Angoulême : photos du FIBD 2020

La 47ème édition du Festival International de la Bande-Dessinée s’est déroulée à Angoulême du 29 janvier au 2 février dernier. Il y avait beaucoup à voir, à lire, à faire…

Il y avait vraiment une bonne ambiance cette année et j’ai trouvé qu’il était très facile de circuler entre les différents espaces du festival… cette année, on piétinait moins sur place.

Un seul bémol : j’ai fait l’impasse complète sur le Off, faute de temps.

Retour en images sur cette édition 2020

« Aparté aquatique » … quand Cécile Bidault expose

Les auteurs en résidence : Chema Peral, Claire Fouquet, Claudia Blin & Co…

« Calvo, un Maître de la fable »

« Dans la tête de Pierre Christin »

« Nicole Claveloux : quand Okapi rencontre Metal Hurlant »

« Folklorique enfance, fantastique enfance » … quand Yakari, Naruto, Petit Vampire et Hilda sont à l’honneur

« Jean Frisano : de Tarzan à Marvel, l’Amérique fantasmée »

« Gunnm, l’ange mécanique »

Oriane Lassus exposée au sous-sol de la Maison du Papier

« Les Compagnons de la Libération » au Musée de la Déportation de la Résistance

« Catherine Meurisse, chemin de traverse »

« Lewis Trondheim fait des histoires »

« Yoshiharu Tsuge, être sans exister »

« Les mondes de Wallace Wood »

Angoulême c’est aussi … Marcher sous la pluie. Rire. Echanger. Commenter. Regarder. Contempler. Se retrouver. Parler. Partager. S’orienter. Se quitter. Se retrouver. Rencontrer. Traverser une haie d’honneur. Se réchauffer. Picoler. Ne rien prévoir. Se poser. Profiter de l’instant. Avoir/Être « dans le champ de vision » . Saisir l’occasion. Croiser. Reconnaître. Tchatcher. Oser. Pisser philosophique. Prendre un mètre… voire 25 centimètres. Des plots. Prendre la vie comme elle vient. Photographier. Déambuler. Saluer. Feuilleter. Acheter. Beuguer, beuguer, beuguer… et tant de choses qui ne se diront/se montreront pas ici mais qui réchauffent…

Fin de la parenthèse (Sfar)

Sfar © Rue de Sèvres – 2016
Sfar © Rue de Sèvres – 2016

Nous avions laissé Seabearstein sur une île lointaine et paradisiaque, soucieux de bien s’enivrer afin d’oublier Mireilledarc, sa muse et amante. Depuis, il a rencontré celle qui est devenue sa compagne. Epanoui et animé par la conviction d’avoir enfin trouvé sa place, Seabearstein s’étonne d’avoir répondu à une invitation qui l’oblige à rentrer à Paris.

Sur place, il fait la connaissance d’une jeune femme qui lui donne les derniers détails de sa mission. Il est chargé de participer à une expérience particulière. Il apprend notamment que Salvador Dali est cryogénisé et que ses employeurs ont décidé de le réveiller. Son rôle consiste dans un premier temps à recruter quatre top models qui accepteraient de poser nues puis de leur demander de s’enfermer quatre jours durant avec lui. Pendant que les filles déambuleront, nues, dans une maison remplies d’œuvres de Salvador Dali, Seabearstein les dessinera. Durant quatre jours, ils seront totalement isolés du monde extérieur, sans téléphone, télévision, radio ou ordinateur.

Cette mise en scène n’a d’autre fonction que celle de favoriser le « processus magique » qui doit opérer et conduire au réveil du maître du surréalisme. L’huis-clos atypique permet aux quatre femmes de se sensibiliser progressivement à l’œuvre de Dali. La prise de stupéfiants sera un vecteur favorisant leur éveil. A force d’être entourées par les toiles et sculptures de Dali, elles se mettent inconsciemment à incarner les postures représentées dans les œuvres dalinienne.

