La Revue Dessinée, numéro 2 (Collectif)

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Second numéro de La Revue dessinée, une initiative que l’on doit à cinq auteurs et un journaliste (Franck Bourgeron, Sylvain Ricard, Olivier Jouvray, Kris, Virginie Ollagnier et David Servenay). Grâce à leur impulsion, d’autres artistes se sont mobilisés sous ce leitmotiv :

« Parce qu’ils constatent la paupérisation des auteurs de bande dessinée, ils décident que La Revue Dessinée permettra aux auteurs de prépublier leurs travaux, avant de les proposer aux éditeurs classiques. Il faut le dire, les cofondateurs sont d’abord des créateurs qui veulent redonner de la valeur à leur métier ».

J’avais déjà partagé avec vous mon engouement pour le premier numéro de LRD. Mécontente de la manière que j’avais employée pour vous transmettre la richesse de ce magazine, je récidive et vous présente aujourd’hui le second numéro que vous pouvez trouver dans toutes les bonnes librairies depuis le mois de décembre (ou sur tablette puisque LRD sort simultanément en version papier et en version numérique). Chaque trimestre, le lecteur a ainsi l’opportunité d’accéder à une douzaine de reportages et de documentaires qui s’intéressent aux différents sujets d’actualité. Ils sont réalisés par des duos d’auteurs improbables composés de journalistes et d’auteurs BD ; pour exemple, dans ce numéro ont collaboré David Servenay & Alain Kokor, Jean-Marc Manach & Nicoby ou encore Sylvain Lapoix & Daniel Blancou. Tous se sont rassemblés pour enrichir davantage encore les travaux déjà édités dans le domaine de la BD reportage. Certains reportages s’étalent sur plusieurs numéros, à l’instar du travail réalisé par Marion Montaigne au Zoo du Jardin des Plantes ou celui de Sylvain Lapoix sur les gaz de schiste.

Les reportages et les documentaires

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Un VRP en guerre (David Servenay & Alain Kokor) revient sur le parcours atypique de Jacques Monsieur aujourd’hui âgé de 59 ans. David Servenay s’intéresse à ce célèbre trafiquant d’armes belge depuis plus de dix ans et avait eu l’occasion de l’interviewer en 2004. A l’occasion de la publication de ce reportage, le scénariste explique : « j’ai donc remis de nombreux éléments à Alain Kokor, qui a donné une interprétation aussi libre qu’imaginative du parcours du trafiquant d’armes, tout en respectant à la lettre le ʽʽfactuelʼʼ de ce destin hors norme ». En plus de l’intérêt que l’on accorde aux dires des auteurs durant la lecture, le résultat est plaisant à voir. Baignant dans les ambiances de Kokor, on navigue dans un récit intemporel où la réalité fait bon ménage avec les métaphores visuelles. Les propos sont cinglants du fait que le cynisme du personnage envahit le moindre recoin de page. Un homme sans scrupule qui joue avec des vies humaines comme il jouerait aux billes. Un reportage sur un homme amoral dont le business impacte fortement les marchés pétroliers… et fait donc la pluie et le beau temps sur les forces politiques internationales.

« Achat. Vente. De loin, cela ressemble à n’importe quel deal. Comme la guerre sur le terrain ressemble à n’importe quelle autre guerre ».

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Dans les pas des soigneurs, la suite et fin du reportage de Marion Montaigne au Zoo du Jardin des Plantes. L’auteure s’intéresse cette fois au personnel du zoo. J’avais apprécié le ton décalé que Marion Montaigne utilise dans le premier volet de son reportage. Pourtant ici, j’ai survolé la lecture d’un œil distrait, lui trouvant des longueurs malgré la brièveté du documentaire (une quinzaine de pages). C’est de loin la contribution que j’ai le moins apprécié dans ce deuxième numéro.

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Les écoutes made in France – Amesys en Libye (Jean-Marc Manach & Nicoby). En 2010, Jean-Marc Manach reçoit un message anonyme d’une « gorge profonde » (nom utilisé par les journalistes pour désigner leur informateur. D’abord sceptique, Manach décide cependant de vérifier cette information qui « indique que Bull ne fait pas que protéger la vie privée, mais qu’elle aurait aussi vendu un système de surveillance de l’Internet à Kadhafi ». Ses recherches l’amènent à enquêter sur AMESYS, une P.M.E. rachetée par Bull en 2010 ; Amesys aurait créé un système de surveillance massive d’internet (appelé « Eagle ») à la demande du gouvernement libyen. C’est finalement grâce au Printemps arabe (voir également l’ouvrage de Pierre Filiu et Cyrille Pomès sur ce mouvement) qui va impacter la Libye en février 2011, qu’il va pouvoir accéder aux éléments qui lui manquaient et faire aboutir son investigation.

« Eagle, c’est un peu comme Google. Tu entres le nom de celui que tu veux surveiller et il te ressort la liste de tout ce qu’il a fait sur le Net, des gens avec qui il était en contact avec la liste des mails et fichiers qu’ils ont échangés. Tu peux aussi entrer un mot-clé et avoir la liste de tous ceux qui l’ont recherché dans Google ou écrit dans leur mail ».

Un reportage consistant parfaitement illustré par Nicoby. Une dérive numérique effarante tant la facilité avec laquelle s’utilise l’application de surveillance est enfantine. Des sous-entendus sont également présents, comme le fait que la Libye aurait été « un laboratoire d’expérimentation » pour les équipes d’Amesys soucieuse de tester leur produit… sous-entendant de fait que d’autres états ont également payé pour se procurer ce produit…

Pour aller plus loin, le site de Jean-Marc Manach et son blog, ainsi que la présentation du reportage sur le site de La Revue dessinée.

