Basquiat (Voloj & Mosdal)

Brillant artiste, Jean-Michel Basquiat a laissé sa trace dans la culture pop américaine. Peintre (graffeur), musicien à ses heures, il jouera aussi son propre rôle dans « Downtown 81 » un film réalisé par Edo Bertoglio, écrit par Glenn O’Brien. Il est décédé d’une overdose en 1988, il avait 27 ans.

Voloj – Mosdal © Soleil Productions – 2020

Son enfance new-yorkaise est tumultueuse. Sa mère est rongée par une pathologie psychiatrique et ses crises d’hystérie terrorisent la cellule familiale. Basquiat est encore un enfant quand elle est internée. Un mal pour un bien ; c’est notamment elle qui avait sensibilisé son fils à l’art et l’avait poussé à dessiner. Son père tente de maintenir la famille à flot mais les fréquentations de son fils et le fait que ce dernier commence très tôt à bédave mettent ses nerfs à rude épreuve. A 15 ans, Basquiat fugue pour échapper à une monumentale raclée. Suite à cela, il erre, squatte dans les bois, aime davantage la défonce, vit de petits larcins jusqu’à ce qu’il se fasse attraper par les flics. Son père le sort d’une garde-à-vue en payant la caution et l’inscrit derechef dans un lycée d’enseignement alternatif. Basquiat abandonnera ses études quelques temps plus tard et quittera définitivement le domicile paternel.

A 16 ans, Basquiat commence à graffer avec un ami du lycée. Ils signent ensemble sous le pseudonyme de SAMO (Same Old shit) :

« Dans les grandes lignes, on fait ce qu’on veut sur cette terre et on s’en remet totalement à la bonté de Dieu en prétendant ne pas avoir conscience de nos actes. »

Très vite, le nom de SAMO circule dans le milieu artistique mais personne ne sait qui se cache derrière la signature. La suite, Basquiat la doit au hasard des rencontres. Il fait parler de lui, se faire un nom, expose. C’est en 1979 qu’il perce dans le milieu artistique, il a 19 ans… A partir de 1980, il peint sur toile. Il dispose d’un atelier. Ses toiles se vendent comme des petits pains.

Mais Basquiat est accro. Il consomme tout ce qui passe à sa portée : stupéfiants, meufs, opportunités professionnelles, amitiés… Durant ces années folles, son chemin croise celui de Klaus Nomi, Madonna (avec qui il aura une courte liaison), Annina Nodei (elle sera son agente artistique pendant plusieurs années) ou encore Andy Warhol avec qui Basquiat se liera d’amitié. La mort de Warhol terrasse Basquiat. Incapable de faire son deuil, il s’enfonce plus encore dans les paradis artificiels. Il entre en cure de désintoxication quelques mois plus tard mais reconsomme à la sortie… il fait une overdose qui lui sera fatale.

La vie de Basquiat est un mouvement permanent. Il s’éparpille, se shoote, peint, s’éclate, baise, crée frénétiquement, court, se drogue, baise comme un fou, crée encore et se défonce de plus belle… Sa personnalité est électrique, son caractère instable. En un battement de cil, il change d’humeur. Il se déprécie ou se gonfle d’orgueil, il est capricieux, déraisonné, fou, impatient, extravagant ou amoureux. Tout est toujours éphémère excepté cette folie furieuse à créer partout, tout le temps. Les produits exacerbent son éparpillement et nourrissent son génie créatif. Il peint de façon boulimique, incarne ses démons pour mieux les dompter… mais il ne maîtrise rien, rien de rien. Ne se satisfait de rien, à commencer par le succès qu’il a auprès du public.

Le scénario de Julian Voloj est très documenté, très énergique aussi. Il y a peu ou prou de repères temporels. Exceptés quelques flash-backs pour permettre au lecteur de comprendre une émotion qui traverse l’artiste – voire ce qui alimente un bad trip [quand de vieux démons viennent le persécuter] -, on suit le parcours de Basquiat. L’absence de transition nous fait faire des sauts de puce mais le propos suit une chronologie parfaite. On perd cependant la notion du temps : y a-t-il eu un jour ? un mois ? un an entre deux scènes ? … Le temps, cette bête malicieuse que les toxico ne maîtrisent plus. Le temps, cet animal fourbe qui renvoie Basquiat à sa phobie de la mort.

Boosté de cocaïne, le personnage est en mouvement permanent. Basquiat s’amourache d’une fille que déjà, dans son lit, une autre lui succède. Basquiat termine un tableau que déjà, il est absorbé par la création du suivant. On a l’impression que le scénariste condense le récit et fait des coupe franche dans la biographie pourtant, à bien y regarder, entre 1977 (période de SAMO) et 1988 (année du décès de Basquiat), l’artiste-peintre américain ne s’est pas arrêté un instant. En seulement 11 ans, c’est à peine si ce gosse de Brooklyn a pu mesurer à quel point il était devenu un mythe. L’argent coulait à flot… une bonne partie est partie en fumée (shit, crack… et speedball les dernières années).