Joann Sfar est partout, tout le temps. Difficile de lui échapper tant il est présent dans les médias, tant il est actif, prolifique, « touche à tout ». Auteur de bande dessinée, réalisateur, romancier… et rien ne nous dit qu’il n’a pas d’autres cordes à son arc. Pourtant, son œuvre très personnelle, très identifiable (son trait est reconnaissable au premier coup d’œil) ne fait pas l’unanimité. Et quand bien même on apprécie une de ses œuvres, on n’est pas certain d’adhérer à la suivante. Cela ne marche pas tout le temps. Il n’est pas simple d’adhérer à son univers, de trouver le rythme, de s’accorder avec le ton. En revanche, lorsqu’on est synchrone, la lecture est un réel plaisir. On profite de chaque respiration, on est partie prenante dans les échanges, on participe en étant posé sur l’épaule d’un personnage ou accoudé à la même table que lui. On se laisse porter sans aucune certitude sur le plaisir ou le déplaisir que l’on ressentira une fois la lecture terminée.

Sur le bandeau de « Fin de la parenthèse », une accroche : « Quand Joann Sfar réveille Salvador Dali », suivie d’une invitation à venir découvrir l’exposition « Une seconde avant l’éveil » à l’Espace Dali (Paris) qui s’est ouverte le 9 septembre 2016… soit une petite semaine avant la sortie de « Fin de parenthèse » en librairie. Programme ambitieux, le timing en impose et – pour ne pas en rajouter – je me réserverais de parler de l’arrivée de son dernier roman autobiographique « Comment tu parles de ton père » (sorti le 1er septembre dernier) …

Joann Sfar est partout… son cerveau bouillonne…

Il y a 5 mois [à peine], les lecteurs découvraient « Tu n’as rien à craindre de moi » (Editions Rue de Sèvres) et faisaient la connaissance de Seabearstein. Un artiste qui vit par et pour son art. Ce nouvel album nous permet de savoir ce qu’il est devenu.

Dès la deuxième de couverture, la lecture commence. Habituellement cet endroit est vierge mais ici, des figures de tarots de Marseille surgissent et nous interpellent tandis que deux personnages conversent. Place à la lecture avant même d’avoir tourné la page de garde !! …  Le lecteur, compliant et amusé, est invité à abandonner les préliminaires habituels ; cette fois, il ne tournera pas mécaniquement la page de garde, puis l’austère page de titre avant de s’imprégner timidement des premières impressions produites par l’histoire. Sans tarder, le scénario nous plonge au cœur du sujet.

 « – Et je suis là pour quoi ?
– Vous êtes là pour s’il ne se réveille pas. »

Faire revivre un artiste. N’est-ce pas ce qu’un artiste contemporain fait lorsqu’il revisite l’œuvre d’un de ses pairs ? Explorer des œuvres, les visiter, observer.

Notre civilisation se terminera sans qu’on ait compris pourquoi nos semblables ont pu encore une fois se laisser empapaouter par l’idée absurde qu’un prêtre saurait mieux qu’un peintre. Dalí parlait de cryogénie. On lui disait « Maître, pourquoi répétez-vous sans cesse que vous allez être cryogénisé ». Et Dalí répondait, je le cite de mémoire, que le jour où l’on annoncerait son décès, il se trouverait toujours un con, au fond d’un bistro, quelque part dans le monde, pour balbutier « Non, il n’est pas mort, il est cry-o-gé-ni-sé ». Le con, c’est moi. Je le crois réincarné dans ses œuvres, je suis persuadé que rien n’est plus vivant que l’émotion qui vous retourne au moment où vous comprenez enfin une peinture que vous avez sous les yeux depuis toujours.

[Joann Sfar dans le préambule de l’album]

J’ai été troublée par les similitudes entre Joann Sfar et Seabearstein. Tous deux sont fascinés par Dali. Quand l’un rendre compte de ses explorations par le biais d’une exposition, l’autre s’isole quatre jours pour faire revivre l’esprit du Maître. Et Sfar lui-même n’a-t-il pas décoré un espace de telle manière à ce qu’il semble familier à Dali s’il venait à se réveiller réellement ? Et que dire de ce mouvement dans lequel on perçoit Sfar qui se fond dans Dali pour mieux en appréhender la démarche… et qui se fond ensuite dans Seabearstein pour rendre compte du fruit de son expérience ? Seabearstein est une projection fictive de son auteur mais les deux semblent se nourrir de leurs expérimentations respectives ; les défis que se lance l’auteur influencent les choix osés par son personnage… à moins que ce ne soit le contraire…

dalimannequins-001L’idée de départ de l’album est une photo de Dali. Sur le cliché, on y voit le peintre nous fixer du regard tandis qu’en arrière-plan, quatre femmes nues prennent la pose. Joann Sfar a rejoué cette photographie.

