un personnage profondément triste et sans réelle attirance pour la vie et pour ses pairs qui porte le récit…. et les couleurs de l’album portent le lecteur. Ce sont elles qui nous invitent à poursuivre, à tourner les pages, à poser les yeux sur ces planches magnifiques remplies de décors très détaillés, réalistes, presque vivants au point que l’on puisse y entendre les bruits de la ville ou les gazouillements des oiseaux.

« Après la vie, il y a la mort, et avant une nouvelle vie, il existe un entre-deux que l’on appelle le « monde sombre »… Ceux qui habitent ce monde lié au nôtre conservent leur apparence mais ne sont plus que des coquilles vides… »

J’ai eu plus de mal avec la partie écrite de l’histoire… Le temps de la lecture du moins. Le récit développe l’idée que l’âme d’un individu continue à exister alors qu’il est physiquement mort. La réincarnation survient plus ou moins longtemps après, lorsque l’âme est prête à expérimenter un nouveau cycle de vie. Sur ce postulat de fond, je n’ai rien à redire. Le ton narratif en revanche est fort sombre – pour ne pas dire mélancolique -… un choix assez surprenant pour un album jeunesse. D’autres ouvrages ont pourtant montré qu’il était possible de parler de mort, de deuil, d’absence ou de mal de vivre avec un jeune lectorat sans surfer sur un excès de pathos ; je pense pêle-mêle à « Passe-Passe » (le deuil d’un proche), à « Chaussette » – où Loïc Clément avait si justement abordé la question du deuil et de la séparation -, à « Garance », à « Nora » ou bien encore « Louis parmi les spectres » qui se penche sur la solitude enfantine.

Ici en revanche, j’ai trouvé que le scénariste avec eu un peu la main lourde sur le sérieux de l’affaire. Ça plombe le moral. La première lecture est dérangeante car l’ambiance du « Silence est d’ombre » est lourde. Un peu trop lourde. On navigue à vue et cela déroute. On accuse le coup : la présence d’un orphelin en manque d’amour et en manque d’amis, un garçonnet que la mort libère d’une vie remplie d’une tristesse infinie. Cela déboussole. En poussant la chansonnette assez loin, on pourrait facilement penser qu’Amun a préféré mourir dans les flammes plutôt que de faire appel à un instinct de survie qui est presque inexistant chez lui. Un suicide déguisé ? Vient ensuite l’éloge de la solitude et d’une vie sans attaches (affectives, amicales…) ; le fait que le personnage trouve-là une opportunité pour s’épanouir laisse un peu pantois… Et si l’ambiance des quatre dernières pages effectue un virage radical comparé au reste de l’album… je suis restée un peu interdite face à cet album. L’histoire de quelques jours. Histoire de la digérer. L’effet saisissant de la première lecture disparaît, la seconde lecture sera plus leste et l’optimisme du dénouement diffusera plus généreusement ses effluves.

Eviter peut-être de découvrir ce titre en présence de votre enfant. Lisez, digérez (c’est savoureux finalement 😉 )… et proposez ensuite à votre jeune lecteur de faire cette lecture pour être plus vaillant dans la manière dont vous pourrez ensuite accueillir ses questions et/ ou ses impressions de lecture.

Pour le reste, les commentaires sont ouverts pour parler de ce titre. Que vous ayez accueilli ce titre de la même manière que moi ou différemment, je suis preneuse de tout échange qui passerait par ici !!

Le Silence est d’ombre (One shot)

Editeur : Delcourt / Collection : Les Contes des Cœurs perdus

Dessinateur : SANOE / Scénariste : Loïc CLEMENT

Dépôt légal : octobre 2020 / 40 pages / 10,95 euros

ISBN : 9782413019718

Jeannot (Clément & Maurel)

Clément – Maurel © Guy Delcourt Productions – 2020

Il s’appelle Jeannot. La soixantaine bien tassée. Ancien jardinier. Le fil rouge de sa vie, c’est le soin (très) méticuleux qu’il a mis toute sa vie à s’occuper des plantes. Mais…

Sa vie a déjà basculé une fois. Il avait la quarantaine quand les tourments de la vie les poussent, sa femme et lui, au divorce. Un divorce qui l’affecte profondément. Et soudainement, suite à cette bourrasque qui a emporté sa vie d’avant, Jeannot s’est mis à entendre ce que disent les plantes. Cela pourrait être vu comme une bénédiction pour un jardinier… mais Jeannot le vit comme une malédiction.