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Opération lobbying, seconde partie du reportage sur les gaz de schiste (Sylvain Lapoix & Daniel Blancou). Les méandres de l’Administration (Ministère, Préfectures, Mairies… tous les échelons organisationnels sont concernés) mais aussi compagnies pétrolières. Le journaliste prend le temps de revenir sur chaque terme : fracturation hydraulique, pollution des nappes phréatiques, énergies extrêmes…

Gros gros travail d’investigation qui nous est livré ici. Extrêmement documenté, extrêmement argumenté. Le travail de Daniel Blancou m’a légèrement fait pensé à celui de Philippe Squarzoni sur l’utilisation de visuels issus de l’imagerie collective, un choix qui appuie parfaitement le propos de Sylvain Lapoix. La dernière partie de ce reportage se penchera sur « la dimension géopolitique de cette nouvelle industrie », propos extraits du dossier thématique figurant à la fin du reportage. Ce dossier thématique nous apprend aussi que les trois volets de ce reportage consacré aux gaz de schiste feront prochainement l’objet d’un album à paraître aux Editions Futuropolis. Un régal… pour ceux qui n’ont pas encore lu les deux premiers numéros de la Revue dessinée, je vous recommande vivement l’achat de cet album à venir 😉

numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014
numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

Les plaies de Fukushima, un reportage sur le nucléaire réalisé par Emmanuel Lepage. Il fait le point trois ans après la catastrophe. Trois ans ! 11 mars 2011 ! Déjà !!

« Le dessinateur Emmanuel Lepage s’est rendu sur place en novembre 2012. Il a obtenu le droit de pénétrer dans la zone d’exclusion et raconte dans ce reportage la désolation et la détresse de cette terre sinistrée pour une durée impossible à estimer » (extrait du texte de présentation du reportage).

Frappé par les images d’une réalité difficile à accepter, happé par les souvenirs de Tchernobyl, fort du recul et de la connaissance qu’il a de sa première expérience… le regard de l’auteur est juste, rempli d’émotions, il mesure parfaitement la gravité des constats qu’il fait et nous permet d’en prendre pleinement la mesure…

« Mon dosimètre indique un chiffre supérieur à celui observé au pied de la Centrale de Tchernobyl »

Il accueille le témoignage de locaux, à l’instar de celui de Monsieur Shigihara, propriétaire d’une maison située à deux pas de la centrale. Ce qu’il livre est édifiant : il parle du tremblement de terre, plus long qu’à l’accoutumée, il parle de ses petites filles qui étaient chez lui au moment de la catastrophe, il parle des démarches qu’il a faites pour se renseigner après avoir appris qu’il y avait eu un incident à la Centrale et « Je suis allé demandé des informations aux autorités. On m’a garanti qu’il n’y avait rien à craindre. Je suis allé interroger ces hommes en combinaison blanche. Ils nous confirment que les taux n’étaient pas dangereux pour notre santé. J’ai gardé mes petites-filles à la maison. Je faisais confiance aux hommes en blanc, au professeur Takamura qui était venu nous voir au Gouvernement, à Tepco. Ma peau a pelé. Le 22 juin, on nous a dit de partir. Trois mois plus tard. (…) On nous a menti ». Il s’arrête aussi sur l’incertitude dans laquelle on le maintient : conséquence sur sa santé et celle de ses petites-filles, possibilité de revenir un jour habiter dans sa maison…

Des morts forts, des mots honteux… comment ne pas être indignés par l’irrespect flagrant dont témoigne le gouvernement japonais dans la gestion de cette crise. Une gestion médiocre… jugez-en

« Tout semble neuf ici. Neuf et abandonné. Ce ne sont pas encore des ruines. Ca n’en est que plus troublant. Seule la maison de retraite est restée ouverte. Les autorités ont estimé que la contamination aurait peu d’effets chez les personnes déjà âgées… et qu’il n’était donc pas nécessaire de les déplacer ».

La couleur ici n’apparait pas ou timidement. Elle n’a pas sa place comme elle pouvait l’avoir, à juste titre, dans Un Printemps à Tchernobyl. « Paysage de désastre où tout n’est plus que camaïeu de bruns, d’ocres et de sépias »…

Les rubriques

Le Binôme propose de courtes chroniques économiques et met en scène Mister Eco, un personnage qui vulgarise les grands concepts économiques ; Le binôme se penche cette fois sur l’américain Robert Barro, un économiste libéral,

James et sa leçon de sémantique,

Hervé Bourhis & Adrien Ménielle s’associent pour alimenter la rubrique Informatique ; il s’agit cette fois de visiter l’histoire des jeux vidéo,

Olivier Jouvray & Maëlle Schaller alimentent quant à eux le registre anticipatif sur la place que pourraient prendre, dans un avenir plus ou moins proche, nos petits gadgets modernes en apparence anodins ; une rubrique cynique, hilarante… et un peu flippante tout de même,

Arnaud Le Gouëfflec & Marion Mousse nous embarquent dans une nouvelle chronique musicale qui présente cette fois le jamaïcain Lee Perry,

David Vandermeulen & Daniel Casanave ferment ce second numéro de LRD sur une chronique de culture générale qui brosse le portrait de Thalès de Milet

Et toujours des bonus

Outre les publications exclusives publiées sur le site, chaque reportage donne la possibilité de scanner un code QR pour accéder à des contenus complémentaires. Enfin, les documentaires et témoignages s’achèvent sur un mini-dossier thématique regroupant les informations importantes de manière concise, renvoient vers une bibliographie qui explore la thématique et qui est toujours très riche en informations.