On y retrouve les thèmes de la religion et de la croyance, chers à Sfar. Ce dernier inclut également d’autres sujets d’actualité comme le consumérisme, le conformisme, le racisme et le terrorisme. On sent d’ailleurs l’impact qu’ont eu, sur Sfar, les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. La narration est rythmée et alerte malgré le contexte de la claustration et les sujets abordés. Les temps morts nous permettent de nous approprier ce qui a été dit voire de prolonger certains propos et ainsi suivre notre propre réflexion. Puis, au détour d’une page, au beau milieu des illustrations de Sfar et de son trait claudiquant, les œuvres de Dali surgissent. On les regarde d’un autre œil, on les déchiffre grâce à l’aide bienveillante de Seabearstein.

PictoOKUne expérience de lecture originale, décalée qui pourtant va au cœur des sujets qui font l’actualité aujourd’hui. Très bel album qui, je pense, ne fera pourtant pas l’unanimité auprès des lecteurs.

Une interview de Joann Sfar (www.20minutes.fr) et la chronique de Leiloona.

la-bd-de-la-semaine-150x150Une lecture que je partage à l’occasion des BD du mercredi. Tous les liens sont aujourd’hui chez Stephie.

Extraits :

« Toi, tu dis tricher, moi, je dis changer de système de pensée » (Fin de la parenthèse).

« Vous avez des gens qui s’inscrivent dans des mouvements religieux et politiques dont le but est de détruire notre pays. Notre pays, c’est ni une race ni une religion, c’est un territoire. » (Fin de la parenthèse).

« (…) stopper d’un coup la fascination idiote pour la religion sur toute la planète. Et dans le même mouvement, donner à l’expression « Art contemporain » un poids qu’elle n’a jamais eu » (Fin de la parenthèse).

Fin de la parenthèse

One shot

Editeur : Rue de Sèvres

Dessinateur / Scénariste : Joann SFAR

Dépôt légal : septembre 2016

112 pages, 20 euros, ISBN : 978-2-36981-316-3

Bulles bulles bulles…

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Fin de la parenthèse – Sfar © Rue de Sèvres – 2016

Tu n’as rien à craindre de moi (Sfar)

Sfar © Rue de Sèvres – 2016
Sfar © Rue de Sèvres – 2016

Chaque couple réinvente en permanence sa manière de vivre les sentiments amoureux. Pour Seabeastein et Mireilledarc, c’est par l’angle de la création artistique que l’émotion et le désir affleurent. Lui est peintre et vient de recevoir une commande d’un musée de réaliser un nu. Sa muse quant à elle réalise une thèse d’épigraphie.

Tous deux sont follement épris l’un de l’autre et le désir qu’ils ressentent semble intarissable. Aussi, c’est tout naturellement que Seabearstein demande à Mireille Darc de devenir son modèle. Peindre sa vulve, ses fesses, ses seins sont autant de défis qui renforcent l’excitation du peintre… et de son modèle qui exulte lorsque que son compagnon la contemple. Entretenir le désir, se saisir du moindre prétexte pour parler du sexe sous tous ses aspects, s’adonner aux ébats sexuels et jouir de chaque instant passé sont là les principaux points de ce à quoi ils aspirent. Ils s’aiment et l’Art leur permet de s’épanouir et de jeter les bases de leur relation naissante.

Cet appétit gargantuesque du corps de l’autre supportera-t-il les affres de la vie en couple ? Aidera-t-il ces amants à renouveler perpétuellement la curiosité réciproque dont ils font preuve ?

« Tu n’as rien à craindre de moi », voilà toujours ce que deux jeunes amants se promettent. Enveloppés par la nappe cotonneuse des sentiments, les premiers temps d’une relation amoureuse donnent l’illusion que le couple est invincible. Et à ce moment-là, rien ne semble être en mesure de ternir le plaisir d’être à deux. Chaque couple trouve son crédo, celui créé par Joann Sfar a ceci de curieux qu’il se consolide grâce et avec la « chose » artistique.