Au dessin, Søren Mosdal sert parfaitement l’agitation. Ce langage visuel est énergique, tempétueux. Des illustrations partent en vrille par moments. Les couleurs adoucissent le trait et le bordent avec générosité. Ça pétille de vie, c’est pop. Le graphisme recrée parfaitement l’ambiance de l’univers artistique underground développé par Basquiat. On se retrouve projetés dans des toiles bariolées et agitées ; on fait face à des visages exagérément grimaçants. On est dans l’excès, le fantasque, l’extravagant et ça colle à merveille à la vie indocile de Basquiat. On entraperçoit des collages, des écritures et ces fameux personnages noirs, masqués et squelettiques qui rappelle l’Afrique. L’un d’eux prend vie et accompagne métaphoriquement Basquiat tout au long de l’ouvrage et endosse plusieurs fonctions : un alter-ego de papier, une conscience, un confident, un ange gardien.

Un album qui nous laisse à bout de souffle, qui essore et nous laisse étourdis. Très très chouette immersion dans le quotidien du génialissime Basquiat.

Basquiat (One shot)

Editeur : Soleil

Dessinateur : Søren MOSDAL / Scénariste : Julian VOLOJ

Dépôt légal : février 2020 / 136 pages / 18,95 euros

ISBN : 978-2-302-08037-9

Django Main de feu (Rubio & Efa)

Django Reinhardt. Ce talentueux jazzman qui a fait naître le jazz manouche avec son ami et partenaire le violoniste Stéphane Grappelli. Pour leur seconde collaboration, Salva Rubio et Efa ont eu l’excellente idée de revenir sur une période de la vie peu connue : sa jeunesse. Ils explorent ainsi chaque facette de des premières années de Django Reinhardt, de sa naissance au début de son envol en tant qu’artiste. Minutieusement, les auteurs montrent comment la légende s’est construite et comment un guitariste virtuose a percé à force d’obstination.

Rubio – Efa © Dupuis – 2020

Django est tsigane. Impatient de poser ses yeux sur le monde, il est né au beau milieu de l’hiver. Au beau milieu d’un chemin enneigé, au beau milieu de nulle part… c’est du moins un symbole que Salva Rubio et Efa ont voulu faire apparaître. Il est né de rien, d’une famille manouche qui vivotait des petits concerts de musique donné çà et là, au gré de leurs haltes.

Sa mère l’a appelé « Django » , « celui qui réveille » . Un prénom prémonitoire.

Son enfance, il préfère la passer à faire les 400 coups plutôt qu’à user ses fonds de culottes sur les bancs de l’école. De toute sa vie, jamais il ne voudra apprendre à lire et à écrire.

Son enfance, il préfère la rêver avec un banjo dans les mains… instrument que sa mère finira par lui offrir à ses 12 ans. C’est une révélation pour lui. Comme un prolongement de sa pensée. Dès lors, il délaisse les affrontements avec les gamins des clans rivaux et préfère s’esquinter les mains sur les cordes de son instrument. Jour et nuit, il joue inlassablement et progresse à une vitesse vertigineuse. A force de ténacité, il parvient à intégrer le groupe que des membres de sa famille ont monté. Avec eux, il se produit sur scène pour la première fois. Son rêve de gosse.

Dès lors, le bouche-à-oreille fait son travail. Django est très vite remarqué. Vetese Guerino lui propose de l’accompagner. Puis Maurice Alexander, puis des artistes toujours plus célèbres, laissant espérer une carrière à l’international. Jusqu’à cet incendie dont il sortira vivant mais avec sa main gauche gravement mutilée. Malgré ce handicap majeur, Django reprend le chemin de la musique… pour épouser la carrière artistique que nous lui connaissons.

En annexe de l’album, Salva Rubio explique comment le projet de « Django, main de feu » s’est construit. Il revient généreusement sur sa démarche en tant qu’historien et scénariste. Il relate ses rencontres avec la communauté tsigane pour recueillir des témoignages (et notamment ceux des descendants de Django Reinhart) et le travail de recherche qu’il a mené en vue de la constitution d’une généreuse documentation autour du personnage historique de Reinhardt. Il s’arrête longuement sur le parcours de Reihnardt. Il explique enfin la collaboration avec Efa et les choix narratifs qu’ils ont dû prendre pour aboutir à une histoire cohérente.

Quant au scénario, il fait habillement cohabiter des faits précis et une part d’exagération.