Pour les derniers sceptiques qui hésitent encore (je me rappelle les commentaires déposés suite à mon article de présentation du numéro 1 de LRD) :

  • 15 euros certes MAIS :
  • Des reportages / documentaires / chroniques de qualité
  • 226 pages
  • Des auteurs talentueux qui maitrisent leur sujet
  • Pas un gramme de publicité

PictoOKPictoOKJe vous recommande cette revue. Faites l’essai, achetez un numéro. Jugez sur pied et abonnez-vous 😀

Du côté des Challenges :

Petit Bac 2014 / Objet : revue

La Revue dessinée

Revue trimestrielle réalisée par un Collectif d’auteurs

Numéro 2 : hiver 2013-2014

Dépôt légal : décembre 2013

ISBN : 978-2-7548-1072-2

226 pages – 15 euros

Site de La Revue dessinée

Bulles bulles bulles…

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La Revue dessinée, numéro 2 – Collectif – Hiver 2013-2014

La Revue Dessinée, numéro 1 (Collectif)

La Revue Dessinée, numéro 1 (automne 2013)
La Revue Dessinée, numéro 1 (automne 2013)

J’ai entendu parler de ce projet depuis bientôt un an. Mais c’est à l’automne 2011 que les choses ont commencé à prendre tournure. A cette époque, Franck Bourgeron contacte quelques auteurs pour leur proposer l’idée d’une revue :

Parce qu’ils constatent la paupérisation des auteurs de bande dessinée, ils décident que La Revue Dessinée permettra aux auteurs de prépublier leurs travaux, avant de les proposer aux éditeurs classiques. Il faut le dire, les cofondateurs sont d’abord des créateurs qui veulent redonner de la valeur à leur métier

(source : site de La Revue Dessinée)

L’équipe se constitue autour de six personnes : Franck Bourgeron, Olivier Jouvray, David Servenay, Sylvain Ricard, Virginie Ollagnier et Kris.

Début 2013 marque la seconde étape : la présentation officielle de La Revue Dessinée (LRD), la soirée arrosée lors du FIBD, l’appel aux financements ouvert sur Ulule, l’ouverture du site de LRD

Septembre 2013 : sortie du premier numéro de cette revue trimestrielle accessible en numérique et en version papier. Chaque trimestre proposera son lot de reportages, à l’instar de ce numéro de 228 pages qui regroupe :

… Reportages…

Côté reportages, j’ai notamment apprécié le reportage de Christian Cailleaux qui nous emmène explorer les mers australes. Ce voyage s’est déroulé en avril 2013. Une expérience d’un mois à bord de la frégate Floréal. En compagnie de l’équipage de l’Armée française, il partage cette mission de ravitaillement des équipes scientifiques installées sur les îles de l’hémisphère sud : Crozet, Kerguelen, Heard, McDonald, Saint-Paul-et-Amsterdam. Il relate sa rencontre avec ces marins peu ordinaires, militaires de carrière ou engagés volontaires dont la vie est conditionnée par les différentes affectations qu’on leur attribue. On partage leur quotidien, leur inquiétude, leurs ambitions.

A chaque départ d’escale, il y a une sorte d’enthousiasme de course vers le large. On veut libérer les chevaux et on oublie quelques règles de prudence.

Outre cette mission de ravitaillement, ils ont aussi une mission de surveillance des eaux territoriales françaises (faire respecter les lois en matière de réglementation de la pêche par exemple). Cette mission sera finalement écourtée puisqu’en court de route, ils devront secourir un jeune scientifique dont le pronostic vital est engagé suite à la chute accidentelle qu’il a faite ; l’équipe devra le rapatrier en urgence vers les services hospitaliers de La Réunion. Les lecteurs qui ont lu Voyage aux îles de la Désolation feront certainement le parallèle entre les deux récits pourtant ces deux expériences sont aussi différentes que complémentaires.

Deux autres reportages sont également présents dans ce numéro un : le premier est réalisé par Jean-Philippe Stassen (Le bar du vieux français, L’île au trésor, Déogratias…) et relate la manière dont la campagne électorale de Joseph Kabila est perçue par la diaspora congolaise de Matonge (quartier de Bruxelles). Quant au second, il nous emmène visiter le Zoo du Jardin des Plantes à Paris. Un reportage en deux parties (la seconde partie sera publiée dans le numéro deux) réalisé par Marion Montaigne.

Après chaque reportage, un court dossier thématique revient sur les informations-clé du sujet : dates à retenir, statistiques, interview…

… Enquêtes…

Egalement bien représentées. Ce tome de lancement nous emmène aux côté des agriculteurs du Nord-Pas-De-Calais. Une rencontre avec un jeune agriculteur qui souhaite s’installer à son compte. Pour se faire, il recherche un fermage mais se heurte au problème de l’arrière fumure, « cette pratique s’est largement généralisée mais équivaut à réclamer un « droit » à exploiter une terre, ce qui est interdit par le Code Rural ». Ces pots-de-vin sont un réel frein à l’installation des jeunes agriculteurs qui n’ont pas d’apport financier et/ou la possibilité de racheter des terres d’un proche (famille) agriculteur. Il y a un gros travail de recherches documentaires qui a été réalisé par le trio d’auteurs Manon Rescan, Damien Brunon et Sébastien Vassant.

La seconde enquête, proposée par Sylvain Lapoix et Daniel Blancou, s’intéresse au gaz de schiste. Le premier volet de l’enquête (les deux autres volets seront publiés dans les prochains numéros) explique comment l’homme a découvert ces gaz et « met en lumière les origines de l’épopée dans laquelle se sont lancées outre-Atlantique, (…) les grandes entreprises du secteur énergétique ». Le scénario est dense, le contenu est assez didactique.