 « … car si vous pouviez entendre parler les plantes, comme moi… vous constateriez que la plupart sont bêtes comme leurs racines. »

Cette aigreur qu’il ressent depuis des années l’a changé en vieux ronchon. Des années qu’il ressasse cette colère et presque rien ne l’apaise. Jusqu’à sa rencontre avec Josette… vous savez cette Josette que Merlin a affectueusement surnommée « Chaussette » !

Oh quel régal de pouvoir savourer cette pépite d’album jeunesse ! C’est une courte parenthèse (quarante pages, ça se lit rudement vite !) mais le résultat est beau. C’est aussi l’occasion de découvrir le premier titre de ce duo formé par Loïc Clément et Carole Maurel… un peu surprenante parenthèse car j’étais très habituée aux collaborations que le scénariste a eues avec Anne Montel avec notamment à leur actif Chaussette, Les Jours sucrés ou plus récemment Miss Charity (que j’ai lu mais non chroniqué).

Alors forcément, je n’ai pas fait le lien de suite avec « Chaussette » (paru en avril 2017 et qui fut pour moi un énooormissime coup de cœur). Je n’ai pas fait le lien parce que Josette n’y est pas le personnage principal… Puis je n’y étais pas préparée… Puis elle arrive dans un second temps, lorsqu’on se repère un peu dans le quotidien de Jeannot et que j’étais déjà là à rire sous cape en observant ce vieux bougon… Puis enfin [c’est le dernier] je n’ai pas fait le lien de suite parce que l’histoire de Jeannot est différente. Cerise sur le gâteau : il n’est pas nécessaire d’avoir lu « Chaussette » avant pour s’immiscer dans l’univers et s’y sentir bien.

« Jeannot » est un album plus mature que « Chaussette » . C’est du moins comme cela que je l’ai perçu. J’ai trouvé que le personnage principal avait une personnalité plus affirmée. Son grain de folie s’impose bien plus que celui de Josette. Cela tient aussi à la façon dont on entre dans sa vie : de plein-pied [pour l’histoire de Josette, c’était une drôle de filature que réalisait un enfant… forcément un récit plus onirique, un peu naïf]. La réelle différence tient au travail de Carole Maurel. On passe ainsi du crayonné printanier qui collait parfaitement avec le personnage féminin à un dessin plus épais, plus automnal dans ses teintes. Il se marie très bien à la personnalité de Jeannot.

Un drôle d’album qui nous amène sans crier gare sur un sujet douloureux. Support intermédiaire idéal pour parler de la question du deuil avec un jeune lecteur.

Jeannot (one shot)

Editeur : Delcourt / Collection : Les contes des cœurs perdus

Dessinateur : Carole MAUREL / Scénariste : Loïc CLEMENT

Dépôt légal : juin 2020 / 40 pages / 10,95 euros

ISBN : 978-2-4130-1965-7

Les Jours sucrés (Clément & Montel)

Clément – Montel © Dargaud – 2016

Ce n’est pas évident d’avoir une relation affective avec son collègue. Encore moins quand ce collègue… est son patron. C’est pourtant là qu’Eglantine en est, hésitant à prendre cette relation au sérieux ou à s’en détacher. Elle sature de cette ambiguïté mais n’ose pas se l’avouer. Elle cherche aussi à dompter ce fichu stress que lui impose son boulot, les dead-line serrées et les desiderata stupides des clients. Elle ne s’épanouit pas au travail mais là aussi, elle ne se l’avoue pas. Et comme si ce n’était pas assez compliqué, Eglantine apprend que son père – avec qui elle n’a plus de contact depuis 20 ans – est décédé. Seule héritière, elle va devoir aller en Bretagne pour rencontrer le notaire et organiser la succession.

Son avenir immédiat, ce sont donc ces quelques jours désagréables, remplis de formalités dont la vente de la boulangerie, encombrant fonds de commerce de son père dont elle a hérité. Direction Klervi ! Les souvenirs remontent à sa mémoire pendant le trajet. A mesure que le train dévore les kilomètres et la rapproche de son village natal, la colère monte en elle. Arrivée à destination, elle est remontée comme un coucou et bien décidée à faire les démarches au plus vite. Mais c’est sans compter que la vie réserve parfois des surprises. Dans ce village où elle a passé la majeure partie de son enfance, Eglantine est gagnée par un sentiment de bien-être qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps. La présence de Gaël (un ami d’enfance) et de Marronde (la tante d’Eglantine) n’est pas étrangère à cela.