« … dans l’univers manouche, c’était seulement par la tradition orale que l’histoire était transmise, volontairement embellie d’anecdotes, d’exagérations et de contes rarement fiables pour le chercheur. »

On est là dans une alternance entre quelque chose qui plaque le personnage au sol (sa condition sociale, le fait qu’il a grandi dans « la Zone » (un no man’s land dans lequel sa mère et son clan se sont installés, laissant les enfants en électrons libres, livrés à eux-mêmes et à leur plus folles envies) et ses rêves démesurés de reconnaissance, sa folle certitude d’être le meilleur dans son domaine, un leitmotiv qui revient à maintes reprises dans le récit.

« Je suis le meilleur de la Zone. Enfin, le meilleur de Paris. Peut-être même de toute la France ! »

Au dessin, Efa nous enchante d’illustrations magnifiques dans des tons pastel. Son trait a une rondeur enfantine très agréable. On a l’impression que la personnalité de Django est un mélange d’insouciance et d’obstination. Efa s’approprie parfaitement le ton parfois léger que le personnage emploie pour se dérober à tout ce qui n’aurait pas trait à la musique. Le dessinateur s’appuie aussi sur la complicité et les rapports très chaleureux qui relient l’ensemble des membres du clan tsigane. Nous voilà pris dans la communauté comme un membre à part entière. Il y a « l’ici » et le reste du monde où Django se produit sur scène. Django en est le centre de cet univers… un personnage solaire qui réchauffe quiconque se place dans son sillage.

Je ne connais rien de la vie de Django Reinhardt. Bien consciente que les faits exposés sont tantôt véridiques tantôt affabulés, le récit n’en est pas moins cohérent et réellement entraînant.

Django – Main de feu (récit complet)

Editeur : Dupuis / Collection : Aire Libre

Dessinateur : EFA / Scénariste : Salva RUBIO

Dépôt légal : janvier 2020 / 80 pages / 17,50 euros

ISBN : 979-1-0347-3124-4

L’Ecolier en bleu – Chaïm Soutine (Grolleau & Legars)

Au printemps de l’année 1942, Chaïm Soutine quitte Paris avec Marie-Berthe, sa compagne, pour fuir les rafles. Chaïm est un peintre juif russe. Ils trouvent une chambre à louer dans le petit village de Champigny-sur-Veude (Indre-et-Loire). La présence des troupes allemandes et le fait que certains villageois sont un peu trop bavards obligent le couple à changer de logement régulièrement.

Bien que la présence des soldats allemands soit moindre, Chaïm ne parvient pas à s’apaiser. L’angoisse d’être arrêté décuple les douleurs causées par l’ulcère qui le ronge. La douleur crée sur cet homme au contact abrupt une carapace. Regard acéré et mâchoires crispées. Cisaillé de douleur, sa carrure imposante se contracte, l’obligeant à se voûter par moment.

La première fois que Marcel Varvou le voit, Chaïm lui fait tellement forte impression qu’il prend ses jambes à son cou… pensant qu’il a affaire à un ogre. Jusqu’à ce que Chaïm et Marie-Berthe s’installent dans une des chambres de la ferme de ses parents. Marcel va apprendre à connaître Chaïm et rapidement, il va l’apprécier. L’enfant profite de chaque occasion pour être à ses côtés, à le regarder peindre et à l’écouter raconter ses histoires de jeunesse. Une histoire d’amitié est en train de naître entre un peintre exilé et un enfant.

Avant de refermer l’album, Fabien Grolleau a pris le temps d’écrire la genèse de cette bande-dessinée. Il explique comment l’idée leur est venue de réaliser un album sur Chaïm Soutine, une courte biographie du peintre russe et un compte-rendu des rencontres qu’ils ont eu l’occasion de faire en allant à Champigny-sur-Veude. Dans ce livret inséré en annexe, le scénariste corrobore que l’on pressentait : les auteurs ont tissé un peu de fiction aux faits historiques pour construire la narration.

« L’écolier en bleu – Chaïm Soutine » n’est pas une biographie en tant que tel. L’album aborde les deux dernières années de vie du peintre russe. On couvre ainsi les années 1942 et 1943 qui correspondent à une période d’errance clandestine. Soutine fuit le régime nazi et se réfugie en Touraine avec sa nouvelle compagne. Apeuré à l’idée d’être arrêté puis déporté, affaibli du fait de son ulcère, frustré de ne plus parvenir à peintre, Chaïm Soutine est aux abois lorsque le récit commence. On ressent toute la tension qu’impose la présence lorsqu’il surgit dans une pièce. Son attitude frustre, son regard glacial qui surplombe son imposante carrure et certainement son accent russe qui écorche et rend rêches les mots qu’il énonce lorsqu’il parle en français… tout cela, nous pouvons le percevoir durant la lecture.