L’Art [dans son ensemble, à la fois symbole, processus de création, fonction sociale…] et les sentiments sont enchevêtrés dans le récit de cet album. Dépendants totalement l’un de l’autre, la création nourrit les émotions et leur permet d’être exprimées. En faisant sans cesse appel à des références artistiques, le couple Seabearstein – Mireille Darc donne un sens à l’excitation et au désir ressentis pour le partenaire. Ainsi, ces deux amants font appel à leur connaissance des créations réalisées à différentes époques de l’Histoire, ils se comparent parfois à des œuvres d’art et notamment aux canons de beauté d’époques révolues. Quelque soit le sujet abordé (la religion – et le judaïsme en particulier -, l’amour, la guerre ou l’amitié), l’expression artistique vient étayer leur propos.

A première vue, le scénario semble décousu. Dans les premières pages de l’album, il met en scène deux amants qui évoluent sur des plans parallèles ;ils semblent incapables d’avoir une conversation sensée, ils passent de la Grèce antique au poker, de Mireille Darc à une envie de glace, d’une envie de baiser à celle d’avoir un chien… A ce stade, on se demande où Sfar veut emmener son lecteur ? Est-ce là sa vision des sentiments amoureux ? Conçoit-il le fait que dans un couple, chacun aspire à connaître l’autre de façon grossière ? Que la recherche d’un consensus permettant d’intégrer l’autre dans son quotidien est un point d’achoppement ?

Quoi qu’il en soit, le couple décrit par Joann Sfar a – au début du moins – peu de prises pour se construire. Les amants butinent tandis que l’auteur sélectionne des morceaux choisis de leurs activités, tantôt faisant du shopping tantôt sirotant un verre en bord de mer, tantôt le jour tantôt la nuit, le seul point de rencontre étant ces nombreux moments où ils délaissent l’échange pour laisser parler leurs corps.

Puis, la frivolité s’estompe doucement. A l’instar de la relation amoureuse, le scénario se construit par strates et trouve rapidement son rythme. Les échanges gagnent en cohérence à partir du moment où les personnages s’installent en concubinage. Ils acceptent de se dévoiler davantage et se montrent sous leurs véritables visages. Tantôt taquins, tantôt témoignant d’une profonde sincérité, le lecteur ressent ce désir croissant et constant qu’ils ont l’un de l’autre. Sfar décrit bien cet état de gourmandise à l’égard d’un partenaire, cette envie d’aimer et d’être aimé très forte en débit de relation… et qui se délite trop souvent par la suite. L’auteur montre cette quête de séduction de chaque instant, on sait que les personnages ont conscience qu’ils vivent une période de félicité où la complicité s’installe, les sentiments se consolident et le sexe est une respiration. Joann Sfar suit le mouvement de construction d’un couple, invite le lecteur à les regarder évoluer ensemble, à caler son regard sur l’observation de leur corps car l’essentiel se joue là… dans le regard et le jeu de l’observation. Seabearstein se met à peindre, son amante devient son modèle. Dans cette fiction, le tout est de savoir si ces deux-là jettent finalement des bases solides qui leur permettra de perdurer. Un jeu d’amour et de hasard…

Je peux imposer mes mains sur ta fessitude ? (…) si on fait pas l’amour immédiatement, j’arrive pas à peindre

Dans le cas présent, Joann Sfar scrute la manière retenue par ses deux personnages pour entretenir leur passion. En toile de fond, l’auteur propose une réflexion sur le processus de création artistique et la fonction de l’Art dans notre société. Dans l’intimité de cette relation conjugale, la création artistique se greffe aux sentiments. Avec la survenue de cette commande d’un nu, ils vont exposer leurs corps (et surtout celui de la femme) lors de longues séances de poses. Un coup les fesses, un coup les seins, un coup les reins ou le sexe. Lui va y trouver une source d’excitation incroyable. Quant à elle, loin d’être en reste, elle est pourtant bien plus consciente de l’utilisation qu’elle en fait et des bénéfices qu’elle en tire : elle sait qu’elle l’excite et que cela met son amant sur les charbons ardents. Elle le fait languir, elle se sait désirable… elle en use et en abuse. Ce ménage à trois est-il cependant suffisamment solide pour perdurer ? Sauront-ils rebondir une fois qu’ils seront rassasiés de cette phase de contemplation des corps ?

