Le Printemps des Arabes (Filiu & Pomès)

Filiu – Pomès © Futuropolis – 2013
Filiu – Pomès © Futuropolis – 2013

Tunisie, 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid : Mohamed Bouazizi, un modeste vendeur à la sauvette, s’immole en plein centre-ville ; les forces de l’ordre venaient de lui confisquer son seul moyen de subsistance.

« Ce sacrifice enflamme l’ensemble du monde arabe ».

Les émeutes gagnent l’ensemble de la Tunisie, Ben Ali fuit en Arabie Saoudite le 14 janvier et le 17 février 2011, la Place du 7 novembre (nommée ainsi en référence à la date symbolique de la prise du pouvoir par Ben Ali le 7.11.1987) est rebaptisée « Place Mohamed Bouazizi »…

Le Printemps arabe a commencé…

Egypte, 11 février 2011. Le Président Moubarak abandonne le pouvoir, cédant ainsi face au mouvement révolutionnaire qui anime le pays qu’il dirige depuis 1981. Dès lors, au Caire, la Place Tahrir est devenue le lieu où l’anniversaire de la chute de Moubarak était célébré chaque semaine.

Yémen, février 2011. Le mouvement contestataire gronde. Les manifestants se mobilisent. A Sanaa, lieu de forte mobilisation, le peuple prend d’assaut la place Taghyir qu’ils rebaptisent « Place du changement. Le Président Saleh, au pouvoir depuis 1990, quitte finalement le pouvoir en février 2012 après un an de conflits.

Syrie, mars 2011. La colère des peuples voisins se propage dans tout le pays suite au décès de jeunes adolescents, torturés par les forces de l’ordre. La nouvelle se répand et met le feu aux poudres. Les manifestants se rassemblent en brandissant la photo de Hamza Al Khatib, 13 ans, qui a péri suite aux sévices subis. Fadwa Suleiman prend la parole et rejoint le corps des militants pour tenter de faire plier le règne de la famille Al-Assad (au pouvoir depuis 1970).

Libye, 15 février 2011. L’arrestation de Fathi Terbil, avocat et défenseur des droits de l’Homme, est l’événement déclencheur pour la Libye. Les habitants de Benghazi descendent dans la rue, assiègent le Commissariat central et font libérer Terbil. Le soulèvement contre Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, s’étend sur l’ensemble du territoire.

Maroc, Bahreïn, Palestine, Arabie Saoudite, Algérie… le monde arabe se soulève et réclame le départ de ses despotes.

L’ouvrage se découpe en 16 courts chapitres qui reviennent méthodiquement sur les événements. On pourrait découper l’album en deux parties : une première qui présente de manière globale les événements vécus par certaines nations et qui ont conduits les détenteurs du pouvoir à fuir ou abdiquer (Tunisie, Egypte, Yémen) et une seconde partie – à compter du chapitre 8 – dans laquelle Jean-Pierre Filiu revient sur les manifestations et aborde des événements plus ciblés (la mort de Kadhafi est traitée au chapitre 9, l’actions des Ultras (supporters de l’équipe de football de l’Ahly au chapitre 11 ou les événements de Laghouat – Algérie – au chapitre 14).

Le premier chapitre avait été publié dans son intégralité dans le collectif Le jour où… France Info, 25 ans d’actualités. Quant au seizième et dernier chapitre englobe le mouvement arabe de manière globe et propose une lecture plus large des événements en pointant notamment l’influence des médias internationaux sur l’opinion publique (ils laissent parfois libre court aux suppositions, renforçant notamment l’idée de conspiration et laissant entrevoir les enjeux financiers et stratégiques sous-jacents des pays occidentaux).

Jean-Pierre Filiu s’arrête sur des personnalités qui ont marqué l’actualité, comme Fadwa Suleiman (Syrie) dont je parlais plus haut mais aussi Oussama El Khlifi qui a mobilisé les marocains et initié le « Mouvement du 20 février » ou encore Rami Al-Sayed (Syrie) Hamza Kashgari (Arabie Saoudite) et Chadi, cet étudiant d’Alep qui a mobilisé le corps étudiant contre le régime.