L’écolier bleu (tableau de Chaïm Soutine)

Une juste alchimie existe entre le récit et les illustrations. L’un l’autre se répondent en écho. Nous glissons d’une émotion à l’autre, de ces moments où Chaïm perd pied, aveuglé par l’angoisse, torturé par la douleur ou exalté lorsqu’il peint. On voit le sentiment de quiétude que lui apporte son exil en Touraine. Progressivement, il quitte l’espace clos des chambres qu’il loue pour s’apaiser au contact des autres, de la nature. Il consacre davantage de temps à la peinture. On voit enfin, et surtout, comment l’homme et l’enfant s’apprivoisent et tissent les liens de leur amitié. Une après-midi d’hiver, Soutine demande à Marcel de poser pour lui. Un tableau naît : « L’écolier bleu »

Le dessin légèrement charbonneux de Joël Legars installe très vite l’ambiance et crée une approche presque magnétique entre le lecteur et l’histoire. Il y a beaucoup de rondeur et de tendresse dans son trait mais il sait aussi être plus incisif par moment. Pour cela, un simple jeu d’ombres ou de couleurs est nécessaire à l’illustrateur. Des rouges peuvent soudain surgir pour matérialiser une forte crise d’ulcère ou une angoisse débordante. Des couleurs plus ternes marqueront la morosité tandis qu’une généreuse luminosité peut envahir un long passage pour installer la convivialité d’un moment et la sensation de bien-être ressentie par le peintre lorsqu’il compose ou qu’il se met en contact avec la nature.

Le fait de découvrir quelques planches et la lecture du synopsis avaient poussé ma curiosité au point de vouloir faire cette lecture. Très jolie découverte. Un album que je recommande chaudement.

L’Écolier en bleu - Chaïm Soutine (one shot)
Editeur : Steinkis
Dessinateur : Joël LEGARS / Scénariste : Fabien GROLLEAU
Dépôt légal : octobre 2019 / 96 pages / 18 euros
ISBN : 978-2-36846-184-6

Manolis (Glykos & Antonin)

En 1922, Manolis a 7 ans lorsque les troupes turques entrent dans le village de sa grand-mère. Armés de sabres et de fusils, ils n’épargnent rien sur leur passage. En quelques heures, le village est laissé à l’état de ruine… les corps des habitants gisent par terre, certains sont à l’agonie tandis que d’autres sont passés de vie à trépas. Les hommes, pour la plupart, ont été égorgés. Les femmes ont été violées. Les survivants quant à eux sont rassemblés en troupeau tremblant sur la place central du village, la tête courbée en signe de soumission.

« A cause de la guerre et des hommes qui la font (…), un coin de rêve peut devenir en quelques instants un lieu de cauchemar. »

Jusque-là, Manolis ne connaissait les affres de la guerre que par le qu’en-dira-t-on, les messes basses des adultes et les jeux des enfants de son âge.

« S’il y avait la guerre, je la laisserais pousser… »

En l’espace d’à peine une demi-journée, l’enfance heureuse de Manolis n’est plus qu’un lointain souvenir.

Jusque-là, il s’épanouissait entre amour familial et traditions culturelles. Son cœur faisait de drôles de pirouettes à la vue de Nevra, son ventre se régalait des loukoums achetés au marché et les jours passaient à relever des défis d’enfants ou à aider à la maison.

Puis la guerre s’installa dans le quotidien sans avoir pris la peine de s’annoncer…

… laissant derrière elle son cortège de familles meurtries, endeuillées, éparpillées aux quatre vents.

Vint alors la nécessité de fuir pour se mettre en sécurité, échapper au conflit, au génocide. Migrer loin des troubles. S’exiler. Immigrer. Etre contraint de vivre dans un lieu impropre à la vie quotidienne. Vivre en communauté, par grappe… entassés dans des salles de classes qui ont été réquisitionnées pour contenir le flot d’étrangers. Se heurter à une nouvelle culture, une nouvelle langue. Devoir s’intégrer pour survivre. Mendier. Pleurer aussi pour décharger un peu de cette souffrance qui dévore le corps et l’esprit.

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, l’armée turque de Mustafa Kémal écrase l’armée grecque, bien décidée à reconquérir son pays démantelé. « Manolis » est le récit poignant d’une guerre fratricide entre deux communautés (turque et grecque) qui cohabitaient jusque-là au quotidien. L’histoire de Manolis, c’est la conséquence de ces guerres balkaniques qui a aboutit à la « Grande Catastrophe » … ce chambardement fou qu’a subit l’Asie Mineure dans les années 1920.

Cet album est l’adaptation du roman d’Allain Glykos, « Manolis de Vourla » publié en 2005 aux éditions Quiquandquoi. Il met en lumière, à hauteur d’un enfant de 7 ans (le père d’Allain Gylkos), toute l’incompréhension que la population grecque a pu avoir à l’égard de la situation. Au cœur des terres, la population n’a pas su/n’a pas pu anticiper/imaginer la guerre avec le peuple turque. Et pour l’enfant narrateur, c’est l’incompréhension qui domine face à ces rancunes tenaces entre deux peuples qui vivaient jusqu’alors côte-à-côte.