Comme pour les reportages, les enquêtes sont complétées d’un court dossier thématique (d’un page) regroupant les informations essentielles à détenir et renvoie à une bibliographie pour ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet. J’ai eu un peu plus de mal avec ce type de travaux. C’est long, didactique et le rythme de lecture s’en ressent…

… Documentaires…

Un documentaire qui est, pour ce premier numéro, réalisé par Olivier Bras & Jorge Gonzãlez et raconte la chute du président chilien Salvador Allende. Superbe.

… Chroniques…

Enfin, des interludes plus ludiques sont insérées entre chaque dossier thématique : ce sont de courtes chroniques, souvent humoristiques, qui traitent des sujets aussi variés que l’informatique, la sémantique, l’économie, le sport. Ces rubriques nous permettront de retrouver chaque trimestre des auteurs comme Olivier Jouvray & Maëlle Schaller (chronique d’anticipation), Le Binôme (chronique économie), James (pour une leçon de sémantique), Hervé Bourhis & Adrien Ménielle (chronique informatique), Arnaud Le Gouëfflec & Nicolas Moog (chronique musicale)…

Entre chaque numéro, le site de LRD propose des contenus exclusifs qui prolongent la lecture de chaque parution et permet aussi de patienter. Prochain rendez-vous en décembre avec la suite des reportages de Marion Montaigne et de Sylvain Lapoix. Sont déjà annoncés les reportages d’Emmanuel Lepage (à Fukushima), Jean-Marc Manach & Nicoby (en Libye) et un duo que j’attends puisqu’il réunit David Servenay et Kokor (sur les marchands d’armes).

Quoi qu’il en soit, les amateurs de BD-reportages devraient apprécier. Un bon moyen de se sensibiliser à certains sujets d’actualité et de découvrir des auteurs.

La Revue dessinée sur Internet c’est un site, un blog, une page Facebook

Les articles sur LRD : 20minutes, France Inter, Blog picard.

La Revue dessinée

Revue trimestrielle réalisée par un collectif d’auteurs

Numéro 1 : automne 2013

Dépôt légal : septembre 2013

ISBN : 978-2-7548-1014-2

228 pages – 15 euros

Bulles bulles bulles…

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La Revue Dessinée, numéro 1 (Automne 2013)

Toi au moins, tu es mort avant (Ricard & Reiss & Casanave)

Ricard – Reiss – Casanave © Futuropolis – 2013
Ricard – Reiss – Casanave © Futuropolis – 2013

Athènes, 1985. Chrònis Missios achève son récit autobiographique. Né en 1930, cet homme a affirmé très tôt son engagement et son adhésion aux fondements du Parti communiste grec. Pour ce choix militant, il sera arrêté en 1946. A cette période, la Grèce s’enfonce dans la Guerre civile en raison des divergences d’intérêts et d’opinions qui traversent la Grèce, région stratégique à l’orée de la guerre froide (source : Wiki).

Ce conflit social durera jusqu’en 1949. Chrònis Missios essuie donc de plein fouet la lutte anticommuniste menée par les gouvernements de son pays. Il est jugé puis incarcéré au moment de l’émergence de ce mouvement.

C’est ainsi qu’à l’âge de 16 ans il entame un long parcours carcéral. Les premiers mois de détention sont terribles. Condamné à mort pour son orientation politique, il doit supporter le rituel quotidien des matons qui, amusés par le sort des prisonniers politiques, tirent à la courte paille celui d’entre eux qu’ils conduiront au peloton d’exécution. Quelques mois plus tard, la peine de mort étant abolie, sa peine se transforme en emprisonnement à perpétuité mais les brimades et les sévices quotidiens des matons continuent.

En 1948, il est sous le coup de plusieurs décisions de justice : 3 condamnations à vie, une condamnation à 20 ans et une à 15 ans de détention. « Affamé, avili, torturé, jamais il ne pliera et ne cèdera. Jamais il ne signera la déclaration de sa reddition, jamais il ne reniera son idéologie politique » (source : Futuropolis).

Ce que signifiait notre signature pour leur Etat à la con, j’ai jamais pu comprendre. Qu’ils torturent pour faire avouer quelque chose, je comprends la logique. Ils ont peur, ils veulent se protéger… Mais une telle cruauté pour des signatures de trois mômes… Et pourtant, c’est ça qui nous a fait rester debout. Leur refuser ce qui leur semblait si important.

Chrònis Missios
Chrònis Missios

On est très vite happé par le personnage de Chrònis Missios. Toi au moins, tu es mort avant adapte le roman éponyme de cet homme de conviction (roman publié en Grèce en 1985 et qui connut un succès immédiat). A l’époque, Myrto Reiss a 15 ans. Dans la préface de cet album qui vient de paraître chez Futuropolis, elle témoigne : « (…) il s’agit de la lecture qui m’a accompagnée aux moments les plus difficiles de ma vie, à chaque fois qu’il fallait se remplir de courage et de force ». C’est certainement l’une des raisons qui l’a conduite, quelques années plus tard, à envisager d’adapter ce récit en bande dessinée. A la ville, Myrto Reiss est metteur en scène ; elle partage également la vie de Sylvain Ricard avec qui elle avait déjà co-scénarisé Dom Juan (paru chez Delcourt en 2010).

Cette adaptation a été pour moi l’occasion de découvrir l’existence de Chrònis Missios, militant du Parti communiste grec. Un homme charismatique au sens noble du terme, un héros qui a risqué sa vie pour défendre ses idéaux.