Le scénario est dense mais finalement, la scission en courts chapitres donne du rythme au témoignage. La narration est alerte et entraine le lecteur dans son élan contestataire, ses scènes de liesse et de mobilisations populaires. Le travail graphique de Cyrille Pomès est précis, réaliste, sobre et percutant. Les reliefs sont réalisés à l’aide de jeux de hachure, ces effets s’accordent bien avec la gravité des propos. Quant à la mise en couleur, on retiendra également la sobriété des choix qui ont été faits (bruns, verts, rouges, bleus prédominent, dans des palettes assez sombres). La luminosité perce grâce au fait que le dessinateur s’affranchit régulièrement des cases, les individus évoluent ainsi plus librement au cœur des pages dont l’arrangement semble mû par la teneur des propos et la volonté de ne pas oppresser les illustrations dans des cadres prédéfinis. Cette découpe de page permet également au lecteur de profiter d’un rythme de lecture entrainant dont je vous parlais plus haut. Graphiquement, le trait de Cyrille Pomès me fait ici penser aux travaux d’Alfred (sur Je mourrai pas gibier) ou de Soulman (sur Les Chemins de traverse).

PictoOKUne rétrospective à la fois complète (au regard des événements abordés) et concise compte tenu des nombreux événements qui se rapportent au mouvement du Printemps arabe. De quoi donner au lecteur le moyen de reprendre sa mémoire en main et de pouvoir s’appuyer sur une chronologie des faits majeurs qu’il faut retenir. On est un peu sonné en sortant de cette lecture mais les repères que l’ouvrage nous a permis de consolider sont clairs.

Le chapitre final se referme sur une actualité plus récente : la montée des frères musulmans en Egypte, la poursuite des exactions en Syrie…

Extraits :

« Le Yémen, avec deux armes à feu en moyenne par habitants, est secoué en permanence par des cycles de vendetta que seul le versement d’un « prix du sang » peut suspendre » (Le Printemps des Arabes).

« Dopés par la Révolution comme pour la victoire, les supporters défient à chaque occasion les forces de l’ordre » (Le Printemps des Arabes).

« La liberté se mérite chaque jour et la démocratie est trop humaine pour ne pas être fragile » (Le Printemps des Arabes).

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Phénomène météorologique : Printemps

Challenge Histoire : les mouvements contestataires dans le monde arabe

PetitBac Histoire

Le Printemps des Arabes

One Shot

Editeur : Futuropolis

(en partenariat avec Amnesty International)

Dessinateur : Cyrille POMES

Scénariste : Jean-Pierre FILIU

Dépôt légal : juin 2013

ISBN : 978-2-7548-0861-3

Bulles bulles bulles…

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Les Printemps des Arabes – Filiu – Pomès © Futuropolis – 2013

Le jour où… France Info 25 ans d’actualités (Collectif d’auteurs)

Le jour où... France Info 25 ans d'actualités
Collectif d’auteurs © Futuropolis & France Info – 2012

1987-2012.

Cet album retrace les faits majeurs qui ont marqués l’actualité durant cette période : la chute du mur de Berlin, l’attentat du 11.09.2001, la tempête de 1999, l’élection d’Obama…

Chaque chapitre est couvert par un auteur ou un duo d’auteurs, mettant ainsi en exergue toute la richesse, la technicité et la variété de la bande dessinée.

Le lien vers la fiche éditeur est inséré dans les références de l’album (en bas d’article).

Cela faisait très longtemps que je souhaitais lire la première version de cette collaboration entre France Info et Futuropolis.

Mitchul présentait ici cette édition, celle dont je vais vous parler est une version augmentée de 7 chapitres (couvrant les années 2008-2012).

Chaque sujet est abordé de manière très personnelle. Le cahier des charges adressé aux auteurs semble large. Certains sont scrupuleux quant au sujet et partagent points de vue et connaissances sur l’événement. D’autres détournent le sujet et abordent ce « buzz médiatique » indirectement ; certes, quelques anecdotes rapportées ici n’apportent rien au sujet mais ce cas de figure se présente ponctuellement.