Le propos est simple et sincère. La petite voix de l’enfant se met vite à nous raconter les faits. On l’entendrait presque se confier à notre oreille, dire sa peine, sa peur, sa naïveté. Raconter comment il a été balloté le long des routes de son pays… des routes qu’il se plaisait à prendre à dos d’âne et qui sont, en un battement de cil, devenues des prisons à ciel ouvert. Des mouroirs où les hommes tombent d’épuisement à force de marcher et de subir de mauvais traitements. Des routes jalonnées de corps que personne n’a pris le soin d’enterrer – faute de temps – et dont les mouches se délectent.

Le propos est parfois simpliste mais il suffit de se rappeler qu’il s’agit-là du témoignage d’un petit enfant de 7 ans pour chasser les désagréments des ellipses narratives. Le récit fait la part belle, malgré le contexte historique, à la poésie et à l’imaginaire puisque l’enfant n’hésite pas à s’échapper dans son monde pour apaiser sa peine. Il se réchauffe en faisant remonter quelques souvenirs à sa mémoire comme ces pentes dévalées dans une carriole de fortune en riant à gorge déployée, ces après-midis passés aux côtés de sa grand-mère ou l’histoire d’Ulysse qu’il n’avait de cesse de lire et de relire… Un récit fragile, à fleur de peau. La sensibilité est présente à chaque page, tout comme ce refus obstiné de plier sous le poids de la fatalité.

Le travail d’Antonin au dessin est d’une douceur incroyable. Le trait est fluide. Il campe à la fois les décors de cette Grèce de l’époque et les trognes expressives des personnages, nous permettant de ressentir beaucoup d’empathie pour chaque protagoniste… et cette envie folle de serrer le personnage principal dans nos bras pour le réconforter et le mettre à l’abri. Les illustrations sont tantôt sombres, tantôt elles dorent à la lumière du soleil, collant ainsi à l’état d’esprit du narrateur qui oscille constamment entre cette peur sourde qui l’oppresse et l’envahit… et l’insouciance de l’enfance qui le remplit après avoir entendu les paroles rassurantes de sa grand-mère avec qui il fait l’expérience de l’exode.

« Manolis » est l’histoire du père de l’auteur (scénariste). Elle raconte le courage d’un enfant désireux de retrouver ses parents, un enfant qui a besoin de l’amour des siens pour grandir, un enfant désireux d’apprendre à lire et à écrire, de faire des études…

« Je veux apprendre. Peut-être cela m’aidera-t-il à mieux comprendre ce qui nous est arrivé. »

Cette histoire de guerre et d’exode a un siècle. Elle est malheureusement toujours d’actualité… Hier les Juifs, les Grecs, les Arméniens… des drames qui se rejouent aujourd’hui inlassablement.

Manolis 
One shot
Editions Cambourakis
Scénariste : Allain GYLKOS
Dessinateur : ANTONIN
Dépôt légal : mai 2013, 192 pages, 20 euros
ISBN : 978-2-36624-040-5

Chroniks Express 37

Bande dessinée : Un Père vertueux (L. Debeurme ; Ed. Cornélius, 2015).

Romans : L’Orangeraie (L. Tremblay ; Ed. Folio, 2016), L’amie prodigieuse, tome 4 : L’enfant perdue (E. Ferrante ; Ed. Gallimard, 2018), Trois Saisons d’orage (C. Coulon ; Ed. Viviane Hamy, 2017), Soyez imprudents les enfants (V. Ovaldé ; Ed. Flammarion, 2016), Mon Traître (S. Chalandon ; Ed. Le Livre de poche, 2009), Retour à Killybegs (S. Chalandon ; Ed. Le Livre de poche, 2016), Quand sort la recluse (F. Vargas ; Ed. Flammarion, 2017).

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Bande dessinée

 

Debeurme © Cornélius – 2015

Trois garçons et leur père s’installent dans un nouveau pays. L’un d’eux, Horn, cache une pilosité excessive sous un ample sweat à capuche. Honteux, il préfère fuir l’école plutôt que d’affronter les moqueries de ses camarades. L’autre, Twombly, réalise d’horrible petites sculptures dans des morceaux de bois. Le dernier est surnommé « Bird » depuis qu’il a recueilli un oiseau blessé.

La vie suit drôlement son cours. Le père, un dangereux criminel, décide un jour d’aller chercher la mère de ses fils. Avant de partir, aucunes embrassades, aucun encouragement. Des injonctions.

Je m’absente quelques temps. Je vais retourner chez nous chercher votre mère. Je vous laisse la maison… S’il arrive le moindre problème, ici ou à l’école… A mon retour, je vous égorge.