Je n’ai pas réussi à changer le système, mais je ne lui permettrais pas non plus de me changer

Il aura passé en tout 22 ans en prison sans avoir commis le moindre crime. De 1946 à A962, il fut torturé, humilié et balloté de prison en prison mais la brutalité et les méthodes d’enfermement d’un système politique ont été impuissantes face à sa détermination.

Le scénario de cet album fait cohabiter deux ambiances narratives : la voix narrée de Chrònis lorsqu’il rédige ses mémoires et le récit illustré qui décrit sa détention. J’ai été sensible à la manière dont les auteurs ont utilisé le décalage existant entre les deux récits imbriqués. Le récit joue très bien avec cette temporalité qui permet au lecteur de naviguer de manière fluide entre passé et présent ; ainsi, nous sommes à la fois acteur « in situ » et à la fois, nous avons la possibilité de vivre cette trajectoire avec du recul.

Concrètement, la voix-off reprend – sous forme de citations – des extraits du roman originel. Chrònis Missios est donc présent car la plupart de ses propos interviennent tels qu’il les a lui-même formulés. Son écriture est mature et posée. Elle ne juge personne mais questionne le sens de certains agissements, de certaines opinions… et elle permet d’entendre ce que l’homme a retenu de cette expérience de vie et comment il s’est construit au travers d’elle.

Aux côtés de cette voix-off, des scènes d’un passé révolu et douloureux, la fougue de ce personnage lorsqu’il était jeune, ses élans de générosité, l’existence des relations fraternelles réciproques et les mouvements de solidarité entre détenus donnent de la chaleur à cet univers. Le trait réaliste de Daniel Casanave illustre cet enfer carcéral sans agressivité. Il suggère la violence physique de façon judicieuse et permet au lecteur de ressentir le poids et la pression psychologique qui pesait constamment sur les prisonniers politiques.

Ricard – Reiss – Casanave © Futuropolis – 2013
Ricard – Reiss – Casanave © Futuropolis – 2013

Toutefois, l’atmosphère de l’album n’est pas noire et n’est pas triste. On apprécie toute la technicité du dessinateur qui permet à deux ambiances narratives de cohabiter de manière naturelle. Ses teintes sépia nous aident à garder cette forme de recul nécessaire à avoir durant la lecture, à « entendre » les propos qui y sont tenus nous invitant ouvertement à réfléchir sur les conditions de détention, les absurdité du système judiciaire et carcéral (que Sylvain Ricard avait déjà abordé dans 20 ans ferme). Une maîtrise graphique qui porte le récit et lui donne de la profondeur. Elle permet enfin au lecteur d’apprécier l’ironie de certains propos, de percevoir la flamme qui anime ces hommes, de ressentir leurs émotions, leurs douleurs et la force de caractère de cet homme… et d’accueillir sans ambiguïté les pointes d’humour contenues dans le témoignage.

PictoOKPictoOKSuperbe album lu pratiquement d’une traite et qui force à réfléchir sur l’enfer des prisons. Les mauvais traitements sont le pain quotidien ces prisonniers politiques de l’époque et cette chasse aux sorcières engagées contre les opposants au Parti en place est mesquine et sordide. Une sempiternelle question revient : pourquoi ?

Chrònis Missios fut incarcéré de 1946 à 1962 et de 1967 à 1973 et mourut en 2012, sans voir l’aboutissement de cet ouvrage qui lui est dédié.

Les chroniques de Jean-Loup (CoinBD), Philippe Guillaume (BDsphère), Jean-Bernard Vanier (PlanèteBD).

Extrait :

« Il n’y a pas de solitude plus amère que le petit tas de fringues du fusillés » (Toi au moins, tu es mort avant).

Du côté des challenges :

Le tour du monde en 8 ans : Grèce

Challenge Histoire : la chasse aux sorcières réalisées en Grèce au lendemain de la seconde Guerre mondiale

Challenge TourDuMonde Histoire

Toi au moins, tu es mort avant

Adaptation du roman autobiographique de Chrònis Missios

Editeur : Futuropolis

Dessinateur : Daniel CASANAVE

Scénaristes : Sylvain RICARD & Myrto REISS

Dépôt légal : avril 2013

ISBN : 978-2-7548-0355-7

Bulles bulles bulles…

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Toi au moins, tu es mort avant – Ricard – Reiss – Casanave © Futuropolis – 2013

Motherfucker, seconde partie (Ricard & Martinez)

Ricard – Martinez © Futuropolis – 2013
Ricard – Martinez © Futuropolis – 2013

« Point 10 : Nous voulons des terres, du pain, des logements, de l’éducation, des vêtements, la justice et la paix. Notre objectif politique majeur est l’organisation, sous le contrôle des Nations unies, d’un référendum au sein de toute la colonie noire : seuls les citoyens noirs auront le droit d’y participer. Ce référendum devra décider du destin national du peuple noir » (Ten Point Plan – 1966).

Fin des années 1960, Etats-Unis. Par l’intermédiaire de Vermont Washington, nous découvrons le combat mené par le Black Panther Party, mouvement révolutionnaire afro-américain, qui revendique une reconnaissance pleine et entière des Noirs par la société américaine ; en tant que citoyens américains de plein droit, ils aspirent au respect, à l’accès à l’éducation, à l’employabilité… comme tout autre citoyen américain. Un combat pour la liberté et l’égalité de tous les individus, sans distinctions de race, de statut social ou d’appartenance religieuse…

Une question de société malheureusement toujours à l’ordre du jour.