« Imaginez un coffre-fort verrouillé. Consciemment ou non, Gaël parvenait peu à peu à en retrouver la combinaison… mais avais-je seulement envie de savoir ce qu’il contenait ? »

Ça fait longtemps maintenant que j’ai cet album. Et je ne l’avais jamais lu car c’est tout à fait le genre de petite madeleine [de Proust] que l’on se met de côté en se disant qu’il viendra un jour réchauffer la grisaille d’une période délicate à passer. Le confinement lié au Covid brassant pas mal de grisaille… j’ai sorti « Les Jours sucrés » de ma PAL. J’avais besoin de douceur.

Puis… j’étais conquise d’avance car par le passé, à chaque fois que j’ai lu un album réalisé par le duo d’auteurs formés par Loïc Clément et Anne Montel, cela a été des instants forts et émouvants. Que ce soit « Chaussette » ou « Chroniques de l’île perdue » , c’était pour moi l’occasion de vivre un superbe voyage imaginaire aux côtés de personnages haut en couleurs et capables de porter sur leurs épaules pourtant frêles un récit époustouflant, éprouvant. Tout part généralement d’une séparation douloureuse avec un être cher. Ce deuil difficile à faire, cette promiscuité avec la mort que l’on aurait préféré ne pas avoir à vivre… voilà le point de départ de ces histoires qui, à coup sûr, vont nous émouvoir. Anne Montel et Loïc Clément accompagnent délicatement le lecteur dans cette expérience-là. Ils nous montrent qu’il est possible d’apprivoiser la mort, de la regarder en face et de l’accepter afin que cette fissure au cœur se colmate. Ils racontent avec justesse le processus de deuil en utilisant non pas le pathos mais la poésie ; ils y ajoutent un précieux soupçon de folie douce.

Loïc Clément construit une fois encore un récit bourré d’humanité. Il lui en faut peu pour installer un univers que l’on va avoir envie de dévorer avec gourmandise : de la bonne humeur, des humeurs chiffon, de la complicité, de la fraicheur, des petits moments de bonheur, un peu de mauvaise foi et de malice. Le tour est presque joué. Il y ajoute une lecture plus sociale de l’actualité ; ici, il sera question des problématiques liées à l’exode rural. Son scénario est simple sans être simpliste et, comme à l’accoutumée, bourré d’humour.

Au dessin, Anne Montel installe le décor d’un petit village breton charmant. Elle illustre chaque détail décoratif et chaque personnage avec beaucoup de tendresse. La fraicheur graphique fait un bien fou et nous convie dès la première page à prendre place. L’accueil est chaleureux, bienveillante. Outre le fait qu’elle nous invite à observer cette petite parenthèse enchantée. Elle nous permet aussi de vivre et ressentir pleinement les émotions des différents protagonistes. A chaque nouvelle planche, l’autrice réinvente les codes de l’art séquentiel. Elle ose, s’amuse avec ses pinceaux autant qu’avec les personnages, fait pétiller le tout avec des couleurs qui – à elles seules – sont gorgées de rires et de bonnes ondes. Elle place de-ci de-là sur ses planches à dessin ses personnages, les fait bouger avec une fluidité étonnante. On entend presque le son de leurs voix et l’éclat de leurs rires.

Le récit est agrémenté de quelques recettes de pâtisserie qui nous mettent l’eau à la bouche ainsi que de références artistiques qui donnent faim de se replonger dans les œuvres de Gustave Doré. Enfin, l’album nous donne aussi l’envie d’aller fureter dans nos greniers dans l’espoir d’y trouver de petits trésors : vieilles photos, journaux intimes, objets d’un autre siècle… d’un autre temps.

Pépite que cet album sucré-salé malicieux et absolument succulent. Je recommande vivement.

Les Jours sucrés (récit complet)

Editeur : Dargaud

Dessinateur : Anne MONTEL / Scénariste : Loïc CLEMENT

Dépôt légal : février 2016 / 145 pages / 19,99 euros

ISBN : 978-2205-07384-3

Le Voleur de souhaits (Clément & Gatignol)

Clément – Gatignol © Guy Delcourt Productions – 2017

Félix est un petit garçon pas comme les autres. Rêveur, il adore flâner seul dans la nature. Et puis Félix a une lubie pour le moins originale. Il collectionne les souhaits. Il ne se sépare jamais de son sac à dos dans lequel il enfourne pêle-mêle petit et grands bocaux qui lui permettent d’attraper les souhaits des personnes qui éternuent. Des souhaits bleus, verts, jaunes, roses… des souhaits de partir en voyage, de trouver un trésor, de devenir fort… Félix a rempli des étagères complètes avec les souhaits des autres.

Puis un jour, Félix rencontre Calliope. Elle le fascine. Elle l’intrigue d’autant que sa formule habituelle ne lui permet pas d’attraper les souhaits de Calliope quand elle éternue. Voilà un mystère qu’il est bien décidé à percer.