Ce père autoritaire, les trois garçons en ont peur. Un père froid, dur. Un père qui impose une discipline militaire, incapable de donner de l’amour. Un père qui punit de façon excessive. Un père à faire peur, surtout quand il a bu… mieux vaut ne pas le contrarier. Un père à faire peur… ça donne des petits soldats qui filent droit.

On se place dans cette famille étrange que Ludovic Debeurme dessine au crayon de couleurs. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sont là pour nous raconter les horreurs de cette vie-là. Un album qui vient prolonger « Les Trois Fils » que l’auteur avait réalisé deux ans plus tôt. C’est cruel, c’est injuste mais quelques passages proposent des scènes d’une beauté pure. C’est magique et épouvantable… ça ma gênée et à certains instants je n’ai pas su quoi faire de ce qui était dit ou ce qui était fait par les personnages (le père surtout).

Vraiment bizarre. Il y a comme une curiosité malsaine qui m’a poussée à continuer ma lecture, comme pour voir jusqu’où l’auteur était capable d’aller dans la cruauté absurde qu’il décrit. Je préfère, et de loin, ce qu’il avait réalisé sur « Lucille » et « Renée » …

 

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Romans

 

Tremblay © Folio – 2016

Des jumeaux âgés de 9 ans. Aziz et Amed sont inséparables. Ils vivent dans un pays en guerre. Le fragile équilibre de leurs vies étaient préservés jusqu’à ce qu’une bombe tombe sur la maison de leurs grands-parents. Dès lors c’est à Zahed, leur père, qu’il revient de s’occuper de l’orangeraie exploitée jusque-là par le grand-père. Zahed s’affaire plus que de coutume puisque c’est à lui de nettoyer les décombres et de donner une dépouille décente aux deux corps et Tamara, leur mère, continue à veiller comme une louve sur ses fils.

Mais un beau jour, Soulayed fait son apparition dans l’orangeraie. Peu de temps après, Zahed explique aux jumeaux qu’il doit faire un choix : celui des deux qu’il désignera ira avec Soulayed et partira en martyr.

Un texte court, un texte fort, un texte plein d’émotion.
En son cœur, un amour fraternel plus fort que tout, un respect des traditions et un sens du devoir hors normes.
Et le regard de deux enfants sur les événements, deux enfants à qui l’on demande de grandir vite, bien trop vite.

Pour nous occidentaux, c’est aussi le récit de l’inconcevable, de l’incompréhensible. Le tiraillement d’un père qui doit choisir entre ses deux garçons. La souffrance d’une mère qui, docile, ne cherche même pas à convaincre son époux qu’il n’a pas à faire ce choix absurde. Un texte qu’on lit d’une traite, presque en apnée.

 

Coulon © Viviane Hamy – 2017

André, Benedict, Bérangère.

Trois générations, trois existences liées les unes dans les autres. Trois membres d’une même famille. Le grand-père, le père et la fille. Une famille pas comme les autres aux Fontaines, ce petit village qui s’est étalé, reliant presque le cœur du village, son clocher, son Café… aux carrières qui se situent en périphéries. Les décennies ont appris aux paysans natifs de ce coin de terre isolé, appelé Les Trois Gueules, à accepter ces « fourmis blanches » venues travailler dans les carrières où l’on extrait la roche du ventre de la terre pour la vendre aux entreprises. La roche et les produits agricoles sont désormais le fonds de commerce des Fontaines, à parts égales. André est venu de la ville il y a 50 ans pour s’installer aux Fontaines. Il fut le premier médecin à accepter de vivre là. Benedict, son fils, a pris sa relève. Bérangère quant à elle est encore trop jeune pour oser affirmer ce qu’elle fera de sa vie.

Je suis un peu entrée sur la pointe des pieds dans ce roman, encore troublée par mes précédentes plongées dans les romans de Cécile Coulon (Le Roi n’a pas sommeil, Le Rire du grand blessé, Le Cœur du Pélican). Et puis, il me semble que ce récit prend davantage le temps de nous décrire l’environnement (les paysages autour du village et de ses alentours) et l’ambiance des lieux grandement influencée par les superstitions véhiculées de générations en générations… C’est dans un deuxième temps que l’on va à la rencontre des personnages. Très vite, on apprend à vivre avec eux, on découvre leurs habitudes et leurs ambitions. André, le patriarche, gardera une part de mystère ; l’auteure ne prend effectivement pas le temps de remonter dans son enfance, nous n’aurons donc que les grandes lignes de ce qu’il a vécu avant. En revanche, nous verrons naître Benedict puis Bérangère. Si jamais on ne s’attarde sur un personnage – Cécile Coulon ayant préférer donner la parole à tour de rôle aux cinq personnages principaux, on n’en connaît pourtant suffisamment sur chacun d’entre eux pour naviguer de façon fluide entre chacun d’entre eux. Très vite, j’ai appréhendé un drame ; la douceur et la quiétude du récit est presque parvenu à me faire oublier cette éventualité… du moins pendant un temps.