Second et dernier volet du diptyque Motherfucker démarré en juin 2012. A l’époque, mon engouement pour le premier tome était modéré. J’avançais le côté conventionnel des propos, regrettais que le récit ne gagne pas en puissance et qu’il manque de spontanéité.

J’avais effectivement jugé un peu vite le travail du Sylvain Ricard. J’étais pourtant consciente de l’impossible exercice d’offrir une conclusion ferme et définitive alors que je n’avais qu’une vision partielle de l’histoire. « L’issue tragique du diptyque semble être une évidence » disais-je… et si c’est effectivement le cas, ce n’est en tout cas pas celle que j’avais imaginée.

La trame narrative poursuit son énumération, article par article, du Ten Point Plan rédigé en 1966 (je les avais repris dans ma chronique du tome 1). Cette seconde partie de Motherfucker reprend donc son fil conducteur et développe les 5 derniers points du programme politique du Black Panther Party. Les différentes pièces de l’échiquier ayant été placées dans le premier volet du diptyque, Sylvain Ricard s’attèle désormais à faire monter la tension. De la rancœur du premier tome on passe au registre de la colère. Un vent de révolte souffle au travers de ses pages, les attitudes des personnages – que j’avais jusque-là trouvés sur la réserve – se révèlent et leurs carapaces volent en éclats. Chacun affiche une volonté ferme de défendre ses convictions, certains sont même prêts à payer le prix fort pour défendre la cause des Noirs : égalité des chances, lutte contre le racisme et l’intolérance… Les personnalités sont assumées, quitte à bousculer le lecteur dans ses propres représentations. Ce choix narratif s’avère opérant puisque enfin, il est possible d’investir les différents protagonistes voire d’éprouver de l’empathie à leur égard. Le lecteur devient partie prenante du combat.

Ricard – Martinez © Futuropolis – 2013
Ricard – Martinez © Futuropolis – 2013

Guillaume Martinez quant à lui poursuit sur la même lignée. Le trait est fluide, le graphisme de toute beauté et les lavis donnent de la force à cette univers graphique. Tout s’emboîte parfaitement, comme si scénario et dessin étaient indissociables. Le dessinateur livre-là un travail ans sans aucune fausse note.

PictoOKPictoOKJe vous sais nombreux à attendre la fin d’une série avant de vous décider à l’acheter ou à l’emprunter. Je pense que vous pouvez vous tourner vers celle-ci en toute confiance… deux tomes à lire d’une traite (de préférence). J’attends vos avis et j’espère qu’ils seront nombreux !

Une lecture que je partage avec Mango

Logo BD Mango Noir

Extrait :

« Et laissez-moi encore insister : nous croyons que notre combat est une lutte de classes et non pas une lutte raciale. Nous ne combattons pas le racisme par le racisme. Nous ne combattons pas le capitalisme exploiteur par le capitalisme noir. Nous combattons le capitalisme par le socialisme. Nous ne combattons pas l’impérialisme par un impérialisme plus grand. Nous combattons l’impérialisme par l’internationalisme prolétarien » (Motherfucker, seconde partie).

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Gros mot : Mother fucker

Petit Bac 2013
Petit Bac 2013

Motherfucker

Deuxième Partie

Diptyque terminé

Editeur : Futuropolis

Dessinateur : Guillaume MARTINEZ

Scénariste : Sylvain RICARD

Dépôt légal : février 2013

ISBN : 978-27548-0807-1

Bulles bulles bulles…

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Motherfucker, tome 2 – Ricard – Martinez © Futuropolis – 2013

Motherfucker, première partie (Ricard & Martinez)

Motherfucker, première partie
Ricard – Martinez © Futuropolis – 2012

« Il s’appelle Vermont Washington. Si son patronyme est symbole de liberté pour l’Amérique, il ne l’est pas pour lui, jeune afro-africain. Il habite à Los Angeles, dans le quartier de Watts, célèbre pour les émeutes survenues, en août 1965, à la suite du 100è anniversaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis.

Son quotidien, et celui de sa famille, n’est fait que d’injustices, de restrictions, de discriminations et d’humiliations. Ils sont victimes du racisme ordinaire, qui sévit encore en ces années soixante, où le Ku Klux Klan, vestige insupportable de l’esclavage, n’en finit pas de mourir. Une haine omniprésente perçue à travers le travail, l’éducation, les lieux publics… Même les forces de l’ordre soudoyées participent à cette discrimination générale. C’est donc avec le Black Panther Party, mouvement révolutionnaire afro-américain dont il est membre, que Vermont Washington entend lutter, entouré de ses amis (Noirs), pour leurs droits à l’égalité » (synopsis éditeur).

J’ai eu l’impression d’entrer à pas feutrés dans cet album. On y est accueilli par un homme qui, de bon matin, se réveille et observe silencieusement sa fille qui dort au pied de son lit. Les illustrations de Guillaume Martinez détaillent minutieusement un intérieur que l’on sent modeste, on sent que le quotidien n’est pas simple, mais cet enfant  endormi a des vertus apaisantes. Sur les planches réalisées à l’encre de Chine, la voix-off du héros raisonne dans cette ambiance calfeutrée. Il témoigne de sa propre histoire. D’une voix posée pour ne pas brusquer le lecteur ni réveiller sa fille, il raconte :

« Je m’appelle Vermont. Vermont Washington. Mon nom est le symbole de toute une nation : le Vermont est le premier état à avoir rejoint l’Union des 13 États fondateurs et Washington est le premier Président des États-Unis d’Amérique, celui qui participa à la rédaction de cette constitution « respectueuse » des Droits de l’Homme et du Citoyen ».