Il y a quelques semaines, je vous présentais « Chaussette », un album jeunesse scénarisé par Loïc Clément et illustré par Anne Montel. Un vrai coup de cœur. L’actualité de Loïc Clément était très riche en avril puisqu’il a publié non pas un mais deux albums chez Delcourt. Deux albums très différents. Tous deux mettent un jeune garçon au cœur de l’intrigue et tous deux parlent d’amitié. Oui mais voilà, en dehors de ces deux points communs, on ne trouvera pas d’autres similitudes.

Il est ici question d’une histoire d’amitié entre ce que l’on pourrait appeler des âmes sœurs. Un garçon blond, dynamique, curieux et passionné d’un côté. Un solitaire. Comme cette fille qu’il rencontre d’ailleurs. Elle est brune, mystérieuse, gracieuse et déjà très charismatique pour son âge. Il était peu probable qu’entre eux le courant passe et pourtant, ils parviennent à trouver un « terrain » d’entente. C’est autour de l’étonnante collection de souhaits de Félix que leurs liens vont se tisser et qu’ils vont finalement trouver le courage d’affronter leurs peurs et de s’ouvrir au monde. Une quête identitaire qu’ils mènent côte à côte. Et leur premier constat sera aussi surprenant que ce qu’ils vont découvrir sur eux-mêmes.

Le voleur de souhaits – Clément – Gatignol © Guy Delcourt Productions – 2017

Loïc Clément choisit de se concentrer exclusivement sur ce duo de personnages. Un huis-clos entre deux enfants, une bulle qui leur permet d’évoluer. Il n’y a pas d’adultes dans ce récit. On les voit tout au plus apparaître de-ci de-là dans les cases mais ils n’interviennent pas, ils n’interagissent pas et ils semblent ne pas avoir d’influence sur ces deux enfants qui construisent pas à pas leur monde imaginaire.

Les dessins de Bertrand Gatignol sont très expressifs et cassent le côté mélancolique de la narration. Beaucoup de rondeurs ici, beaucoup de non-dits également. Tout passe par le regard des enfants : la colère, l’agacement, la surprise, la bienveillance… J’ai trouvé le dessin trop doux, trop rond, trop lisse et cela tient en partie par la mise en couleur qui est vraiment basico-basique ; on a peu de dégradés et même si les mouvements des personnages sont fluides, l’ambiance reste superficielle… presque impersonnelle.. C’est simple, je suis restée à survoler le graphisme, à grogner en voyant que seuls les yeux des personnages expriment quelque chose (mais c’est loin de suffire !!). Et à la maison, j’ai deux jeunes lecteurs qui, après avoir feuilleté l’album, restent réticents à l’idée de lire ce récit.

Une petite parenthèse enchantée à deux facettes. Le scénario est aboutit, le postulat de départ est original et atypique. Une douce histoire d’amitié qui fait rêver. Une fin qui ouvre la porte sur tous les possibles. Mais le dessin qui accompagne l’histoire n’invite pas tellement à la lecture. Un album agréable mais pas indispensable.

Une lecture que je partage avec Noukette !

Le Voleur de souhaits

One shot
Editeur : Delcourt
Collection : Jeunesse
Dessinateur : Bertrand GATIGNOL
Scénariste : Loïc CLEMENT
Dépôt légal : avril 2017
32 pages, 10,95 euros, ISBN : 978-2-7560-7527-3

Bulles bulles bulles…

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Le voleur de souhaits – Clément – Gatignol © Guy Delcourt Productions – 2017

Chaussette (Clément & Montel)

Clément – Montel © Guy Delcourt Productions – 2017

Une nouvelle fois, le duo formé par Loïc Clément et Anne Montel se forme. Après « Shä & Salomé », « Les jours sucrés » et « Le Temps des mitaines », leur collaboration artistique est désormais rodée et nous fait découvrir aujourd’hui Chaussette, une vieille dame que son voisin – un petit garçon qui se prénomme Merlin – va se mettre à pister parce qu’il trouve qu’elle a un comportement bizarre.
En effet, ce matin-là, Chaussette sort de chez elle sans Dagobert, son fidèle compagnon. Et si la vieille dame suit son parcours matinal habituel, son attitude dans les différents lieux qu’elle fréquente est assez surprenante. Merlin est bien décidé à percer ce mystère de cet étrange et dérangeant changement. Le scénario nous fait vivre cette journée durant laquelle le gamin au parka jaune mène son enquête. Tous ses sens sont en éveil et les bizarreries de l’excentrique Chaussette le laissent dubitatif. Le narrateur commence par nous présenter Chaussette et le train-train journalier de la dame.