Une fois à la moitié de l’ouvrage, Cécile Coulon serre davantage l’étau narratif. On sait que cette éventualité va devenir effective. J’ai tendu le dos et continué à profiter de ma lecture. J’ai cherché à anticiper, j’ai même dessiné les contours de cette fatalité mais je me suis évidemment laissée cueillir par les mots.

 

Ferrante © Gallimard – 2018

Dernier volet de la saga « L’Amie prodigieuse » . Après l’enfance (tome 1), la fin de l’adolescence et l’entrée dans la vie active (tome 2), l’âge adulte et la vie de famille (tome 3)… place désormais à la fin du récit : celui de la maturité, de l’épanouissement professionnel.

Pendant plusieurs années, Elena avait attaché une attention particulière au fait de garder de la distance entre elle et Naples, sa ville natale. Elle avait aussi veillé à extraite Lina de sa vie, consciente de l’influence que son amie d’enfance avait sur elle, une influence qui lui avait été nocive à plusieurs reprises. Désormais, Elena est une femme épanouie. La réussite professionnelle lui sourit et elle s’épanouit enfin dans son couple. Mais tout cela ne doit-il durer qu’un temps ?

J’étais impatiente de lire ce dernier tome de cette saga qui avait pris une tournure (et un rythme) inespérée dans la dernière ligne droite du tome 3.

On repart ici avec pas mal d’entrain, on repart de plus belle dans cette amitié ambiguë entre les deux amies d’enfance et on essuie un peu plus facilement les contradictions de l’héroïne.

Ravie de connaître le dénouement de cette saga, j’ai pourtant ressenti de la lassitude à la moitié de l’ouvrage car le rythme est mou, trop mou. Sur la fin en revanche, je me suis ennuyée – mais réellement ! , j’ai sauté certains passages (notamment ceux qui sont consacrés à Naples… j’avais envie d’une fin qui se tient et non de passages pour noircir les pages avec un exposé historique des différents bâtiments napolitains).
Dans les tomes précédents, j’avais relevé quelques longueurs. Dans ce tome, les cinquante dernières pages sont… inutiles.

La fiche de l’ouvrage sur le site de l’éditeur.

 

Ovaldé © Flammarion – 2016

Espagne. Anastasia est née en 1970. Nous faisons sa connaissance lorsqu’elle a 13 ans. La narratrice nous fait la grâce de nous épargner les détails de ses premières années de vie ; elle les résume en quelques anecdotes.

Anastasia est née en Espagne d’une famille espagnole. La guerre civile est passée par là et comme dans toutes les familles espagnoles, on en voit encore les stigmates. Les jeunes générations portent le poids de cette guerre fratricide sans avoir vécu cette déchirure. A 13 ans, lors d’une sortie scolaire, Anastasia découvre les œuvres du peintre Roberto Diaz Uribe. Elle va se passionner pour son art. Cela va même devenir une obsession.

Jusqu’à 18 ans, Anastasia s’ennuie. Comme pour tous les adolescents, le temps s’étire de façon déprimante. Puis à 18 ans, elle quitte le foyer familial et part faire ses études à Paris.

Je ne compte plus le nombres d’avis positifs que j’ai lu et entendu sur ce roman. Je ne compte plus. A chaque avis, mon envie d’engouffrer ce roman grandissait. Puis je l’ai reçu en cadeau et j’ai laissé décanter un peu… Pendant les cent premières pages, la lecture fut des plus ennuyeuses. Tellement ennuyeuse que l’ouvrage a bien failli me tomber des mains. A peine plus d’une demi-douzaine de pages par jour… cette lecture a eu, au début, un effet hautement soporifique sur ma petite personne. Puis Anastasia a grandi et Véronique Ovaldé a lentement élargi les centres d’intérêt de sa narratrice, la rendant plus consistante, plus pertinente… plus intéressante. Quand bien même, ce roman m’a laissé sur ma faim.

 

Chalandon © Le Livre de Poche – 2009

Antoine, luthier à Paris, rencontre un client qui lui parle de James Connolly, activiste irlandais. Les paroles de cet inconnu de passage dans son atelier lui redonnent peu à peu l’envie de retourner en Irlande, pays qu’il connait peu.

En mai 1975, Antoine décide de se faire un court séjour en Irlande à l’occasion de ses 30 ans. C’est à ce moment qu’il rencontre Jim O’Leary et Cathy, son épouse. La rencontre entre le français et le couple est immédiate. Ils s’échangent leurs coordonnées. Antoine reviendra les voir, c’est certain. Au fil des années, Antoine s’organise pour leur rendre visite. A chacune de ses venues, il est accueilli comme un frère, un ami de toujours. Il a sa chambre qui l’attend, ses repères.