Pour compléter le duo principal de personnages et permettre de sortir de cet huis-clos, Joann Sfar fait intervenir une poignée de personnages secondaires dont Protéïne (la meilleure amie de Mireille Darc) et Nosolo (un surnom donné au meilleur ami de Seabearstein car il est incapable de vivre seul). Ces deux protagonistes donnent si bien le change qu’ils permettent au lecteur de se situer dans cette intrigue originale.

PictoOKSurprenant et drôle. Nous sommes en présence d’une femme forte qui mène à la baguette (et sans avoir l’air d’y toucher) son petit monde tandis que face à elle, un homme pantin tente de donner le change. Dense sur certains passages mais rafraichissant dans l’ensemble.

la-bd-de-la-semaine-150x150Une lecture que je partage avec Stephie à l’occasion de la BD de la semaine.

Extrait :

« Même le diable ne peut m’enlever ce que j’ai dansé » (Tu n’as rien à craindre de moi).

 

Tu n’as rien à craindre de moi

One shot

Editeur : Rue de Sèvres

Dessinateur / Scénariste : Joann SFAR

Dépôt légal : avril 2016

104 pages, 18 euros, ISBN : 978-2-369-81231-9

Bulles bulles bulles…

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Tu n’as rien à craindre de moi – Sfar © Rue de Sèvres – 2016

Klezmer (Sfar)

Klezmer, tome 1 : Conquête de l'Est
Sfar © Gallimard – 2005

Après avoir découvert Le Chat du Rabbin il y a quelques mois, je ne souhaitais pas rester sur une déception concernant Sfar. Il était temps de lire Klezmer, série que l’auteur a débuté en 2005.

Klezmer, tome 2 : Bon anniversaire Scylla
Sfar © Gallimard – 2006

Après avoir perdu ses compagnons de manière tragique, Noé (aussi appelé « Le Baron de mes fesses ») se retrouve seul au beau milieu de nulle part. En effet, il voyageait de village en village avec sa troupe de musiciens ambulants. Mais une troupe de musiciens sédentaires a jugé que leur intrusion pouvait être dangereuse pour leur commerce et les a froidement liquidés. Le Baron de mes fesses doit sa survie à son cheval qui, pauvre de lui, se trouvait sur la trajectoire de la balle. Soucieux de venger ses amis, le Baron suit les musiciens locaux et découvre qu’ils peaufinent leur spectacle pour un mariage qui a lieu le soir même. Le Baron laisse passer le reste de la journée et fait irruption lors de la cérémonie. Rapidement, il attire l’attention avec son harmonica. La fête bat son plein grâce à lui. Après avoir été invité à la table du rabbin, il prend congé de ses convives. Noé reprend la route en direction d’Odessa. Peu après, il remarque la présence d’Hava. Elle le suit depuis son village, il tente de la raisonner mais la jeune paysanne est éprise de liberté. Sa décision est prise : elle souhaite voyager avec lui et chantera pour accompagner l’harmonica.

Klezmer, tome 3 : Tous des voleurs !
Sfar © Gallimard – 2007

Klezmer, tome 4 : Trapèze volant !
Sfar © Gallimard – 2012

En parallèle, Yaacov fait la connaissance de Vincenzo. Tous deux sont d’anciens élèves qui ont été exclus de leurs yeshiva respectives. Après avoir délogé Vincenzo de l’arbre où il était perché, après avoir assisté ensemble à un lynchage dans les règles, les deux garçons tergiversent quant à leurs possibilités d’avenir. Mais le pendu reprend connaissance. Il s’agit de Tchokola, un gitan. Rapidement, les trois garçons sympathisent et, après une bonne nuit de sommeil, décident de prendre la route d’Odessa.

Là-bas, leur chemin croise celui d’Hava et du Baron…

Je suis restée assez perplexe durant la lecture du premier tome de cette série. En effet, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire qui m’a semblé décousue et burlesque. J’étais face à des personnages mystérieux, fuyants et inconstants. Le récit me donnait l’impression d’être trop éparpillé et trop fantasque. Le fait d’aller d’un groupe de personnages à l’autre – sans aucune transition entre les passages du récit – renforçait l’impression que ces individus étaient éphémères et futiles. Bref, je peinais ainsi sur une centaine de pages… il m’en restait environ 500 pour finir la série… Les choses ont basculé au moment où les deux groupes de protagonistes se sont rencontrés.