De David B. à Davodeau, de Jean-Denis Pendanx à Igort, de Stassen à Sacco… imaginez la richesse de styles, de graphismes et de points de vue !!

Je n’aborderais pas le détail de chaque nouvelle et la manière dont les sujets sont traités. Deux récits ont cependant retenu mon attention :

  • Le travail de Pierre Christin & Guillaume Martinez (repéré récemment dans Motherfucker) : la narration très journalistique tout d’abord. Christin énumère les impacts de l’événement aux quatre coins de la planète, mettant ainsi en exergue la diversité des accueils consacrés à cette information allant ainsi de la plus farouche des paranoïas (des chrétiens fondamentalistes de l’Arkansas au « obsessionnels du chiffre 11) à l’indifférence totale dans les régions les plus reculées d’Afrique Noire ou dans les communautés ouvrières du sud de la Chine. Le dénouement tombe comme un couperet au terme de 8 pages. Le graphisme de Guillaume Martinez est sombre, réaliste, délicat bref… le ton est juste de bout en bout pour ce volet d’actualité.
  • Le travail d’Etienne Davodeau sur la tempête de décembre 1999. C’est beau, poétique et la narration joue parfaitement avec une ambiguïté très bien dosée entre premier et second degré. La métaphore est belle et la narration… tant de charme et d’ironie s’en dégage ! Voici comment cela commence :

J’ai toujours bien aimé le vent. Là où je vis, c’est le vent d’ouest qui règne en maître, familier mais changeant. L’hiver, cet idiot fait du zèle, distribuant ses averses sans avarice. Pour se faire pardonner, certains soirs, il nous invite au spectacle et nous offre un crépuscule sanguine et ardoise. On pardonne. Au printemps, bon ouvrier, il se fait brise guillerette. Toujours prêt à rendre service, il transporte sans barguigner pollens et giboulées

… je vous laisse découvrir la suite lors de la lecture… Pour illustrer cette ode au vent et contrecarrer la douceur de ses mots, les visuels de l’auteur se teintent d‘ocres, de bruns et de gris et mettent en scène l’élément quand il se déchaîne. Superbe.

PictoOKLes amateurs de BD reportages devraient apprécier tant la qualité des compositions que les propos qu’elles contiennent.

Les chroniques : Jérôme, Eric Guillaud, Madoka, Gwordia et Bulles en Champagne (site consacré au Festival éponyme).

Extrait :

« Perdre sa liberté, c’est perdre sa dignité. Le rapport avec toi-même ne t’appartient plus. Tu ne peux plus décider seule ce que tu ressens dans ton cœur. Tu essaies de vivre dans ta tête… dans tes pensées. C’est là la seule liberté que l’on ne peut jamais t’enlever. Jamais. Et tu en arrives même à haïr ton corps, car il est source de douleur, même si c’est la seule chose qui te fasse sentir en vie » (Le jour où… France Info 25 ans d’actualitésLa Libération d’Ingrid Bettancourt par Igort).

Le jour où… France Info 25 ans d’actualités

Anthologie

Éditeurs : Futuropolis & Editions Radio France

Collectif d’auteurs :

en plus des auteurs pointés par les Catégories de publication de mon article (voir au début de l’article, en dessous du titre de l’album), ont également collaboré à cet ouvrage :

Thierry MARTIN, BLUTCH, Jean-Claude DENIS, Jacques FERRANDEZ, Mathieu BLANCHIN, Christian PERRISSIN, Emmanuel MOYNOT, Jean-Pierre FILIU, Cyrille POMES, TIGNOUS, Miles HYMAN & JUL

Dépôt légal : juin 2012

ISBN : 978-2-7548-0822-4

Bulles bulles bulles…

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Le jour où… France Info 25 ans d’actualités – Collectif d’auteurs © Futuropolis – 2012