En 1997, lors d’une soirée arrosée dans un pub, il croise pour la première fois Tyrone Meehan, celui qu’il nomme son traitre. Entre eux, une forte amitié va se construite au fil des années. Antoine a déjà compris que Jim était un militant actif de l’IRA mais Tyrone est un de ses combattants les plus actifs. Tyrone est respecté, admiré. Les séjours d’Antoine sur le sol irlandais sont de plus en plus fréquents, il aimerait lui aussi aider la cause, participer au combat mené en vue de l’indépendance. Les années filent, Jim meure, emporté par une bombe qu’il avait mal réglée. Les allers-retours de Tyrone en prison, les coups durs que l’IRA doit encaisser, tout cela Antoine le vit, il accuse les coups en témoin discret. 2006 sera l’année des désillusions… tous apprennent que Tyrone est un traître, qu’il a vendu des informations aux Anglais.

Avant de devenir écrivain, Sorj Chalandon était journaliste. A ce titre, il a notamment effectué des reportages en Irlande du Nord et y a rencontré Denis Donaldson. De cette rencontre naît une amitié ; l’auteur s’en est inspirée pour écrire « Mon traitre » . Sorj-journaliste y devient Antoine-luthier et Denis Donaldson se glisse sous les traits de Tyrone Meehan.

« Mon traître » est le récit d’une lutte, celle d’un peuple qui aspire à vivre en paix, libre. C’est aussi le récit d’une amitié et d’une trahison, d’une incompréhension. C’est enfin la recherche la quête identitaire d’Antoine qui apprend à se connaître au travers du regard que Tyrone pose sur lui.

C’est l’adaptation de ce roman par Pierre Alary qui m’a invitée à découvrir le texte originel. Premier roman que je lis (enfin !) de cet auteur. Une claque !

 

Chalandon © Le Livre de Poche – 2016

Retour sur les événements abordés dans « Mon Traître » mais cette fois, ils sont abordés du point de vue de Tyrone Meehan. Ecrit trois ans après « Mon Traître » , « Retour à Killybegs » narre le parcours de Tyrone, de sa plus tendre enfance à sa mort, aborde son recrutement par l’IRA et les événements qui ont conduit à ce qu’il devienne, dans les années 70, l’un des commandants de la branche armée de l’IRA.

L’occasion de découvrir les raisons qui ont motivé Tyrone à accepter de collaborer avec les anglais, la manière dont il a tenté de sortir ses épingles du jeu. Si vous ne l’avez pas encore fait et que vous avez lu « Mon Traître » , voici une nouvelle fois un roman que je vous recommande vivement.

 

Vargas © Flammarion – 2017

Appelé en urgence pour boucler une enquête, le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg doit quitter l’Islande, pays qu’il a découvert lors de sa précédente enquête. En quelques jours, il parvient à mettre en avant les éléments clés qui conduisent à faire passer aux aveux l’un des principaux suspects. Sitôt l’affaire bouclée, son instinct attire son attention sur la mort soudaine de deux « vieux » à la suite de piqûres de recluses (des araignées habituellement très discrètes et qui ne s’attaquent que rarement à l’homme). Il se met à enquêter en solo avant de s’en ouvrir à une poignée de ses lieutenants. Voisenet, Froissy, Veyrenc puis Retancourt seront les premiers à lui prêter main forte sur cette enquête non officielle qui sème le trouble dans la Brigade et fait peser sur l’ensemble du groupe les désaccords de plus en plus tendus entre le Commissaire et Danglard, son bras droit.

J’ai toujours autant de plaisir à retrouver le personnage d’Adamsberg. Sa personnalité, son état d’esprit… tout jusqu’à sa manière lente et nonchalante de se déplacer, ses « bulles de pensées » et sa nécessité d’aller marcher pour « brasser des nuages » . L’écriture de Fred Vargas coule quand je la lis, elle coule comme quelque chose de très naturel. Habituellement, les enquêtes d’Adamsberg me surprennent car je ne vois jamais venir qui est l’assassin. « Quand sort la recluse » est l’exception à la règle, à ma grande surprise. Très tôt dans la lecture, mes suspicions se sont portées sur un personnage qui s’est effectivement avéré être l’auteur des crimes. C’est un peu déstabilisant, cela m’a donné l’impression de quelques longueurs dans le texte pour autant, ce roman policier n’est pas à une exception près car c’est aussi la première fois où l’émotion m’a saisie dans les dernières pages, lorsque Adamsberg confond l’assassin dans un tête à tête. Le Commissaire s’était attaché… moi aussi.

Pas le meilleur ouvrage dans la série « Adamsberg » mais un de ceux dont je me rappellerais certainement avec beaucoup de précision