Des symboles, sa famille en connait de père en fils. Son nom, il le tient de son grand-père : Vermont Washington. Ce dernier a appelé son fils Jefferson, du nom d’un autre Président américain. Le grand-père a été assassiné par le Ku Klux Klan. Ce drame a décidé la famille Washington à fuit vers le Nord ; elle s’est installée à Los Angeles jusqu’aux émeutes de 1965 puis a repris la route jusque Detroit. Vermont, personnage fictif, y a grandi dans un climat d’insécurité. Car là aussi, chez les Blancs d’Amérique du Nord, les mentalités ont du mal à évoluer. Les Noirs sont quotidiennement confrontés à l’intolérance et à la ségrégation raciale. A cette époque, l’ascenseur social ne leur est pas accessible. Travail à la petite semaine, fins de mois difficiles… alcoolisme, précarité, accès aux soins impossible… A juste titre, Benoit Cassel insiste – dans sa chronique en ligne sur Planete BD – sur la justesse du scénario de Sylvain Ricard : « En habile scénariste, rompu aux causes sociales qu’il a pris l’habitude d’évoquer (les prisons, les violences faites aux femmes, l’euthanasie…), Ricard prend soin de ne pas stigmatiser son propos ». La colonne vertébrale du scénario de Sylvain Ricard est le Ten Point Plan rédigé en 1966. En respectant fidèlement leur énumération, l’auteur aborde ainsi les questions de la liberté, de l’employabilité, de l’anticapitalisme, du droit au logement et de celui à l’éducation :

Point #1 : Nous voulons la liberté. Nous voulons le pouvoir de définir la destinée de notre peuple noir.

Point #2 : Nous voulons le plein emploi pour notre peuple.

Point #3 : Nous voulons que le peuple noir ne soit plus volé par les capitalistes.

Point #4 : Nous voulons des logements décents, dignes.

Point #5 : Nous voulons pour notre peuple une éducation qui révèle la véritable essence de la société américaine décadente. Nous voulons une éducation qui nous apprenne notre véritable histoire et qui nous dise ce que doit être notre rôle dans la société d’aujourd’hui.

Point par point, Sylvain Ricard décortique son sujet sans misérabilisme et démontre que la lente évolution des mentalités fait barrage à ces principes fondamentaux et bafoue ces droits. Pourtant, si on ressent la volonté du scénariste de faire monter la tension à chaque chapitre, il me semble que la colère du personnage s’étouffe dans sa propre obstination à défendre la cause du Black Panther Party.

Suite à ma lecture, j’en arrive donc au constat que si la tension existe, c’est grâce au travail du dessinateur. L’ambiance qu’il crée à l’aide de lavis est de toute beauté. Le découpage des planches plonge le lecteur dans le récit ; ainsi, de manière fluide, on navigue entre des temps d’arrêt sur la gravité d’une expression ou la profondeur d’un regard et des visions d’ensemble plus extérieures d’une scène (une pièce, un bâtiment, une rue…). Ces effets visuels, très cinématographiques, donnent du dynamisme et de la fluidité à la lecture. Comme Christophe Chabouté, j’ai trouvé que le Guillaume Martinez gérait parfaitement les passages muets, sachant installer une ambiance adéquate et rendre les silences éloquents.

PictomouiLa spontanéité narrative semble absente du récit. L’issue tragique du diptyque semble être une évidence :

Point #6 : Nous voulons que tous les hommes noirs soient exemptés du service militaire.

Point #7 : Nous voulons la fin immédiate de la brutalité policière et du meurtre des personnes noires.

Point #8 : Nous voulons la liberté pour tous les hommes noirs détenus dans des prisons municipales, de comtés, d’état et fédérales.

Point #9 : Nous voulons que toutes les personnes noires amenées en cour soient jugées par leurs pairs ou par des personnes de leurs communautés noires tel que défini dans la Constitution des États-Unis.

Point #10 : Nous voulons des terres, du pain, des logements, de l’éducation, des vêtements, la justice et la paix…

Je ne doute pas un instant de la force et de la pertinence de ce récit cependant, ne pouvant avoir un regard d’ensemble sur cette intrigue avant plusieurs mois… je reste dubitative.

Mon avis sur le tome 2.

D’autres chroniques en ligne : Un jour une BD, PaKa, Krinein et Fred (sur BDaBD).

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs BD du mercredi. Découvrez les autres chroniques d’aujourd’hui :

Motherfucker

Challenge Petit Bac
Option Gros mot

Première Partie

Diptyque terminé

Éditeur : Futuropolis

Dessinateur : Guillaume MARTINEZ

Scénariste : Sylvain RICARD

Dépôt légal : juin 2012

ISBN : 978-2-7548-0634-3

Bulles bulles bulles…

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Motherfucker, première partie – Ricard – Martinez © Futuropolis – 2012

20 ans ferme (Ricard & Nicoby)

20 ans ferme
Ricrad – Nicoby © Futuropolis – 2012

Ce matin-là, Milan se lève, s’habille, embrasse sa femme, enfile son holster, y place son arme et sort de chez lui. Il part retrouver une connaissance avec qui il a rendez-vous dans une rue peu passante de la ville. Nous sommes en 1985, quelque part dans les Alpes-Maritimes.

L’échange débute, « c’est bon ? ». « Tout est prêt » lui répond son interlocuteur. Ils n’auront pas le temps de poursuivre, les flics sortent de partout, les plaquent au sol, le jeu du chat et de la souris est terminé. Milan doit passer par la case prison, il ne percevra pas les 20.000 euros en passant par la case départ, c’est le moment de payer pour ses méfaits : des braquages de banques. Il plaide coupable à son procès, la décision du Juge tombe : 20 ans ferme… Milan a 20 ans et ses perspectives d’avenir qui n’étaient déjà pas radieuses s’amenuisent à vue d’œil.