Ce qui m’amuse avec Chaussette, c’est qu’elle est réglée comme le métronome de mes cours de piano

Alors forcément, lorsqu’un grain de sable vient se glisser dans cette organisation très bien huilée, que d’autres grains de sable viennent former un petit tas de « hics » inhabituels et qu’on est en présence d’un enfant à l’imagination débordante… on a tôt fait de comprendre que « l’affaire Chaussette » va nous intéresser.

Loïc Clément se glisse dans la tête d’un enfant d’une dizaine d’années. Que l’on soit petit ou grand lecteur, on s’identifie rapidement au personnage. Dès la première page, le gamin à la parka jaune nous présente Chaussette et ce qu’il sait d’elle. On comprend que Chaussette est quelqu’un d’assez prévisible et donc d’assez rassurant pour un enfant. Il a vite fait de voir le changement et de nous mettre la puce à l’oreille. D’autant que le gamin jette des petits cailloux dans l’intrigue qui titillent notre curiosité. Il questionne et tente de trouver des réponses cohérentes à ses interrogations. Parfois, son raisonnement bute, ne trouvant pas de sens logique à donner à ce qu’il observe et nous, en écho, on tourne la page avec avidité, en se disant qu’on trouvera forcément dans la nouvelle planche un embryon de réponse.

Le personnage principal fait le point sur ce qu’il a compris de la vie et du sens à donner à certaines habitudes. Ce qui est drôle, c’est qu’il peut questionner les agissements de sa vieille voisine sans pour autant se sentir concerné par ses déductions. « Je crois qu’il y a des gens qui se rassurent avec la routine » … oui, les personnes âgées accordent une importance particulière aux gestes quotidiens… et pour les petits garçons qui s’inquiètent du moindre changement dans la vie des autres ? Voilà de quoi donner un peu de grain à moudre à notre jeune lecteur qui n’avait pas forcément vu les choses sous cet angle !

« Chaussette » est un album malin, rusé et qui offre une réelle interaction. Les réflexions du personnage principal font écho aux questions du jeune lecteur qui se pique au jeu de l’enquête. Au-delà de la question des habitudes, le récit nous emmène en douceur sur la notion d’absence et ce qui fait qu’un être qu’on a aimé nous manque. La mort nous rend triste mais la vie ne s’arrête pas là. Heureusement, on a eu le temps d’emmagasiner tout un tas de souvenirs, on pourra faire appel à eux dès que l’envie nous prend.

Les dessins colorés et aérés d’Anne Montel illustrent ce superbe scénario. Les aquarelles de l’artiste sont un vrai régal. On ne rate rien des petits détails qu’elle dispose un peu partout. Ils rendent ce monde très vivant, très ludique et plein d’espièglerie. Les teintes sont gaies et donnent une touche d’optimisme à cette histoire qui pourtant parle d’un sujet bien sérieux. Beaucoup d’humour dans cette histoire, une petite aussi bien dans le fond que dans la forme de l’histoire.

Ce que l’on remarque avant tout dans le scénario, c’est la fraîcheur avec laquelle cette intrigue est menée et la spontanéité des réactions de l’enfant. Un regard tendre et pétillant sur la vie. Rien ne dénote, tout est à sa place, « logiquement bancal » comme une réflexion enfantine peut l’être. Une interrogation pertinente sur le sens et l’importance des habitudes dans notre quotidien. L’ensemble est crédible jusqu’à ces mots d’enfants sucrés-salés et ces petites réflexions naïves qui pointent avec justesse la réalité. Un album touchant et drôle à la fois. Un beau coup de cœur jeunesse que j’ai découvert avec Noukette.

Extraits :

« Maman m’a expliqué qu’on parle d’ « artisan-boulanger » parce que la dame qui tient la boulangerie « met du cœur dans ce qu’elle fait ». Certains font juste du dépôt de pains, elle c’est plutôt du plein-pot de spécialités » (Chaussette).

« Ceux qu’on ne remarque pas, ceux qu’on traite comme de vieilles chaussettes, vivent parfois des joies et des peines sans un bruit » (Chaussette).

Jolie découverte que je partage à l’occasion de la « BD de la semaine ». Les pépites des bulleurs se retrouvent aujourd’hui chez Stephie !

Chaussette

One shot
Editeur : Delcourt
Collection : Delcourt Jeunesse
Dessinateur : Anne MONTEL
Scénariste : Loïc CLEMENT
Dépôt légal : avril 2017
30 euros, 10,95 euros, ISBN : 978-2-7560-7526-6

Bulles bulles bulles…

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Chaussette – Clément – Montel © Guy Delcourt Productions – 2017