Dès lors, la présence de ces individus aussi différents que complémentaires crée une réelle alchimie. Le rythme du récit devient plus harmonieux bien que son rythme reste toujours très enlevé. Leurs traits de caractères si atypiques est une des forces principales du récit. L’autre atout majeur de cette série : les thèmes qui y sont abordés. Il y sera questions d’amitié, de sentiments, d’indépendance, d’émancipation et de religion (pour faire court ^^). J’ai donc lu avec avidité les tomes 2 à 4.

Sfar ne m’avait pas convaincue sur Le Chat du Rabbin, mais il faut dire que j’avais misé beaucoup sur ce chat savant qui a perdu, pour moi, toute sa raison d’être (la parole & l’esprit) à la fin du premier tome (il ne retrouve réellement de son intérêt que dans le tome 5… c’est vous dire si l’attente fut longue). Sur Klezmer en revanche, j’ai pu savourer cette manière si spontanée, presque instinctive d’écrire une histoire. De même, la liberté avec laquelle l’auteur dessine et colorie ses dessins à l’aquarelle m’ont séduites. Certaines illustrations restent confuses tant il y a profusion d’éléments (décors, expressions, mouvements…) mais cela donne du piment à la lecture. C’est un monde où tout se crée en permanence, où les personnages semblent inventer eux-mêmes leur destinée commune. Le trait est parfois doux, parfois sec et nerveux, à l’image de l’unique héroïne de Klezmer. En effet, Hava est aussi imprévisible que cette épopée que ce soit psychiquement ou physiquement ; son corps fluctue en permanence, tantôt ronde tantôt svelte, ce qui la rend changeante et renforce son pouvoir de séduction.

Les couleurs sont faites à l’aquarelle. A ce sujet, l’utilisation de l’aquarelle semble être un immense terrain de jeu pour Joann Sfar. D’ailleurs, en parlant de ça, cela me fait penser aux bonus des albums (sauf le quatrième tome qui n’en a pas). On y trouve des réflexions sur la musique, la religion, ce qu’il souhaite faire passer avec la série, ce qui l’encourage à employer l’aquarelle… Ainsi, j’ai lu avec autant de plaisir les bonus d’albums que le récit principal. Grâce à eux, les questions que j’avais à l’égard de cette série sont passées du registre des suppositions à celui des certitudes : Klezmer est le pendant du Chat du Rabbin sur la question religieuse. Voici quelques propos de l’auteur :

Le jeune Yaacov ressemble à l’animal que je dessine dans Le Chat du Rabbin. Ils ont la même façon de regarder les gens et les choses. Lorsque je les fais parler, c’est la même voix que j’entends. C’est comme si le chat était devenu un garçon humain. Et il s’en sert de ses prérogatives d’homme : il parle en ne dissimulant plus ce qu’il a derrière la tête. (…) Peut-être que c’est pertinent de lire Klezmer et Le Chat du rabbin ensemble. Klezmer, c’est le revers de la médaille. Dans Le Chat du rabbin, ils ont tout le temps Dieu à la bouche. Là, non. Yaacov fait de son mieux pour être un mauvais juif, Vincenzo sous terreur en souvenir de sa yeshivah, Hava déteste les traditions rétrogrades de son Shtell et le Baron de mes fesses s’efforce d’oublier ses morts. C’est une belle bande de libres-penseurs !

(Notes pour Klezmer, tome 1).