Surprenante scène introductive qui nous fait vite réajuster le tir. J’avais fait le choix de ne pas lire le pitch de l’album avant lecture. Je pensais donc partager les presque 100 pages du récit en compagnie d’un flic… changement rapide de programme, ce n’est donc pas un flic véreux que nous accompagnerons mais un petit truand. Truand certes, mais cela ne le prive aucunement d’avoir son mot à dire sur la situation carcérale en France. Certes, ses méthodes pour faire entendre son point de vue ne sont pas celles que l’Administration pénitentiaire entend cotiser (émeute, grève…). Pourtant, le personnage de Sylvain Ricard soulève-là des questions de fond que l’Etat refuse de voir. Mettons de côté le discours hypocrite de dire que si ce protagoniste avait opté pour un mode de communication plus conventionnel (courrier au Juge d’applications des peines, au Procureur…), il aurait plus facilement gain de cause. Non. Ces démarches seraient très certainement restées aussi infructueuses, la seule différence c’est que cela ne lui aurait pas valu plusieurs séjours au mitard et lui aurait peut-être évité bon nombre de bastonnades de la part des matons soucieux de rapatrier les brebis égarées dans le troupeau des moutons de Panurge.

La plume du scénariste est acerbe, dépitée et malheureusement très réaliste sur la situation des détenus. Surpopulation carcérale, irrespect de la dignité humaine, droits bafoués, conditions de vie dégradantes… La liste est longue mais parmi les constats abordés dans l’album, on peut retenir l’engorgement des services sociaux du milieu carcéral qui ne permet pas un suivi satisfaisant (et suffisant) de l’ensemble des détenus qui en font la demande, payes variables pour les détenus qui travaillent en Prison (blanchisserie, mécanique…), fouilles au corps, violences psychologiques… « On veut plus d’humanité » dira Milan lors d’une manifestation pacifique qui se terminera dans un déferlement de violence comme en témoigne le visuel associé à ce paragraphe.

Le discours est peut-être un peu trop caricatural par moment pourtant les conditions de détention sont si variables d’un établissement carcéral à l’autre, les anecdotes sont parfois si proches des témoignages que j’ai déjà eu l’occasion d’entendre lors des entretiens de suivi qu’il me serait difficile d’aller à l’encontre du positionnement de l’auteur. Le ton est posé, le message a une réelle portée comme vous pourrez en juger par les extraits insérés en bas d’article.

J’ai un peu plus de mal avec les choix de Nicoby que j’avais suivi sans sourciller sur Les ensembles contraires. Ici, je pourrais vulgairement résumer en disant que l’ambiance se crée principalement autour des jeux de couleurs : couleurs toniques et chaudes pour l’extérieur, couleurs monotones de marrons/gris/verts pour la vie en milieu carcéral. Je fais la moue sur ce choix trop classique.

PictoOKJe vous conseille cette lecture tout simplement parce que j’ai envie de vous voir taper du poing sur la table et savoir que d’autres dénoncent les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires. N’est-ce pas une raison satisfaisante ?

La chronique de PaKa, celle d’Yvan et le dossier de presse de Ban public.

Extraits :

« Franchement dans la merde tu veux dire. Soit il plaide coupable et il est sûr de rester à l’ombre… mais s’il plaide non coupable et que les jurés ne le croient pas, il prend une peine deux fois plus lourde. Quand tu es innocent en prison, tu as plus intérêt à dire que tu es coupable, c’est moins risqué. Etre innocent en prison, c’est avoir le choix entre la peste et le choléra. Dingue non ? Moi, je suis coupable. Alors tu penses que j’en ai rien à foutre ! » (20 ans ferme).

« C’est un monde hermétique ici. Une lente glissade vers le fond. Pour la majorité des gars. Moi, j’apprivoise et je dresse des souris. C’est ma façon de retrouver une certaine humanité et d’éviter de me perdre totalement. La plupart entrent ici pour un simple vol ou une escroquerie et ressortent avec un diplôme de grand banditisme. La prison ne peut pas les aider. Ne compte pas sur eux pour t’en sortir mon gars. Ne compte sur personne, tu seras pas déçu » (20 ans ferme).

« De quelle prison parle-t-on ? Des murs inutiles qui nous entourent ou de l’enfermement de notre esprit duquel vous ne souhaitez pas que l’on sorte ? (…) Vous savez bien que derrière chaque personne qui entre ici il y a une douleur, il y a un besoin, il y a un manque. Rien de tout cela n’est trivial. Nous y arrivons inachevés, en souffrance. Nous en ressortons détruits, déshumanisés. Pensez-vous que ces murs n’y sont pour rien ? Pensez-vous que vous n’avez aucune responsabilité à endosser ? Le régime carcéral est barbare et inutile. Il ne construit rien d’autre que des sentiments de haine et de révolte quand il devrait être un lieu de reconstruction, de soins et d’épanouissement. Au lieu de ça, chacun vit dans son infrontière : un temps suspendu, l’illusion d’une vie qui s’écoule, l’incertitude d’exister » (20 ans ferme).

20 ans ferme

Un récit pour témoigner de l’indignité d’un système –

One Shot

Éditeur : Futuropolis

Dessinateur : NICOBY

Scénariste : Sylvain RICARD

Dépôt légal : Mars 2012

ISBN : 978-2-7548-0586-5

Bulles bulles bulles…

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20 ans ferme – Ricard – Nicoby © Futuropolis – 2012