Grâce aux bonus, j’ai aussi pu mettre un nom sur une musique que j’avais déjà entendue mais que je ne nommais pas : le Klezmer (je renvoie les curieux vers Wiki). En prime, ces bonus m’ont permis d’accéder à une réflexion sur les pirouettes que l’aquarelliste doit réaliser sans cesse pour parvenir à ses fins avec son aquarelle. Sfar écrit : « Elle est bête [à contrario des logiciels], mais bête sauvage ! ». Ainsi, dans ses Notes au sujet de l’aquarelle (bonus du tome 2) :

Beaucoup d’étrangers aux sensibilités éthiques admirent les artistes pour ce qu’ils auraient de plus que les autres. Ils font fausse route et ne valorisent qu’une virtuosité d’artisan. Ce qu’on pêche dans les mystères d’une image, selon moi, c’est le sanglot religieux. Religieux dont l’étymologie renvoie humblement à ce qui nous attache les uns aux autres. L’image n’a d’intérêt que si elle est œuvre d’homme et qu’elle proclame la brièveté de nos existences, la faiblesse de notre vue, l’envergure modeste de nos bras étendus. Pour le reste, pour les photos de famille ou le sacre de Napoléon ou pour Superman, on se contentera des dernières inventions technologiques. (…) Qu’une machine joue les Prométhée en nous livrant une image exhaustive du brasier divin, peu m’importe. Mais si l’homme du commun à l’ouvrage parvient à capturer le souvenir des flammes et à nous faire partager la nostalgie, qu’on n’oublie pas de boire à sa santé.

Et toujours grâce à ces fameux bonus, j’ai pu profiter de croquis, de notes et de réflexions diverses qui ont flatté mon égo de « lecteur BD » :

A l’instar du théâtre, la bande dessinée en demande beaucoup à son lectorat. Pour lire une bande dessinée, il faut non seulement disposer d’une imagination active mais également accepter une foule de conventions inhérentes au genre. Le spectateur de cinéma, c’est un mollasson, il n’a qu’à poser ses fesses sur le fauteuil et manger ce qu’on lui donne. Celui qui préfère les bandes dessinées ou le théâtre, lui, c’est un authentique travailleur. Il accepte qu’un seul acteur fasse toutes les voix, il feint de ne pas voir les coulisses, il fait crédit aux masques qu’on lui agite sous le nez, il entre dans une succession d’événements dont l’horloge n’est pas le temps du monde. Vraiment, ce client-là, c’est un bon client.

(Notes pour Klezmer, tome 1).

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs BD du mercredi. Pour découvrir les autres albums partagés aujourd’hui :

En somme, dans Klezmer, il n’y a rien à jeter !!… sauf peut-être les 100 premières pages du tome 1 mais réflexion faite, elles aident bien à se familiariser avec les personnages… J’en reviens donc à ma première conclusion : « dans Klezmer, tout est bon !! » ^^ La rencontre que j’avais tant attendue avec cet auteur s’est enfin produite. Me voilà prêt à lire tous les Donjon les amis 😉

Les chroniques : Encres vagabondes, David, Jean-François et Virginie (sur Chroniques d’Asteline).

Klezmer

Tome 1 : Conquête de l’Est

Tome 2 : Bon anniversaire Scylla

Tome 3 : Tous des voleurs !

Tome 4 : Trapèze volant !

Série en cours

Éditeur : Gallimard

Collection : Bayou

Dessinateur / Scénariste : Joann SFAR

Dépôt légal : de 2005 à 2012

ISBN : (voir Bedetheque)

Bulles bulles bulles…

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Klezmer, tomes 1 à 4 – Sfar © Gallimard – 2005 à 2012

Le Chat du Rabbin, tomes 1 à 5 (Sfar)

Le Chat du Rabbin : La Bar-Mitsva
tome 1 – Sfar © Dargaud – 2002

Le Chat du Rabbin : Le Malka des Lions
tome 2 – Sfar © Dargaud – 2002

Le Chat du Rabbin : L'Exode
tome 3 – Sfar © Dargaud – 2003

« Le chat du rabbin raconte l’histoire d’un félin doué de parole dans l’Alger du début du XXe siècle. Il peut en effet parler après avoir dévoré le perroquet de la maison. Le rabbin lui interdit alors de voir sa fille Zlabya car le chat ne dit que des mensonges ou des vérités blessantes. Afin de revoir sa maîtresse, le chat du rabbin demande donc tout naturellement à faire sa Bar-Mitsvah.

Le Chat du Rabbin : Jérusalem d'Afrique
tome 5 – Sfar © Dargaud – 2006

Le Chat du Rabbin : Le Paradis terrestre
tome 4 – Sfar © Dargaud – 2005

Au fil des albums, le chat du rabbin perdra et retrouvera la parole. À certains moments, il pourra communiquer uniquement avec les autres animaux ou certaines personnes, tel le peintre russe. Il est le narrateur de l’histoire et à travers lui, on découvre la culture juive d’Algérie. Il ne manquera pas d’observer avec un regard critique les errements et défauts des humains qui l’entourent. Il voyagera à Paris afin de rencontrer les parents de Jules, l’époux de Zlabya, ou à travers toute l’Afrique pour trouver Jérusalem d’Afrique. Cette série est une magnifique fable qui nous fait découvrir la culture juive séfarade. » (synopsis présenté sur le site de la série).

Tout vient à point à qui sait attendre… oui mais voilà, à l’instar d’Alim le Tanneur, ce n’est pas venu ! J’ai pourtant lu les cinq tomes d’une traite, apprécié les dialogues et le sens de la répartie du félin. J’ai également aimé ce graphisme bancal, exagéré mais qui sait être rond, suave, sensuel ou incisif quand il le faut. Il en est de même pour les couleurs de Brigitte Findakly, elles accompagnent ce récit d’atmosphères différentes et permettent à cette découpe redondante des planches (3 bandes / 2 cases) de ne pas lasser le lecteur. Le rythme est là tout, Sfar a trouvé une bonne distanciation entre narration et traitement des sujets de société abordés au fil des cinq tomes (religion, légende urbaine, couple, différence, racisme…).

Roaarrr ChallengeLa série n’a plus besoin du nom de son auteur pour rassembler des centaines de lecteurs à chaque sortie. Le premier tome a été récompensé en 2003 par le Prix du Jury Œcuménique de la Bande dessinée et la série a obtenu l’Eisner Award de la meilleure série étrangère en 2006. Enfin, l’année dernière était consacrée à la sortie du film événement : une adaptation cinématographique du Chat du Rabbin.

Mais avec cet album, Sfar ne me permet pas de m’immiscer outre mesure dans ce monde fictif. Je trouve que le passage à Paris souffre de longueurs narratives conséquentes. Dans l’ensemble, la présence des gendre et Maître du Rabbin crée des lourdeurs. J’ai eu l’impression que la série délaissait trop rapidement l’essentiel du sujet, ce qui pourtant en fait son intérêt : une exploration de la religion juive et de la culture juive d’Algérie.

J’ai beau avoir bien aimé cette histoire qui nous conduit d’aventures en aventures… je ne suis pas conquise par la plume de Sfar. Les personnages me touchent mais je ne ressens aucune affection pour eux,. Les sujets -et notamment celui du racisme- sont traités de manière universelle et pacifique mais l’ensemble est trop lisse, peut être trop conventionnel. Je m’étais préparée à un récit plus affirmé. Je retrouve ici un plaisir similaire à celui que j’avais ressenti en lisant Le Bestiaire amoureux ; un intérêt mêlé à de l’ennui.

Le site de la série et les pastiches de couvertures sur le blog de l’éditeur.

La chronique de Chtimie sur le tome 1.

Extraits :

« Il me dit que peut-être que les années n’ont de sens que si les hommes sont là pour les compter » (Le Chat du Rabbin, tome 1).

« La pensée occidentale est une machine préhensile, prédatrice et, en dernière analyse, destructrice, m’explique mon maître. Elle met des noms sur les choses, des étiquettes, comme pour dire Ces choses font partie de mon système, je les ai comprises. Mais le temps de nommer une chose, elle a déjà changé, et le nom qu’on lui a donné a déjà fini de la définir avec exactitude, et on se retrouve avec en bouche des mots vides » (Le Chat du Rabbin, tome 1).

Le chat du Rabbin

Tome 1 : La Bar-Mitsva

Tome 2 : Le Malka des lions

Challenge Petit Bac
Catégorie Fonction/Statut

Tome 3 : L’Exode

Tome 4 : Le Paradis terrestre

Tome 5 : Jérusalem d’Afrique

Série en cours

Éditeur : Dargaud

Collection : Poisson Pilote

Dessinateur / Scénariste : Joann SFAR

Dépôt légal : janvier 2002 à décembre 2006

ISBN : (Intégrale tomes 1 à 5) 978-2-205-06639-5

Bulles bulles bulles…

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Le chat du rabbin, tomes 1 à 5 – Sfar © Dargaud – 2002 à 2006